Critique d'album
Slipknot : "Slipknot"
Plutôt que la simplicité dans le sinistre (que cultivent par exemple les Nine Inch Nails et Rammstein), ce groupe s'est positionné dès son départ (1999) dans l'horreur grand guignol : il faut bien que quelqu'un perpétue la grande tradition du déguisement dans le hard rock, initiée il y a trente ans par Alice Cooper et Kiss ! Ainsi Slipknot est la dernière grosse sensation en date dans le monde du rock 'épouvantail' (les mimiques de Marylin Manson finissant par être répétitives, quoique toujours talentueuses et drôles).
25 000 heureux spectateurs se souviennent de leur prestation, noyée dans un brouillard de poussière brune, aux Eurockéennes de Belfort, et juste avant leurs grands frères - et grands inspirateurs il faut le dire ! - de Korn. Le groupe se présentait alors comme un horrible tas de monstres, affreusement grimés (mi sado-maso, mi-Hellraiser voire Texas Chainsaw Massacre), capable de livrer une prestation live de très bonne qualité, que j'ai même préférée à celle de Korn d'ailleurs : 10 personnes sur scène et on entendait à peu près tout le monde !
Le premier morceau de ce premier album (le fameux morceau par lequel on doit convaincre les maisons de disque et les auditeurs en 30 secondes) manquait cependant un peu d'humour : on dirait du Pantera époque Vulgar Display of Power : comparaison pas désagréable mais dénotant à priori un manque total d'inventivité ! L'oreille s'excite par contre dès le deuxième titre, une pure tuerie : démarrage sur un rythme techno jungle, une note de guitare unique et répétée, et puis un chant hurlé à la diction totalement schizophrène et hypnotique... évidemment c'est un peu too much mais nom de dieu ce que c'est bon !
Et ensuite, au fil de l'album, bien sûr tout ça reste assez bourrin, inécoutable par le profane, mais ô surprise... le chanteur est aussi capable de chanter, le batteur est parfois capable de n'utiliser qu'un pied et pas une double caisse, il y a de vraies lignes mélodiques, la lecture du livret fait apparaître un engagement anti-sécuritaire qui paraît sincère, et enfin la présence d'un DJ ajoute de plaisants sons électro de-ci de-là... Toute cette violence ne serait-elle donc pas seulement gratuite, bête et méchante ?
On repense alors à l'excellent album Evil Water de Skull (également chroniqué sur ce site) et on se dit que les métalleux d'aujourd'hui ne sont décidément plus des abrutis chevelus comme dans les années 80 : ceux d'aujourd'hui ont écouté du rock, de la techno, du rap, ils s'en sont inspiré et, à la manière des DJ et remixeurs de talents, ils absorbent, remixent, recrachent... ils créent tout en perpétuant les pré-requis basiques du metal : la violence musicale en tant que défouloir, head-bang et torticolis, nihilisme et ... rigolade.
Du coup, que ça plaise ou non et même s'ils vendent beaucoup trop de T-shirts moches à mon goût, Slipknot, bien plus que les éructations répétitives des brontosaures du siècle dernier (voir par exemple le dernier album de Samaël), c'est bien ce qui semble être l'avenir du metal.
Alors pour finir, les kids étant déjà convaincus, disons aux fans de metal old school (25 ans et plus) ce que disait Antoine de Caunes en introduisant Nirvana dans NPA : Si c'est trop fort c'est que vous êtes trop vieux !.
Ou mieux encore, comme le dit Slipknot : Don't you ever judge me !
(2005)
Critique écrite le 21 février 2005 par Philippe
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