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Chronique de Concert

Cowboys From Outerspace + Hot Rods Addicts

Poste à Galène - Marseille 14 novembre 2002

Critique écrite le par

C'est votre jour de chance : vous êtes chargés de rédiger la chronique du concert que les Cowboys from Outerspace ont donné au Poste à Galène le 14 novembre dernier, et auquel vous eûtes ce soir-là le plaisir d'assister. Avant de vous jeter comme un mort de faim sur votre traitement de texte, demandez-vous pourquoi aucun des nombreux envoyés spéciaux de votre site web préféré n'a osé se coltiner avant vous à cette lourde et délicate mission. En particulier, développez l'analyse que, même chez les individus les plus avertis et les plus courageux vivant à Marseille, parler de la musique des Cowboys from Outerspace est une tâche qui requiert une santé mentale et physique nettement plus robuste que celle dont sont manifestement dotés la plupart des commentateurs. C'est la première idée de votre dissertation : évoquer ne serait-ce qu'un extrait d'un spectacle des Cowboys from Outerspace est une épreuve qui dépasse le simple entendement. En cinquante mots maximum, expliquez pourquoi.

Vous entrez maintenant dans le vif du sujet. Réfléchissez. Vous ne pouvez décemment pas rédiger cette chronique sans préciser ce qu'était, avant, pour vous, le rock'n'roll - je veux dire : comment, avant de découvrir les Cowboys from Outerspace, osiez-vous écouter de la musique en prétendant qu'il s'agissait de rock'n'roll ? Relisez la collection complète des Best et Rock'n'Folk que vous dévoriez petit, et lancez-vous (dans certains cas, vous avez la possibilité de brûler aujourd'hui ce que vous avez adoré hier. Relisez bien : d'un mois sur l'autre, c'est ce à quoi se livrent tous les rock-critics dignes de ce nom ayant collaboré à ces deux bibles). Si vous avez un peu d'humour, tentez ensuite de raconter, mais sans vous apitoyer sur vous-même, la gifle que vous infligèrent les deux premiers albums du trio marseillais. Et, en décrivant (rapidement. Vous n'êtes pas là pour ricaner) la palanquée d'alcooliques anonymes et de poivrots notoires qui composent le public du Poste à Galène en ce fameux 14 novembre, concluez cette introduction par quelques bons mots sur la chaleur virile qui se dégage de l'assistance, du genre : diable, le rock'n'roll serait-il exclusivement une affaire d'hommes ?

N'oubliez pas de jouer avec les nerfs de vos lecteurs (ils vous le rendront bien. De toute façon, vous venez déjà de vous fâcher à mort avec toutes vos lectrices, et ceux qui n'y connaissent rien ont filé ailleurs depuis longtemps. Quant à nos amis rastas...). Avant de parler des héros du jour (voilà, vous avez compris. Soyez dithyrambiques ! Personne ne se souviendra de votre article dans un mois), notez sans charité excessive mais avec honnêteté les observations que vous inspire le groupe qui joue en lever de rideau. Trois axes s'offrent à vous : le "mépris", "l'intérêt" et la "bonne surprise". Avant de choisir votre angle d'attaque, sachez que d'une façon générale, un groupe de première partie tient toujours un peu des trois à la fois. Pour les Hot Rods Addicts, insistez donc sur le déguisement du chanteur (mépris), la cohésion du combo (intérêt) et l'ardeur du contrebassiste (bonne surprise). Ou, si vous préférez, sur le tempo du set (bonne surprise), la construction des compos (intérêt) et l'originalité du style (mépris). Trouvez trois autres exemples et concluez (vite. Je vous rappelle que vous jouez avec les nerfs de vos lecteurs).

Reprenez le fil de cette chronique. Vous êtes nos yeux : à titre d'information, entamez la description physique des trois personnages qui montent maintenant sur scène. Evitez toute formulation malheureuse : n'écrivez pas, par exemple, que le chanteur, avec sa chemise pailletée et ses oreilles décollées, a l'air de sortir tout droit d'un show de Maritie et Gilbert Carpentier des années 70 (hors sujet manifeste, sans compter que c'est pas beau de se moquer) ; ni que le bassiste, avec sa vague ressemblance avec un Gérard Lanvin jeune, son œil scrutateur fixé sur le public et ses cigarettes allumées l'une à la suite de l'autre, ressemble à un maître-nageur d'Alerte à Malibu (diffamation notoire. Il n'y a aucun fumeur dans Alerte à Malibu) ; ou encore que le batteur aux faux airs d'Iggy Stooges paraît réellement retranché dans son propre monde (lapalissade : tous les batteurs de rock sont de grands névrotiques, c'est bien connu). Dîtes plutôt : dans un fracas de tonnerre, nos super-héros (bien. Très bien) envahissent un espace scénique et un volume sonore qu'ils vont occuper avec l'appétit d'un loup-garou sevré de chair fraîche depuis des siècles. Voilà, c'est pas mal.



Car la vraie question, vous le savez, le vrai secret des Cowboys est là : comment ces trois-là parviennent à occuper ainsi les trois dimensions (espace, temps, volume) qui leur sont offertes, avec un jeu de scène quasi-inexistant, un décor totalement nu et un jeu de lumières à la limite du simplissime - c'est à dire avec trois fois rien ? Surtout, n'allez pas jouer les ingénieurs du son : ne parlez donc pas, s'il vous plaît, de la basse hyper saturée de Basil, de la guitare distordue et grinçante de Michel et de la batterie ultra présente d'Henri dans cet environnement bionique. Seriez-vous donc si sûr de tenir là vraiment la bonne réponse ? Un bon conseil : ne répondez pas complètement à la question posée. Osez avouer votre incompréhension, et demandez à ceux qui vous ont lu jusque là (s'il en reste, bien sûr) de se construire leur propre opinion (et, accessoirement, de vous faxer leurs réponses). Vous n'êtes pas non plus là pour tout mâcher à vos lecteurs : n'oubliez pas que ce site est gratuit.



Bon, vous arrivez maintenant à la partie la plus périlleuse de votre argumentation : pourquoi, de votre point de vue, il ne faut pas acheter Space-O-Phonics Aliens, le troisième album des Cowboys from Outerspace. Prenez votre temps : le disque est encensé par une critique unanime, emmenée avec fougue par un certain Philippe Manœuvre (auteur d'un mémorable "Les Cowboys from Outerspace sont les sauveurs du rock'n'roll !". Aaah... Sacré Phil, va). Allez-y franco : évoquez la vague de suicides et de gastro-entérites qui s'ensuivront dans le pays si l'on s'avise un jour de mettre cet album à la disposition de tout le monde - et donc de n'importe qui. Rappelez avec soin l'ampleur du trou de la Sécurité sociale, le déremboursement progressif des médicaments de base, et le temps que met, aujourd'hui, un médecin spécialiste pour vous accorder ne serait-ce qu'un rendez-vous.



Si ça ne suffit pas, conviez poliment chacun à relire les priorités budgétaires du gouvernement Raffarin. Car acheter Space-O-Phonics Aliens, c'est donner aujourd'hui à Nicolas Sarkozy le bâton pour nous faire battre demain. Acheter Space-O-Phonics Aliens, c'est justifier par avance l'interdiction du porno à la télévision, la privatisation d'EDF GDF, l'internement des pauvres et des prostituées. Osez le dire : acheter Space-O-Phonics Aliens, c'est - très prochainement - devoir aller revoter pour Chirac. Vous êtes plutôt sport ? Space-O-Phonics Aliens, c'est la Coupe du monde 2002 pour l'équipe de France ou la finale de Bari pour l'OM : une injustice déique. Diététique ? Space-O-Phonics Aliens, c'est un Big Mac avec que du bifteck dedans. Littéraire ? Space-O-Phonics Aliens, c'est Michel Houellebecq lu et corrigé par Virginie Despentes. Grolandais ? Space-O-Phonics Aliens, c'est une bouse de vache sous la chaussure de Notre Président. Emportez-vous, faites un peu preuve de conviction, répétez-le sur tous les tons : il ne faut pas acheter Space-O-Phonics Aliens. Bon sang, est-ce que c'est clair ?



Calmez-vous (c'est vrai, quoi. Votre clavier n'y est pour rien). Adressez-vous maintenant à ceux que vous n'aurez pas convaincu. Il y en a certainement, ne vous fatiguez pas. Dîtes-leur des choses simples. Par exemple, expliquez-leur que, au travers de titres comme Every girl got her dog ou Big woman blues, le dernier disque des Cowboys from Outerspace est une giclée d'huile de moteur sur un pantalon blanc (celui du dimanche). Qu'avec des brûlots comme Bossa nova baby ou Hornets, le dernier disque des Cowboys from Outerspace provoque le même effet que si un contrôleur de la RTM faisait une clé anglaise au misérable resquilleur que vous êtes. Que Rock'n'Roll star ou Spy from the grave donnent au dernier disque des Cowboys from Outerspace l'impact du thermomètre que vous enfonce avec sadisme une infirmière que son médecin-chef vient d'engueuler et son mari de quitter. Que Hurry ou Humility (1 & 2) vous laissent dans le même état d'expectative et d'indécision que lorsque à l'issue d'un repas bien arrosé votre petite amie décide de prendre le volant. Etc, etc. Trouvez d'autres images de ce style, et ne vous détournez pas de votre voie.



Rejouez avec les nerfs de ceux qui vous lisent (normalement, si vous êtes doués, à ce moment-là, ils sont tous partis). Parlez-leur des réactions du public. De l'impatience qui était la sienne (avant), de l'effarement qui monta doucement en lui (pendant), et de l'abattement qui saisit le plus grand nombre quand, au bout d'une heure et six minutes (eh oui. Les Cowboys from Outerspace passent moins de temps sur scène que Superbus ; dans un cas il faut s'en plaindre, et dans l'autre le regretter. Devinez lequel), nos super-méga-héros (génial. Vous faites des progrès à chaque phrase) quittent le plateau. De ce vide sidéral qui soudain envahit la salle (c'est le moment de glisser une formule comme : "Quand les Cowboys from Outerspace arrêtent de jouer, le silence qui suit leurs morceaux est encore signé des Cowboys from Outerspace"). Parlez, si vous le pouvez, de ces rares spectatrices présentes que vous n'aviez pas encore aperçues. Qui, malgré que vous tentiez de leur faire la conversation, ont là, à ce moment précis, les jambes flageolantes et l'esprit dans le vague, comme si, sans que vous n'y ayez rien vu, un Rocco Siffredi sous amphèt' s'était occupé d'elles pendant ces soixante-six minutes. C'est aussi ça, l'effet Cowboys.



Evitez de faire le malin (si ça se trouve, dans l'enthousiasme ambiant, Rocco Siffredi s'est AUSSI occupé de vous). Commentez plutôt cette citation : "Les Cowboys from Outerspace jouent du rock avec une énergie punk-rock". A la lumière du concert auquel vous venez d'assister, diriez-vous que ce commentaire de Lucas Trouble (producteur et quatrième larron du trio) est :
1°) Très largement exagéré ?
2°) Très largement en dessous de la vérité ?
3°) Très exactement ce que vous avez ressenti ? Expliquez pourquoi.
De la même façon, demandez-vous si les Cowboys from Outerspace sont bien ce groupe qui va réconcilier les bananes avec les crêtes iroquoises, les chaînes à vélo avec les lames de rasoir, les blousons de cuir avec les épingles à nourrice. Mais se poser la question n'est-il pas déjà y répondre ? En poursuivant votre analyse, tentez alors d'expliquer pourquoi un des jeux favoris du public consiste à demander au trio d'entonner une reprise d'Elvis Presley - et pourquoi, parallèlement, un des jeux favoris du trio est de répondre le plus tard possible à ce vœu collectif.

Allez, il est temps de conclure. C'est le moment de mettre le paquet ; d'écrire tout ce que vous n'avez pas encore osé écrire. De révéler enfin votre vrai visage, lavé qu'il est à cette heure par ces longs instants que vous avez semble-t-il passé dans le tambour d'une machine à laver. Bannissez les phrases toutes faites, les "J'ai vu ce soir le futur du rock'n'roll" ou les "Le rock est mort, et les Cowboys from Outerspace sont ses prophètes". Ne partez pas non plus dans des comparaisons oiseuses comme "Les Cowboys from Outerspace sont les Jon Spencer Blues Explosion (ou les Cramps, ou tout autre combo cryptique du même acabit) qui manquaient à notre pays". Vous n'êtes pas au Stade de France, encore moins sur les Champs-É un jour de défilé. Trouvez une chute, la plus pertinente possible. Pour la forme, signalez que bon, à la rigueur, ceux qui ont lu cette chronique en entier peuvent maintenant, s'ils le désirent, et après toutes les réserves d'usage, se ruer sur Space-O-Phonics Aliens : le disque qui va tous nous tuer. Et pour lequel, s'il vous plaît, en gage d'ultime précaution, vous ne devez pas omettre pas de dire : Mick, Baze, Hank... Merci !

Voilà. Vous avez tous les ingrédients pour écrire la chronique qui vous a été demandée. Mettez-vous au turf sans tarder : au bout de dix jours, plus personne n'est capable d'écrire quelque chose de valable sur un concert, et sachez que ceux qui s'y risquent ne font guère alors que commenter les impressions qu'ils ont retenues ; une nuance qu'il convient d'apprécier ici à sa juste valeur. N'oubliez pas le timbre pour la réponse, merci d'avance et à bientôt !

Photos Pirlouiiiit

 Critique écrite le 23 novembre 2002 par Dominique K.


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