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Chronique de Concert

Godspeed You! Black Emperor + Total Life

Godspeed You! Black Emperor +  Total Life en concert

Halle de la Villette, Espace Charlie Parker, Paris 14 janvier 2011

Critique écrite le par




" Envoie du son camarade ! " " Ta gueule ! "


Le retour aux affaires de Godspeed You! Black Emperor après une quasi-décennie de " hiatus " (comme sybillinement annoncé par le groupe montréalais) n'était rien moins qu'inespéré pour une génération se reconnaissant dans leur intransigeance musicale, politique, éthique et médiatique, et marquée par la puissante singularité de leurs disques et concerts. La nouvelle, communiquée d'une simple page web rédigée dans la prose caractéristique du collectif, a rendu à la lumière un public fidèle et habituellement discret sur un net musical dégorgeant de hipsters tant regrettables qu'élitistes.

La vitesse à laquelle les places du concert de Paris sont parties témoigne de l'attente de ce public, et l'on pouvait jurer n'apercevoir aucune mèche à l'horizon tandis que la salle se remplissait de trentenaires en no-look sombre, étonnamment calmes et sobres (pas la moindre éclaboussure de bière à déplorer aux avants-postes).

Total Life en première partie, derrière une table recouverte de pédales d'effets, ne laissera pas un souvenir impérissable : apparition et disparition d'éléments rythmiques convenus sur un mur de feedback plutôt pénible ; les deux hipsters (rares pourtant) devant moi oscillent, la salle baille et rêve à la mélodie que constamment Total Life lui refusera.





Un long entracte, un roadie christique s'affairant aux côtés de l'ingénieure du son juppée et bottée, procédant à d'ultimes vérifications pendant qu'une nappe de basse trouée d'erratiques piqûres de delay fait monter la tension précédant un si attendu retour, puis les musiciens de Godspeed You! Black Emperor s'installent peu à peu, nonchalamment, en arc-de-cercle, relayant le bourdon de basse d'un drone s'élevant en lentes volutes tel un orchestre s'accordant, retenant la montée, instaurant une lenteur remarquable prémisse à la projection répétée d'une pellicule grattée du mantra " hope ", et développant enfin une puissance sonore inespérée mais sans agressivité, un mur mais qui ne vous tombe pas dessus, une mise en condition impeccable, invitation au voyage, huit ans qui s'effacent d'un coup. On se remémore alors tout juste l'état de joie catharsique caractéristique de ses vieux concerts quand le groupe débute Storm, qui ouvrait Lift up your skinny fists like antennas to heaven.

Instantanément, on saisit l'ampleur et la qualité du son : les huit musiciens (la violoncelliste Norsola étant absente) déploient un " jouer-ensemble " magistral, nécessaire à leur line-up particulier (trois guitaristes, une violoniste, deux bassistes dont l'un optant parfois pour une contrebasse, et deux batteurs), une impressionnante complémentarité qui seule préserve la volonté de faire masse en empilant rythmes et mélodies marquantes du piège du fouillis. Les " paysages cinématographiques " systématiquement évoqués à propos de leur musique, cliché sans imagination recouvrant des morceaux très allongés, explorent timbres et ambiances pour un public hypnotisé par le fond de scène, défilé ininterrompu d'images projetées depuis trois antiques projecteurs à bobines, tant et si bien que nombre s'obstineront à tenter de médiocres prises de vues téléphoniques, triste nouveauté de cette décennie, à en regretter l'archaïque droit de fumer qui avait pour lui d'occuper les mains.

Détailler plus la musique elle-même serait rompre la magie que le groupe a su retrouver, une fois n'est pas coutume, en se reformant ; signalons toujours l'angoissante version du classique Rockets fall on rocket falls, la clôture du concert d'un terrassant Blaise Bailey Finnegan III, une part infime des fans se récitant à voix haute le sinistre sample vocal qui le ponctue, ou la mauvaise volonté manifeste de quantité de mélodies à quitter mon cerveau longtemps pourtant après la dernière note.

Certains esprits chagrins, rares parmi les présents, regretteront l'absence de nouveauté dans la set-list ou le départ sans rappel (malgré plus de deux heures de concert !), négligeant la pertinence renouvelée de cette tension permanente entre apocalypse et espoir qui traverse chaque note jouée par Godspeed You! Black Emperor et qui souvent, au moment de lire le journal ou d'écouter les informations, aide à se sentir moins mal.

Quant à l'échange peu amène entre l'un des rares pénibles kakis présents et une spectatrice mis ici en exergue, il signait la reconnaissance de ce si discret public pour l'élégante expression de la colère contemporaine des Montréalais, ou la distinction entre l'aveugle gueulante et le rugissement.


Liens : www.myspace.com/gybeconstellation, www.brainwashed.com/godspeed, www.facebook.com/pages/Godspeed-You-Black-Emperor.

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