Accueil Chronique de concert Hubert-Félix Thiéfaine (Festival de Néoules)
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Chronique de Concert

Hubert-Félix Thiéfaine (Festival de Néoules)

Hubert-Félix Thiéfaine (Festival de Néoules) en concert

Bastide de Chateauloin - Néoules 16 Juillet 2015

Critique écrite le par

En Chroniquant De Fleuve...

Déjà, avant même que la scène principale ne soit totalement "en place", v'la que les premiers : "Oh-Oh - Oh-Oh-Oh-Oh ! Oh, Oh, Oh-OhO... Ôoh ! Oh, Oh, Oh-OhÔ... Ôoh !" se mettent à résonner pour réclamer la "mythique" et (audiblement) attendue "Fille de... qui vous savez !" ; comme si "celui que l'on attend, céans", n'avait rien enregistré d'autre, ou de nouveau, depuis près d'une quarantaine d'années ; ou, pire encore, que les "Petits Chanteurs à La Croix de Riz" susnommés, ne connaissent qu'icelle ? - les deux possibilités me paraissant, l'une et l'autre, un rien insultantes vis-à-vis de l'œuvre MAJEURE créée puis enregistrée par le natif de Dôle (Jura) depuis 1978 la lointaine...


Comme pour mieux enfoncer le clou de son incontournable actualité, les premières notes de guitare ouvrent le bal de l'Inespoir et font petit à petit monter le tout à l'aide de l'épastrouillant En Remontant Le Fleuve : "costaud" morceau inaugural et pierre angulaire du dernier et récent opus en date : "Oui, je suis assez fier de ma mélodie, là... j'essaie d'en faire encore quelques unes, je l'aime vraiment bien et puis surtout... Lucas, mon fils... a réussi à bien retranscrire la moiteur, le côté "Africain" de la chose... il a bien saisi la "couleur" de la chanson... c'est d'ailleurs pour ça que je me suis enthousiasmé d'emblée lorsqu'il m'a envoyé un dossier avec cette chanson, parce qu'il avait vraiment traduit tout le texte et la musique, en arrangements..."
(HF Thiefaine/Néoules/16 juillet).


Tandis que notre maestro "HF" fait appel aux "Nautoniers" et "Stryges", je comprends un rien mieux pourquoi ils ont foutu une rubrique "accessible" DicoThiefaine sur son site officiel (le très "logique" : www.thiefaine.com) ; une rubrique informative qui revient "sur", détaille ou explicite, les divers "événements" historiques, références chiadées, personnages ou batailles obscur(e)s, et autres courants philosophiques tarabiscotés du contenu ou de la démarche, ayant traversé, fait rimer, compliqué ou habillé les textes à tiroirs et doubles fonds de ses chansons. Étant donné le très "pointé" d'un doigt accusateur niveau de culture général actuel, je comprends d'autant mieux cette démarche didactique, vu que, pour une large part d'entre-elles, les références utilisées s'avèrent "pointues", "exigeantes", "surannées" ou bien "obscures", pour le commun des mortels et sa cousine lambda...

Rien qu'au niveau de l'initiale susnommée, j'avoue m'être vautré sur deux mots jusqu'alors inconnus de mes feux et neurones : Nautoniers (celui qui conduit un navire ou une barque) donc, puis Stryges (démons femelles ailés, mi-femmes, mi-oiseaux, qui poussent des cris perçants !)...


Sachant, que, paradoxalement, à chaque fois que je l'ai vu, il y avait toujours un groupe de fans postés devant qui chantait la quasi intégralité des textes de ses chansons... Je me suis logiquement demandé si ceux-ci avaient bien tout "déchiffré", tout "appris" ou tout consciencieusement "révisé", en amont, ou bien s'ils mettaient parfois en leurs bouches certaines choses inavouables qu'ils ignoraient tout bonnement pour se contenter de chanter alors de phonétique... Une rêverie du spectateur solitaire (au sein d'une foule néanmoins compacte et déjà en sueur) sèchement interrompue par un premier solo émanant des mains déjà expertes du "fils prodigue"... Un morceau de bravoure conclu d'urgence par l'ensemble, qui aurait pu (dû) bénéficier d'un largage de rubans mieux assumé, niveau solo en question et "montée" finale en apnée. Dommage. Regret vite rejeté au loin en arrière, vu qu'ils enchaînent d'envie, nantis désormais d'un second extrait d'Inespoir - bénéficiant, sur disque, de l'apport du plus "fin" des compositeurs Français : Jipé Nataf. Ils sont trois, désormais (avec l'ajout du clavier Christopher Board) à se partager les parties de guitares chiadées de Amour Désaffecté, au sujet de laquelle, une interrogation demeure, rapport à l'objet de l'amour sans issue qui s'y trouve très justement dépeint, la relation de couple au sens large du terme, ou bien l'humanité dans son ensemble ? Je vous laisse seuls juges : "Inutile de nous retourner / Sur les raisons de nos mensonges / De nos certitudes incrustées / Au plus profond creux de nos songes / Inutile de nous retourner / Sur le mal caché qui nous ronge / C'est juste la fin maintenant / D'une histoire qui tombe en poussière / C'est juste la fin maintenant / D'un amour sinistre et désert...". Une lucide fin de non recevoir qui bénéficie tout du long de l'assise sans failles d'une belle section rythmique (Marc Périer/basse + Bruce Cherbit/batterie) qui ronde et frappe sec sans ciller, ni bouger jamais.


Annoncé comme un "morceau qui aurait mérité d'être un tube !" (on ne peut guère que convenir) Errer Humanum Est, et son riff si "Mairet", Claude (mélodieux et incisif à la fois) parait agir de bénéfique sur son auteur qui semble monter en régime et changer de braquet à l'approche du col "Hors Catégorie" Meteo Für Nada (1986) avant que de basculer d'envie dans la courte descente menant au pied du suivant, depuis lequel l'on aperçoit les contreforts escarpés et glissants de "Médiacrité", de... Médiocratie : "Médiocratie... Médiacrité ! / Frères humains dans nos quartiers / Ça manque un peu d'humanité...". Outre sa facture musicale chiadée, et sa mélodie labellisée "HFT Grand Cru", son questionnement reste encore et toujours (plus) d'actualité : nous avons beau bénéficier de réelles et (trop) rapides découvertes puis avancées technologiques conséquentes et quasi exponentielles, nous avons (aurons) toujours du mal à suivre et restons (resterons ?) à jamais les mêmes ; toujours aussi peu portés sur l'amour et l'empathie, le respect et le partage, la prise en compte du "pas MOI" ; toujours aussi prompts à intriguer, faire main basse sur les biens de l'autre ou se foutre sur la gueule à la moindre occasion... Eros Über Alles, tu parles !
"Ce sont des loups frileux au bras d'une autre mort
 / Piétinant dans la boue les dernières fleurs du mal / Ils ont cru s'enivrer des chants de Maldoror / Et maintenant ils s'écroulent dans leur ombre animale...".


Plus "meuble" à mes sens, même si elle semble ravir une belle partie de l'auditoire, Confessions d'Un Never Been devra attendre que l'étincelant Alice (Botté) se pointe au crachoir à notes, pour décoller réellement ; j'ai beau regarder avec envie le sublime t-shirt Keith Richards, période Sticky Fingers, qu'il arbore ce soir, et comprendre l'affection qu'il peut bien porter à l'une des têtes bicéphales des Glimmer Twins, le solo qu'il distille alors, très rapide, technique et bas de manche, ne saurait en aucun cas sortir des mimines à Riff de son idole sur cinq cordes... no way, baby, nope !
Lorsque Angelus survient pour tout faire encore, d'un cran monter, je me dis en "interne" qu'elle a "tout d'un tube !" - rythme entrainant, mélodie à tiroir, guitares accrocheuses et sobres arrangements - et qu'il serait de bon ton de l'entendre sur nos ondes hexagonales laïques, dès l'aube, et jusqu'à point d'heure, chaque jour que Bill Gates fait (et défait) : "Je te salue Seigneur / Du fond de tes abîmes / De tes clochers trompeurs / De tes églises vides / Je suis ton cœur blessé / Le fruit de ta déprime / Je suis ton assassin / Je suis ton déicide..." ; de quoi claquer le beignet putride, ras du bulbe et lessivé du cerveau, des intégristes de tous bords aux multiples obédiences et morbides desseins indécis...
Même si notre homme ne semble pas, en apparence, partager cette attente perso : "Oui, mais, non, ça, c'est de la radio, juste. Ça ne me concerne pas, c'est pas mon truc... je l'vois bien, quand je dois faire un programme, faire une Setlist, je sais que j'ai des tubes ! Je sais que le public qui me suit, lui, pas à travers la radio mais depuis quarante ans, de concert en concert... je vois et je sais très bien ce qu'il chante, ce qui le frappe, ce qu'il attend chez-moi, enfin, je commence à, et... ça c'est bien plus important que d'avoir un tube qui passe à la radio !" (HF Thiefaine/Néoules/16 juillet).


C'est lorsque le morceau suivant se pointe, que je me rends compte de la qualité intrinsèque de ce, tout juste "sec", Stratégie de L'Inespoir : tant les chansons qui le composent trouvent naturellement leur place sur scène au sein du panthéon "HF", sans jurer ni détonner aucunement. À l'image du saisissant et néanmoins emballant Karaganda (Camp 99) : sur fond de tambours qui cognent et roulent, de guitares appuyées, d'un clavier qui nappe en soutien, je revois défiler au pas ces hommes soumis sur la Place Rouge, sous le regard complice de dignitaires empesés/écrasés d'ego Stalinien ; de la main d'œuvre interchangeable pour dictateur qui apparaissait ou disparaissait des photos officielles retravaillées ou trafiquées d'histoire au fil des ans, des défilés, des alliances et accords dénoncés ou noires purges, pour cause de versatilité du pouvoir et folie meurtrière exponentielle pleinement assumée. Tandis que je sens pointer sur moi les honnis missiles nucléaires passés et l'angoisse vrillée du ventre que ceux-ci généraient alors au plus profond du "nous" collectif (au cours du pourtant proche XXe) je me demande encore et toujours comment UNE seule personne (aidée des bras armés de la passivité et de la lâcheté) aura pu commettre autant d'horreurs, souffrances et viles exactions, et les conchie toutes et tous d'un bloc : Alexandre le Grand et Hérode, César et Charlemagne, Richard Cœur de Lion et Gengis Khan, les équarisseurs de Cathares et fomenteurs de pogroms, pourfendeurs d'Aztèques et génocidaires d'Indiens, la série viciée des "Louis" et les Révolutionnaires nés sous guillotine, le "non" génocide Arménien, Hitler, Staline, Franco et Pinochet, Pol Pot, Omar Bongo & Idi Amin Dada, Saddam Hussein, George Bush Jr., le Japon belliqueux et le Parti Communiste Chinois, les Hutus Rwandais, j'en passe, et des pires...


Inspiré par l'œuvre poétique du Péruvien César Vallejo, le magnifique Piedra Negra, Sobre Una Pierra Blanca, Autoroutes, Jeudi D'automne (répétée de précis en amont, l'après-midi) vient à point nommer en remettre une "petite" sur "l'autel enfumé de nos fibres nerveuses" : l'un des morceaux phares, de l'épastrouillant Soleil Cherche Futur - en compagnie de Lorelei Sebasto Cha, Ad Orgasnum Æternum, Les Dingues & Les Paumés, 705 713, Cherche Futur ! Pas rien... - nanti, en outre, de l'imparable et adulée de mes feux et neurones : "Elle m'envoie des cartes postales de son asile / M'annonçant la nouvelle de son dernier combat / Elle me dit que la nuit l'a rendue trop fragile / Et qu'elle veut plus ramer pour d'autres Guernica...". À méditer et faire tourner de longue, sans retenue ou distinction, même s'il est, de la nature même de l'homme, d'oublier...


Forcément réadaptée du rythme, comparée à la version bardée d'électronique initiale gravée en 1984 sur le supra conseillé, culotté et en avance sur son temps, Alambic/Sortie Sud - avec Claude Mairet aux mélodies et arrangements, et Hubert au stylo des maux - Femme de Loth fait du bien par où elle passe, sans pour autant tisser dans la dentelle et la retenue : "J'ai ma bombe à étrons & j'ai mes droits de l'homme... La terre joue au Bingo, sa crise d'adolescence...".
Un choc rétroactif qui masque un tantinet l'arrivée du finalement récompensé (les Victoires de la Musique, millésime 2012) La Ruelle des Morts : plébiscité à la fois par la "profession" (celle qui vit de la musique, quoi...) et par ses nombreux acheteurs ; le fameux moment de joie et de reconnaissance durant lequel le "milieu" du disque (ça ne s'invente pas !) distribue les bons points, remercie, relance, pousse ou tient sa parole lancée en amont, ou bien n'oublie pas de sanctifier vite, vite, vite, Alain Bashung, avant son passage annoncé de vie à trépas. Not' gars du soir étant en pleine forme et créatif en diable, lui, cela aura surtout été l'occasion de s'arrêter un temps sur le titanesque travail abattu tout du long par ses soins depuis 1973 l'antique... surtout.
N'en ayant cure, ou bien plus sérieusement concentrée sur son labeur du moment, la section rythmique prouve une fois de plus qu'elle est "béton", qu'elle sait faire voyager en (ascenseur de) première classe, assurément. Une interprétation pouvant se targuer, en sus, d'un beau solo vrillé en bas de manche et d'une suée estivale que peine à masquer la proximité rafraîchissante des hauts pins de l'espace musical à ciel ouvert (+ 35° en début d'aprèm', et 66,6°, au bas mot, durant l'interview réalisée en Algéco, quelques tours de cadran plus loin).


"Voici une chanson composée dans les années 70', de retour d'une manifestation passée sur le site de Fessenheim !" (la centrale nucléaire qui aura tant prêté à polémique, fait couler beaucoup d'encre et sueurs froides, et dont la prochaine fermeture promise par le CANDIDAT Hollande, ne saurait tarder. Enfin, si celle-ci, euh... sachant que les promesses des politiques en campagne, n'engagent jamais que celles et ceux qui y croient, euh, comment dire...).


Musicalement parlant, j'aurais pensé qu'il fasse l'impasse sur la chanson en question, sachant que la rythmique sur fûts du mythique Alligators 427 pourrait logiquement doublonner de cœur (pas fusionner, non, ça m'fait peur, là) d'avec celle de Karaganda évoquée en amont ; malicieusement, la version du soir (de la tournée, en fait) est donc purement et simplement amputée de sa marque déposée de fabrique Live : à la fois sèche et syncopée, toute en aspérités, au diapason d'un texte fort qui cisaille et pointe, qui détaille et exhibe. Une interprétation qui ne cesse de monter en intensité au fur et à mesure que le duo de guitares entrelacées prend le pas sur le reste pour se grasséifier et finir par exploser en un très beau duel de cordes, mené/partagé entre le phénoménal Alice (Botté) et l'excellent et surprenant Lucas (Thiefaine) ceci afin d'enterrer le tout (musique et propos) d'une double pulsion guitaristique, pas morbide et emballante, qui tranche d'autant d'avec les "Vi-i-i-ve-euh la mort !" distillés partout autour en mode pluie (noire) dense. Intense et poignant à la fois.


Comparé au récent, enregistré, filmé et abouti, Homo Plebis Ultimæ Tour, l'on ne peut que remarquer la relative mise en retrait opérée par celui pour qui CharlElie écrivit un jour Guitarist (87) au profit du gamin Lucas en question ; un réel partage des taches, plus qu'une mise en retrait ou au placard, qui tombe sous le sens, vu que c'est le rejeton qui est responsable de la coproduction de l'album (avec Dominique Ledudal) et qu'il tient d'ores et déjà sacrément son rang, sur scène. Demain Les Kids, en somme...

Lorsqu'il annonce, une "plus ancienne", les membres les plus proches du Zoo Humain qui m'entourent, relancent le tout d'une "Oh-Oh - Oh-Oh-Oh-Oh ! Oh, Oh, Oh-OhO... Ôoh ! Oh, Oh, Oh-OhÔ... Ôoh !" résolution ; fort heureusement, il ne s'agit jamais que de la quasi oubliée de mes neurones : Je T'en Remets Au Vent. Un extrait du lointain et séminal Tout Corps Vivant Branché Sur Le Secteur, Étant Appelé À S'émouvoir... (1978 ) que le public chante illico presto de passion avant que de tenter de le couvrir carrément ; c'est marrant, mais, c'est souvent flatteur et "juste", une foule qui chante de concert, alors que, dans le même temps, je subis de plein fouet ce qui sort réellement de la bouche de mes voisins situés devant, derrière, ou bien sur les côtés, et, comment dire... le résultat "individuel" me paraît tout autre, désagréable et faux à la fois (à moins que je ne sois entouré que des plus mauvais ?) un mystère humain de plus à tenter de percer un jour ou l'autre (avec celui de la tonne de pollution cotée en bourse, la réussite de la Télé Réalité, l'éclosion de l'endive Kendji Girac et le retour des barbes bien épaisses en période de pleine canicule...).


Accompagnée d'une belle ligne de basse, Stratégie de L'Inespoir semble avoir été bâtie pour repasser la marche avant et renforcer les doutes des présents, vu que certains se demandent carrément sur quel "vieil album elle est, celle-là, au fait ?". Toujours bon signe. De quoi corroborer le fait que ce dernier "bijou" en date est appelé à devenir incontournable un jour prochain, ou... son cousin. Y'a pas à chier, c'est annoncé. En dépit de l'énigmatique et non justifié : "D'aucuns me disent rebelle & d'autres ignifugé / Mais mes divagations n'emmerdent plus personne / Je caresse mon corbeau en chantant Duruflé / & joue pour les voyous virés de la Sorbonne...". Que nenni, Hubert, que nenni.
Lorsqu'ils attaquent la mythique Lorelei (Sebasto Cha), densifiée du rythme et descendue d'une belle envie, je m'inquiète légitimement, niveau public : qui peine effectivement à bien coller au refrain et rame tout du long pour ne pas y parvenir. Occasion rêvée de se rattraper, s'il en est, 113e Cigarette Sans Dormir revient balayer l'acuité de son écriture acérée mais ciselée, toujours actuelle et déprimante : "Les petites filles de Mahomet / Mouillent aux anticoagulants / Depuis qu'un méchant gros minet / Joue au flipp' avec le Coran / Les dieux changent le beurre en vaseline / Et les prophètes jouent Dracula / S'il vous reste un fond d' margarine / J'en aurai besoin pour ma coda... Manipulez-vous dans la haine / Et dépecez-vous dans la joie / Le crapaud qui gueulait je t'aime / A fini planté sur une croix..." ; le morceau qu'il eût dû jouer juste après Angelus, lors de sa participation à la poignante soirée "Je Suis Charlie", faisant suite à la grande manifestation organisée dans la foulée de la tuerie de Charlie Hebdo et de l'Hyper Casher, entre autres horreurs... Quant à savoir ce qu'il reste exactement en nous aujourd'hui de tout "ça", en termes d'individus et groupes, ou mouvements, et, plus largement encore, au niveau de la vie quotidienne du pays, mystère...
"J'suis désolé, mais, je ne suis plus du tout l'actualité, en ce moment. À une époque, je la suivais comme tout le monde, mais là... j'étais un peu fatigué... fatigué d'entendre toujours pareil... de voir toujours les mêmes gens, et, tout ça... parce que je trouvais ça épuisant, et... c'est marrant, mais, j'vais beaucoup mieux depuis... (rire franc)" (HF Thiefaine/Néoules/16 juillet).


Notre centre d'intérêt musical, lui, semble satisfait de sa prestation et envoie un double lever de pouces en direction de son "staff", qui lui répond en souriant de large en retour, visiblement ravis par l'accueil réservé et la foule qui reprend de nouveau à l'unisson. Quant à savoir pourquoi cette femme, pleine de vie et envies, lui lance soudain, "Oui... moi !" lorsqu'il la pointe du doigt en assénant le fameux "Arsenic is good for you !", le mystère reste entier, est même parti pour (per)durer, à l'instar de la cotation de la tonne de pollution en bourse, de la chronologie embrouillée des diverses trilogies Star Wars, de la sexualité des Minions, du port des Crocs en société ou de l'ascension de Kev Adams...


S'en suit alors l'exécution passionnée d'une petite "tuerie" autrefois nommée Bipède À Station Verticale, qui balaye tout sur son passage, me rappelle gentiment que je suis "Fier d'Être UN Con Cosmique !" (si, si !) et met en avant l'indéniable mordant du fringuant Thiéfaine Jr. : un môme Rock qui joue l'ensemble de ses parties à donf, tête baissée et jambes bien écartées. Lorsqu'ils décident de redescendre un rien pour délivrer Sentiments Numériques Revisité (La Tentation du Bonheur/1996) je me souviens que celle-ci avait été travaillée lors du traditionnel Soundcheck, today, et que j'avais déjà été impressionné par la rigueur extrême du duo basse/batterie.
Bâtie sur tapis séquencé et infrabasses, Résilience revient rappeler de cru à toutes et tous, que les nostalgiques du "c'était bien mieux avant, côté sévérité, suivi et châtiment !", niveau école et pensionnats religieux du XXe, peuvent se la nouer serrée autour de leur mémoire pas vive et relire leur livre, ou bien s'adresser aux victimes pas consentantes toujours en vie, parfois en vrac, jamais totalement "délivrées" : "J'ai été l'enfant qui tombe / Et qui se fait très mal / Et qu'on relève avec une gifle !" (Léon-Paul Fargue). Je me demande alors comment est-ce que le fils, lui, a bien pu recevoir puis enregistrer ce texte ô combien troublant et bâti sur l'intimité du géniteur et de son histoire ("On n'oublie jamais les tourments / L'instituteur qui vous coursait / Sa blouse tachée de sang...") comment il la reçoit à chaque fois en Live, devant tout le monde, enfin, les tous les "autres"... et me satisfais du regard porté par le père pendant le solo pris par le rejeton en question : Photographie Tendresse...


La brume s'avance sur une nappe de claviers, et avec-elle, les notes de basse d'un thème reconnaissable entre mille : "les dingues et les paumés jouent avec leurs manies...". Dommage que la magnifique Gretsch jouée toute en cordes tirées, par l'ami Alice, ne se retrouve malencontreusement sous mixée, elle aurait pu booster encore un peu plus ce sommet et l'emmener plus loin ailleurs (higher ?) ; la "solitude n'est plus une maladie honteuse...", tu parles, encore heureux ! Elle est tellement devenue la norme aujourd'hui, via la multiplication des écrans domestiques de toutes tailles, les fameux Réseaux Sociaux (a)vides de chair et de sang, et autres claviers numériques balisés...
La "Fille De Qui Vous Savez", vient à peine de s'éteindre en une série "limite" de "Oh-Oh - Oh-Oh-Oh-Oh ! Oh, Oh, Oh-OhO... Ôoh ! Oh, Oh, Oh-OhÔ... Ôoh !", que je me retrouve planté-là, au beau milieu d'un petit coin de terre qui se vide peu à peu de ses habitants éphémères, pensant curieusement à l'un des poèmes présents au sein du recueil Les Contemplations, de Victor Hugo : Veni, Vidi, Vixi (Je suis venu, J'ai vu, J'ai vécu) : "Je ne daigne plus même, en ma sombre paresse /
Répondre à l'envieux dont la bouche me nuit /
Ô Seigneur ! Ouvrez-moi les portes de la nuit /
Afin que je m'en aille et que je disparaisse !" ; lié sans nul doute au fait que la tournée actuelle de Hubert-Félix Thiéfaine, se nomme le VIXI Tour, sans doute, mais pas seulement. Quelque chose comme une peur tangible, nichée en interne, indicible et sans fondement, qui me lance à chaque fin de show, quel que soit l'artiste ou le groupe miré : " et si c'était la dernière fois que tu le voyais, qu'est-ce que tu en garderais ?".
La musique jouée et l'ensemble des textes offerts à nos sens réjouis, ce soir, auront permis de rassembler et lier, de réunir et partager, de pointer et dénoncer, d'informer et détendre, d'apporter et combler, de distiller de la joie et faire naître, d'expliciter et fédérer sans fin ; un appel incessant à la vie, à ses diverses "couleurs" et multiples facettes ; une offre unique que l'on "ne saurait refuser", sans risquer de manquer ou devoir se justifier, forcément ; une place de choix au sein du couru banquet de la vie, une Épicure de rappel... définitivement !


Setlist 16 Juillet 2015

En Remontant Le Fleuve
Amour Désaffecté
Errer Humanum Est
Médiocratie
Confessions d'Un Never Been
Angelus
Stratégie de L'Inespoir
Karaganda (Camp 99)
Autoroutes, Jeudi D'automne
Femme de Loth
La Ruelle des Morts
Alligators 427
Je T'en Remets Au Vent
Stratégie de L'Inespoir
Lorelei (Sebasto Cha)
113e Cigarette Sans Dormir
Bipède À Station Verticale
Sentiments Numériques Revisité
Résilience
Les Dingues & Les Paumés
La Fille Du Coupeur de Joints


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