Chronique de Concert
DJ Daz + Dooz Kawa + K-Rhyme Le Roi + IAM + Faf Larage + Sat L'Artificier + REDK + Keny Arkana + ... (concert de soutien aux sinistrés de Noailles)
Très peu de temps après le drame du 5 novembre 2018 - l'effondrement des 2 immeubles de la rue d'Aubagne - un certain nombre de concerts ont été organisés pour récolter des fonds afin de venir en aide aux sinistrés de la rue, et plus généralement du quartier qui a connu depuis une vague d'évacuation impressionnante qui s'est étendue à d'autres quartiers de Marseille (si j'ai bien suivi, à ce jour on en est à pas loin de 1600 personnes évacuées). Des concerts au Molotov, à l'Intermédiaire, au Fils qui se touchent, à la Salle Gueule, à l'Espace Julien (j'en oublie) ... Mais de tous, c'est sans doute celui-ci qui aura été le plus médiatique puisqu'il regroupait, à l'initiative de Sat de la Fonky Family aka Sat l'Artificier, la fine fleur du rap marseillais de l'époque et de maintenant ...
3 minutes, c'est le temps qui se sera écoulé entre la mise en vente des places et l'annonce que le concert affichait complet. Difficile de passer à côté de cette date qui risquait fort de me faire faire un bon de 20 ans en arrière (un des premiers concerts sur lequel j'ai écrit sur ce site étant justement celui de la Fonky Family, 3ème Œil and co dans ce même Espace Julien)... Ah oui, avant d'aller plus loin notons que tout le monde était bénévole ce soir : artistes et techniciens, la salle étant elle-même gracieusement mise à disposition.
Pas mal de monde devant la salle avec, comme pour le Lux B show, un bar truck devant la salle qui diffuse du son. Ambiance block party. Au moment où je passe la sono passe Attentat II de IAM. Beaucoup de monde dehors et déjà beaucoup de monde dedans aussi. Je suis venu tôt histoire de gagner le pied de la scène avant que ce ne soit trop difficile. J'ai donc raté l'apéro au Lucky Experience (disquaire du bas de la rue des Bons Enfants) et ai juste eu le temps en passant devant de souhaiter un joyeux 12ème anniversaire à Lollipop.
En passant devant le stand merchandising (t-shirt 20 euros, sac en tissu 10 euros, tous les bénéfices pour la rue d'Aubagne), je sais que je ne repartirai pas les mains vides. A l'intérieur DJ Daz est déjà au boulot depuis un moment dans l'ombre (les spots fixes étant braqués en direction du public). Du gros son américain à la House of Pain à l'image du Jump around qui viendra presque clore son set. A la fin de celui ci c'est Blacky Black, chargé des transitions entre les sets, qui arrivera sur scène pour chauffer le public encore un peu et présenter les différents intervenants.
Ainsi il donnera la parole à des membres du Collectif du 5 novembre puis de Destination famille. L'occasion de faire une bonne grosse minute de silence bien impressionnante (une salle de concert pleine à ras bord sans un bruit, pas même un mec bourré ou un téléphone qui sonne c'est fort) à l'initiative de 2 habitants de la rue (dont un avec un polo "ni oubli ni pardon"). Parmi les intervenant, Hafida en tenue traditionnelle qui a quitté le mariage de sa fille pour venir dire merci au public (on apprendra après que depuis le 5 elle cuisine pour les gens du quartier et trie les vêtements donnés). Un petit mot de Hazem que je découvre timide sur scène et qui finira son speech en appelant à voter aux prochaines élections.
Après une nouvelle intervention de Blacky Black qui vient nous faire faire "bou !" ce sera au tout de Dooz Kawa. Je ne les connaissais pas, mais avais un bon a priori car un peu plus tôt Odliz m'en avait dit le plus grand bien. Au niveau des textes et du fait qu'il lui arrivait de jouer de la mandoline si je me souviens bien. Bref, le groupe est venu de Strasbourg à l'invitation de Sat pour un petit quart d'heure de scène. Ils sont deux, et feront notamment un morceau intitulé La maison.
Ce sera ensuite au tour de K-Rhyme Le Roi accompagné aux platines par DJ PH, que j'avais découvert au sein de HHP dont je porte fièrement le t-shirt ce soir d'ailleurs. K-Rhyme le Roi se fait attendre en backstage, pendant ce temps PH envoie un peu trop de basse ; disons en tout cas que le son est un peu trop fort pour qu'on entende clairement les paroles de ce qu'il passe sur ses disques ...
En tout, après s'être fait attendre comme un prince, le roi finira par faire son entrée pour 15 minutes de set au cours duquel il nous fera (le vrai) hip hop ("authentique magique est ma musique") ainsi que Croquer le monde. Ensuite il invitera un petit nouveau du nom de Koussyn qu'il accompagnera avec un autre backer.
Derrière lui c'est au tour de IAM qui dispose d'un créneau un poil plus long (20 minutes contre 10 pour les précédents) ... la dernière fois que je les ai vus seuls c'était à l'Affranchi il y a 10 ans en 2008, après je les avais revus quelques années près au Moulin avec Faf La Rage.
Bref, après avoir brièvement aperçu Kheops derrière son ordi avant qu'il ne refasse noir, voici Shurik'n, Akhenaton, François et celui qui les accompagne discrètement depuis le départ de Freeman peut être (en tout cas je l'avais déjà vu en 2008). Très impliqué lors du premier concert de de soutien l'Espace Julien quelques semaines plus tôt aux côtés notamment de Massilia Sound System le 15 novembre, pas vu Imhotep (que j'avais interviewé il y a quelques années) par contre.
Ils attaquent par Nés sous la même étoile qui ce soir (comme beaucoup d'autres soirs malheureusement) prend tout son sens. Comme à chaque fois je suis surpris par l'énergie de Shurik'n qui semble monté sur ressorts, et qui est par conséquent beaucoup plus difficile à photographier que Akhenaton par exemple. D'autant que ce soir, depuis le début de la soirée en fait ils ont plutôt chargé en fumée ... Suivra Monnaie de singe que je ne connaissais pas. Plutôt chouette.
Ils finiront comme ils auront commencé par deux classiques : L'empire du côté obscur et Petit Frère. Gros flash-back pour moi qui me suis revu en train de réviser l'agreg dans ma chambre de cité U à Cachan. Entre les morceaux Akhenaton semble lui aussi se remémorer la bonne époque des années 90 où les plateaux hip hop comme celui-là étaient plus fréquents (ou plutôt où ils y participaient encore). Ils quittent ensuite la scène en criant "one love", laissant la place à ...
... Faf Larage qui sera présenté par Blacky Black comme "le petit frère de Akhenaton euh ... de Shurik'n". Et comme avant chaque nouveau MC, Blacky Black s'assure que le public connaît ses classiques faisant une distinction entre les vieux (comme moi) qui étaient là quand ses morceaux sont sortis, et les jeunes qui n'étaient pour certains même pas nés. J'avoue en pas avoir trop suivi sa discographie, mais ce qui est sûr c'est que la plupart des morceaux qu'il jouera ce soir sont a priori de la fin des années 90 aussi.
Et pour beaucoup ils ont été joués sur cette même scène il y a 20 ans. C'est ma cause, La garde meurt mais ne se rend pas, La cavale, Ta meuf (la caille) que je découvrais ce soir et qui était plutôt rigolote (et entrainante). Pas mal d'interaction avec le public sous forme de quand je dis "soutien" vous dites "Noailles", quand je dis "rue" vous dites "d'Aubagne", histoire de ne pas oublier pourquoi on est là.
Pour finir, il invitera Adikson et Muge Knight pour le Dernier Defenseur puis Maroco et Comodo aka Al Iman Staff pour un centre ville feeling bien sympathique. J'ai un peu perdu le fil de qui est dernier les platines, mais à ce moment il se pourrait que ce soir DJ Djel.
On enchaine ensuite naturellement avec le 3ème Œil qui commencera si je me souviens bien par Si triste. A gauche Jo Popo, à droite les pieds vissés au sol Boss One (il fera tout le début du set à cet endroit là). Le voir me rappelle une de ces soirées KGB qu'organisait l'Enthropy il y a encore 6 ans avant qu'ils ne soient contraints de fermer.
A partir de L'hymne à la racaille de France il se mettra lui aussi à arpenter la salle avec Jo Popo. En écoutant ce morceau et La vie de rêve qu'ils feront juste après je réaliserai qu'il a du m'arriver de confondre le 3ème Œil et la Fonky Family par le passer. "Tu veux connaître mon rêve, écoute ça, rouler en Testarossa, Bagues au doigt, faire des "Marseille by night" avec ma smala, Que tous les journalistes fassent "Lahasse on mé", Que je récolte les fruits que j'ai semés" ... souvenirs ...
Viendra ensuite le tour de Sat L'artificier à l'origine (le détonateur) de cette date. Il ouvrira son set par ce qui sonnait vraiment comme un credo : "C'est plus que de la musique. Je fais qu'un avec ma musique. C'est pas juste de la musique. C'est bien plus que de la musique". Malheureusement, après avoir reçu plusieurs messages enthousiastes de Svet, qui était au JAM pour le concert de Fred et son frère, que je voulais aussi voir, le dernier m'indiquant que le deuxième set était déjà entamé, je me suis décidé à filer au JAM à ce moment-là. Et c'est avec pas mal de difficulté que je traverserai le public dense et à fond [en lisant la chronique de Extended Player je réalise à posteriori que j'ai raté le moment où Sat et Djel on été rejoints par Menzo de la FF, Faf, K.Rhyme, le 3e Œil et même Vincenzo des Psy4 De La Rime].
A mon retour, j'accroche mon vélo dans la rue derrière l'Espace au moment où IAM est en train de filer à l'anglaise. J'aurais été plus courageux je leur aurais demandé s'ils auraient été d'accord de poser juste devant la sortie mais l'odeur d'égout insoutenable et le fait que je ne veux pas en rater plus que ce que j'ai déjà raté me confortent dans l'idée de ne pas tenter. En entrant dans l'Espace vu l'heure et le fait que jusque-là les horaires avaient été parfaitement respectés (on se serait presque crus à la Rue du Rock !), je pensais que j'allais arriver pendant le début du set de Keny Arkana.
Pas du tout R.E.D.K est encore sur scène. Visiblement il faisait partie de Carpe Diem présent sur scène aussi, et a dû se lancer en solo récemment puisqu'au moment de se présenter et de présenter les autres musiciens il s'embrouille un peu. En tout cas ça bouge bien sur scène, chaque MC ayant son style vestimentaire et au micro. En parlant de style vestimentaire, un truc auquel je n'accorde pas énormément d'attention me concernant, j'avoue avoir été impressionné par le nombre de baskts neuves (en tout cas en parfait état) sur scène ce soir.
Je ne me souviens plus trop de quoi parlais les morceaux, même si le son était bon et qu'on comprenait bien les paroles, mais je me souviens juste que ça parlait de whisky et qu'à un moment le refrain faisait "shoot les, shoot les, shoot les, ...", ce qui m'a paru forcément plus agressif que les sourires vus au JAM quelques minutes plus tôt. Ils finiront leur set avec pas mal de monde sur scène dont Sat et sa bouteille de whisky qu'il refusera de partager avec le premier rang (histoire que le mec qui en voulait puisse rentrer chez lui sans accident).
A 23h30 celle que beaucoup attendaient avec impatience fait son entrée. Et même s'il y a un petit bug technique qui coupe un peu son effet Keny Arkana ne se laisse pas déconcertée et nous offrira un set d'une bonne vingtaine de minutes sans le moindre temps mort à coup de Marseille capitale de la rupture et de La Rage du peuple toujours aussi efficace. Je dois reconnaître que j'avais été impressionné par son énergie dès que je l'ai vue en première partie de Method Man. Et il en a été de même depuis, comme en ouverture de Manu Chao ou encore dans ce même espace julien (en soutien à CQFD).
Bref intenable, les yeux qui brillent, de grands sourires malgré le propos souvent accusateur, cette langue qu'elle tire régulièrement aussi ... Accompagné d'un nouveau backer (aussi DJ) qui a succédé à RPZ, puis sur une morceau par Kalash l'Afro : "On m'a dit de ne pas être trop politique ce soir, mais sur un sujet pareil comment ne pas l'être" ... et le public de scander "Gaudin assassin". Cela elle ne le dira pas explicitement, par contre "Rien pour sauver Noailles et 20 millions pour détruire la plaine", ça oui. Car en effet Keny est du coin donc assez bien placée pour s'exprimer sur une situation qu'elle dénonce depuis bien longtemps.
Elle parlera des différentes marches qui ont suivi l'effondrement des immeubles. "Qui sème la misère récolte la colère". Et du fait qu'il faudra continuer à aller aux prochaines, à se mobiliser... A la fin de son set, elle ne quittera pas la scène mais sera rejointe par l'ensemble des artistes de la soirée (ceux qui sont encore là) pour quelques photos souvenirs et échanges avec le public.
Une bien belle soirée dont je repartirai fatigué mais avec le sourire et un joli sac avec un énorme cœur rouge. Rouge comme la colère mais aussi comme l'amour.
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Critique écrite le 25 décembre 2018 par pirlouiiiit
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