Accueil Chronique de concert Katillers + Smokin Fuzz + Brixton Cats (soutien à Faty Mayant)
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Chronique de Concert

Katillers + Smokin Fuzz + Brixton Cats (soutien à Faty Mayant)

Alternation - Paris 30 janvier 2005

Critique écrite le par

Pendant un an, oui un an, une vingtaine de femme de ménages d'Arcade, sous-traitant des hôtels Accor (Mercure, Novotel, Formule 1..) ont fait grève pour protester contre des cadences infernales et des salaires de misère. A leur tête, il y avait Faty Mayant. La direction d'Arcade a peu apprécié de devoir faire des concessions et par vengeance, un an après la fin du conflit, a licencié la rebelle, en mai 2004. Depuis cette date un comité de soutien, déjà actif durant la grève, a décidé de soutenir Faty dans sa nouvelle lutte : sa réintégration par le groupe Accor. Ce concert était destiné à l'aider dans ce nouveau bras de fer.



Pour l'occasion, les Katillers avaient été rebaptisés Killer Cat sur l'affiche. Christophe, l'organisateur ne les avait eu qu'au téléphone. Il a alors compris Cat Killers, et comme Christophe est hyperactif et qu'il n'y a que ceux qui ne font rien qui ne se trompent jamais, leur nom a subi une nouvelle mutation pour devenir Killer Cat sur le papier.



Les Katillers sont bons garçons et ils n'ont même pas protesté. L'affiche indiquait aussi "ska-rock" et ça c'était bien vrai. Ils sont six, ce qui comprend un batteur, un bassiste, un guitariste, un trompettiste, un saxophoniste et un chanteur, qui parle et chante en français. Leur setlist comprenait des titres comme HP, Banlieue, Mytho, Face au système, Cage d'escalier, TNT, Vespa, Vengeance. C'est énergique, engagé avec des penchants vers le punk oï. Les Katillers jouaient décidément de malchance parce que je n'ai pas pu assister à l'intégralité de leur performance. On sonnait l'alarme à la buvette. Il n'y avait plus de pain pour les sandwiches et le stock de bière fondait à la vue du public. Or la buvette c'est un peu la raison d'être d'un concert de soutien. Alors, avec Christophe et ma Twingo, nous sommes partis au ravitaillement, en quête de quelque magasin à piller. A notre retour, les Katillers en étaient au rappel. Le public, constitué à majorité de punks et d'anarchistes, n'avait pas l'air de s'ennuyer.



Avec les Smokin Fuzz on continue dans le ska, mais un ska plus proche de ses racines jamaïcaines, via la Seine-et-Marne dont ils sont originaires. Ils reprennent les Skatalites, Laurel Aitken, et interprètent aussi leurs propres compositions. Ils sont neuf : un batteur, un bassiste, un guitariste-chanteur, un clavier, quatre cuivres et un ....danseur. Ce dernier s'appelle Albert, c'est le plus âgé. J'ai un petit doute quant à sa présence permanente dans le groupe, mais hier soir, il était bien là. Il n'a pas quitté son manteau et pendant tout le concert il n'a pas cessé de bouger, tout comme le gang de rude boys qui se pressait devant la scène. Les Smokin Fuzz existent depuis huit ans et ça s'entend. Chaque musicien maîtrise son instrument à merveille et peut ainsi se permettre quelques libertés qui donnent plus d'impact à leur musique. De temps en temps, le saxophoniste hurle dans le micro de son cuivre pour insuffler un peu de fièvre. Le clavier m'a particulièrement impressionné par son inventivité. Ses interventions apportent un vrai plus au groupe, qui se distingue ainsi de la masse de leurs collègues. Je crois bien même qu'à un moment il s'est amusé à citer Indochine et son Aventurier.
"Bob Morane contre tout chacal, Brixton Cats contre tout salop..."



Ces paroles n'ont pas été prononcées ce soir, mais après avoir vu Brixton Cats, on se dit que pourquoi pas. Brixton Cats est un quatuor punk avec à sa tête une chanteuse énergique, mais ce mot d'énergique est de peu de poids face à la vision de cette fille montant sur scène comme si elle devait raser la moustache d'Hitler avec son micro. J'ai visité leur site. Elle s'appelle Solen et doit faire un peu plus de sport que moi. Musicalement, là encore, tout est en place. La formule est assez simple. Il ne s'agit pas là de révolutionner le genre mais d'être efficace et de porter une révolte. Révolte contre les flics pourris, contre l'armée russe en Tchétchénie, contre l'impérialisme américain...



"Dans nos coeurs brûle la rage
La haine et la révolte
On souhaite le carnage
Dans votre cité morte
On rêve de voir brûler
Toutes vos hiérarchies
On crève de renier
Nos rêves nos utopies"


Déclaration de guerre et d'intention, ses mots figurent sur Enfants du système, le premier morceau chanté ce soir après une introduction instrumentale. La rébellion n'est pas le seul registre des Brixton Cats. Sensibilité féminine ? Solen, en tout cas, clame aussi son amour pour ses copains chahuteurs dans les Anges de Ménilmontant, Crevards ou encore Comptez sur moi : "Mes potes rockers, chômeurs ou travailleurs / Je les porte tous dans mon cœur".
Ils ont joué une quinzaine de morceaux, à la 1, 2, 3, 4, comme il se doit et avec beaucoup de Whoaoo ! pendant les refrains. Exemples :

"Fasciste tu peux te la jouer / Mais un de ces quatre tu vas payer / Whoaoo... !"
"Debout ! Debout ! Belle Palestine/ Ceux qui te tuent paieront leurs crimes /Whoaoo... !"
"Tous des crevards / Tous des zonards / Tous des crevards / Tous des lascars / Whoaoo... !"

Et ce n'était pas des paroles en l'air. Je m'apprêtai à terminer un modeste sandwich, quand un jeune gars est venu me demander la dernière bouchée. J'en ai gardé la bouche ouverte et je lui ai donnée. Sa copine était enceinte. J'aurais dû plutôt lui en offrir un entier et même deux. Le sandwich n'était qu'à un euro et c'était pour une bonne cause.



Les punks dans la salle ne voulaient pas laisser les Brixton Cats s'échapper. Ceux-ci n'avaient pas joué depuis un petit moment et ne demandaient qu'à resservir une tournée. Ils ont commencé par une reprise des Clash, Career Opportunities, puis comme leur répertoire n'est pas encore aussi long que celui de ces illustres prédécesseurs, ils en ont remis une couche avec une deuxième interprétation de F.T.P., Palestine, Crevards et d'autres, avec toujours la même énergie, la même conviction et la même générosité. Ma propre générosité a ses limites, et à la fin du concert, j'ai très adroitement embarqué le stock restant de la buvette, soit une bonne centaine de canettes.

Site de Katillers : www.katillers.com
Site des Smoking Fuzz : smokin.fuzz.free.fr
Site des Brixton Cats : brixtoncats.propagande.org

Contact comité de soutien à Faty : fatysolidarite@hotmail.com

Alternation : 21 rue Pierre Bourdan, 75012 Paris

 Critique écrite le 31 janvier 2005 par Bertrand Lasseguette