Chronique de Concert
Miossec + Amor Belhom Duo
La Coopérative de Mai Clermont-Ferrand 26 mars 2002
Critique écrite le 27 mars 2002 par Pierre Andrieu
Sur les affiches et sur les billets, aucune mention d'une éventuelle première partie. Et pourtant ! Même si Amor Belhom Duo ne draine pas des foules considérables, la moindre des corrections pour les musiciens et pour le public serait d'annoncer le nom du groupe amené à jouer en ouverture. Ce concert intimiste a provoqué des réactions contrastées car la musique de ce groupe est plutôt difficile d'accès. Comme ils viennent de Tucson et qu'ils ont collaboré avec Calexico, on pense immédiatement aux chansons les plus calmes et feutrées du formidable groupe américain. Le chanteur/guitariste/violoniste utilise sa voix de manière originale, il murmure la plupart du temps et ne se soucie pas vraiment de produire une mélodie. Le son de la guitare et de la contrebasse est très brut, je dirais même qu'il est abrasif. Au bout d'un morceau, on se laisse porté par ces ambiances de Western avec solos de guitare gorgés de reverbe. De très bons moments qui se méritent !
Il arrive d'une démarche nonchalante avec ses musiciens, il a l'air en forme et dit même "Bonsoir" à un public assez nombreux. Soutenu par de très originales lumières, Miossec commence avec "Ainsi soit-elle" et "Brûle", deux titres de son nouvel album. En fait, il n'est pas en forme olympique : il est bourré et se sert de son micro comme d'un marteau. Il le cogne violemment sur son tabouret, le jette par terre à la fin de chaque chanson. En riant, il nous dit d'applaudir ses musiciens qui "ont la rude tâche d'accompagner un mauvais chanteur". C'est lui qui le dit mais il faut reconnaître qu'il n'a pas entièrement tort ! A l'origine, il a des cordes vocales limitées (c'est aussi ce qui fait son charme) mais là, en buvant comme un trou (ce qui n'aide pas à articuler), en fumant comme un pompier pour se niquer encore un peu plus la gorge et en défonçant méthodiquement le micro, ça ne peut pas donner un résultat extraordinaire ! C'est bête de ne pas comprendre les paroles alors qu'elles sont si bien écrites.
Par rapport à ses précédentes tournées auxquelles je n'ai pas assisté, il paraît qu'il est en forme, enjoué et pas trop bourré. Et bien, ça devait être beau alors ! Parce que là, je le trouve désespéré (même s'il essaie de blaguer un peu), fatigué, et aviné. Faire ça tous les soirs de la tournée, c'est une forme de suicide. Moi, ça me met mal à l'aise de voir quelqu'un se détruire méthodiquement devant un public applaudissant à chaque connerie déblatérée. Il donne des coups dans son pied de micro, fait mine de le balancer dans le public, donne son tabouret et le socle de son micro au public, tape de toutes ses forces sur les cymbales de son batteur, finit certains titres en hurlant comme un bœuf pendant de longs moments, Ça pourrait être drôle, si ce n'était pas pathétique... Le groupe qui l'accompagne m'a fait penser à celui d'Arno qui assure malgré les frasques du patron et continue à jouer avec classe quoiqu'il arrive. Les cinq musiciens sonnent assez rock : pas de variété française ici, c'est agréable ! L'apport de claviers et de cuivres est très réussi, ces sonorités apportent une couleur originale à l'ensemble guitare/basse/batterie. Miossec continue son "show" mais on finit par s'habituer et à prendre son parti de ces bribes de chant. Les chansons dont on connaît les paroles par cœur sont les plus réussies car on arrive à boucher les trous soi-même et à avoir un texte complet. Malgré les défauts évoqués plus haut, le courant passe, l'émotion est présente car le Brestois réussit à emmener ses auditeurs dans son monde cru, désabusé mais assez proche de la réalité, si on y réfléchit un peu. En rappel, il joue "Non non non non (je ne suis plus saoul)" presque a capella mais en s'accompagnant très succinctement avec une guitare qu'il ne maîtrise plus à cette heure. Il finit par hurler avec ce qu'il lui reste de voix et par partir se reposer. La qualité des musiciens et la personnalité de Miossec ont fini par emporter le morceau.
J'espère que cette déprime est passagère ou uniquement provoquée par le fait de monter sur scène chaque soir. L'autodestruction, qui est dans la nature humaine, ne paraît pas être la bonne réponse à ces "problèmes". (Merde ! On dirait du Obispo ou du J.J. Goldman !) Dans la chanson "Pourquoi ? Parce que !", il y a cette phrase : "Comme on ne pose jamais les bonnes questions, pourquoi aurait-on un jour les bonnes réponses ?" Oui, en effet, pourquoi ?
(Photo prise par Hum! à Marseille)
Critique écrite le 27 mars 2002 par Pierre Andrieu
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