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Chronique de Concert

Mono, Millefeuille, Dont look back

Cartonnerie, Reims 2 novembre 2006

Critique écrite le par

Je ne suis pas le garçon le plus joyeux qui soit. J'ai une vision assez froide de la vie, de l'humanité, des systèmes économiques et biologiques qui nous créent, quand j'étais adolescent, certains samedis soir, j'écoutais Joy Division seul dans le noir de ma chambre, j'aime toujours Joy Division, j'aime aussi Godspeed You Black Emperor, pour autant je n'ai pas de prédilection particulière pour la musique qui se complait dans la tristesse.
Or cette soirée, avec Dont look back, Millefeuille et Mono, je l'ai vécu dans son intégralité comme une ode à la tristesse, à la noirceur, à la mélancolie, au repli sur soi. Je n'attends pas de la musique uniquement distraction et bonnes vibrations, mais quand son message se résume à "regarde comme le monde est affreux", quand ses rythmes m'enfoncent plutôt qu'ils ne me libèrent, cela m'ennuie et cela m'ennuie encore plus quand c'est fait de manière stéréotypée et répétitive.

Ceci étant dit, lors du concert de Mono, j'ai quitté de vue plus d'une fois la scène pour regarder une fille dans le public. Elle était toute à la musique. Elle semblait heureuse. Sa beauté s'éclairait, s'animait. Rien que pour ça, je devrais les remercier. Et... non je ne suis pas allé lui parler.

Kids got shadows in their eyes



Dont look back, Valence, Drôme, France. Ils étaient quatre. Batterie, basse, guitares programmations, projections. Ca se laisse écouter. C'est plutôt bien fait, bien rôdé. Chaque chanson est accompagnée par des images en rapport avec les sentiments que veut exprimer le groupe, sa vision du monde, grise et triste. Que voit-on précisément ? Des villes trop développées, un extrait d'un vieux film d'épouvante, des fourmis transportant des feuilles, Londres en flammes pendant la seconde guerre mondiale, des bombardiers américains, des enfants en noir et blanc, Bob Dylan (Don't look back est aussi le titre d'un documentaire de Pennebaker consacré au Zim et sorti en 1967), Thurston Moore (leader de Sonic Youth).
La plupart des morceaux sont instrumentaux, avec de ci de là, une voix enregistrée ou l'intervention d'un des deux guitaristes pour quelques vocaux en anglais. On pourrait qualifier le tout de métal progressif, même si lorsqu'il y a chant, c'est un chant plutôt doux, loin des interventions menaçantes du chanteur d'Isis, un groupe dont j'avais réécouté le très conseillable album Panopticon avant de venir. Du métal progressif parce que le rythme général des morceaux est assez compact, sur des structures étendues, et que les envolées soniques ne manquent pas. L'ensemble est parfaitement digeste, trop à mon goût. Car tout cela est en fait assez prévisible des images aux compositions. L'univers tristounet des Dont look back ressemble à la psyché de trop de groupes aux esprits autant torturés que peu imaginatifs.

Bons baisers de Chaumont



Avec Millefeuille, c'est l'inverse, c'est indigeste et pas commun du tout. C'est noir, encore, mais là, absolument sans frein. Le monde décrit par Arnaud Laumont (de Haute-Marne, une circonstance aggravante) est une horreur insurmontable, à vomir. C'était peut-être la chose, la plus esthétiquement affreuse de la soirée, mais il faut reconnaître à ce Millefeuille un grand courage, et pour moi aussi, une énorme qualité: il s'exprime dans sa langue.

"La vision binoculaire joue mal son rôle
en rattrapant les serpents de la misère.
Tu crois tirer ton épingle du jeu
mais ils veulent tous que tu tombes
dans ce précipice hideux.
Les parois sont glissantes
et l'atmosphère étouffantes.
Peux-t'on faire se reproduire des cendriers si on les a émasculés...
"

J'ai repiqué cette citation sur le forum de Reimspunknroll. J'avais pourtant mon carnet en main, mais j'ai eu bien du mal à noter les vers dans leur intégralité. Tout ce que j'ai obtenu, ce sont des bribes:

"Je bois à trop fortes doses / Je vois des éléphants roses, Ton fantôme m'éveille/ Tes soupirs m'étouffent, Profanateur de la stupéfaction des enchanteurs de la nuit, De toute façon il sera toujours temps, Et à quoi pense Lucas/ A rien répond Lucas."



Une bande sonore, composée de samples triturés, de distorsions diverses et variées recouvrait les paroles d'un filtre opaque. L'effet est d'emblée saisissant. On essaie de prêter attention à ces mots, à cette humeur massacrante. Mais passé un premier sentiment de curiosité et de terreur, on en vient petit à petit à bailler d'ennui car chaque morceau est interprété rigoureusement de la même manière. C'est toujours le même rythme, la même scansion avec la voix qui traîne à la fin de chaque vers. C'est épuisant. On dirait qu'il est train de creuser une fosse commune pour y ensevelir le public. Heureusement, comme pour tempérer cette sensation d'étouffement qui gagne plusieurs d'entre nous, il a la bonne idée de terminer sa partie par un morceau de pure musique à la batterie. La bande son est toujours là en parallèle, l'ambiance reste sombre, mais on respire tout de même de ne plus entendre sa poèsie morbide.

I don't want to have Mono no more




Japon, Haute-Marne, même combat ? La musique de Mono est rigoureusement muette. Mais côté répétition, elle fait une grave concurrence à Millefeuille. Tous les morceaux joués ce soir sont construits sur le même modèle. On est d'abord assis sur une chaise, on commence gentiment avec des suites d'accords qui font penser à une mandoline dépressive, puis on se lève de sa chaise, la tension monte, doucement, jusqu'à exploser en déflagration de riffs ultra saturés et de cymbales fracassés.
Cela pourrait passer pour du terrorisme sonore, mais la répétition du même procédé pendant plus d'une heure, m'a plutôt laissé le sentiment d'entendre une musique de pleureuses. On se serait cru à une veillée funèbre. Un moment où on se partage entre nostalgie et profonde tristesse et où les plus sensibles et expansifs en viennent à nous strier les oreilles avec leurs lamentations.
Avec Mono, on en est donc là, prostrés, à pleurnicher sans fin, pauvres petits êtres perdus dans la violence d'une société post-moderne menacés par le vide et la fonte des glaces.



Site de Dont look back avec de nombreux extraits : https://www.dontlookbackmusic.com/

Site de Mono: https://www.age.fm/~sound/mono/


PS: les lumières étaient très biens.

 Critique écrite le 04 novembre 2006 par Bertrand Lasseguette


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