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Chronique de Concert

RECOIL - A Strange Hour with Alan Wilder & Paul Kendall

RECOIL - A Strange Hour with Alan Wilder & Paul Kendall en concert

Bus Palladium - Paris 25 mars 2010

Critique écrite le par

Si on m'avait dit qu'un jour je rencontrerais Alan Wilder dans le bus, je ne l'aurais pas cru. Encore moins dans un bus en forme de boîte. De nuit ; Et pas de jour mais je parlais aussi de la boîte, ceci dit elle fait aussi office de salle de concert. Petite et très sympa d'ailleurs, avec ses banquettes confortables et sa table de mixage en plein milieu.
Mais si on m'avait dit qu'un jour j'entendrais du Recoil dans une boîte ou dans une salle de concert, je l'aurais pas cru non plus. Ou Agent Orange et Memphisto, deux de mes faces B instrumentales de Depeche Mode préférées, que nous eûmes la surprise de pouvoir écouter avant le concert ou lors des intermèdes, à la programmation inhabituellement sympathique (merci Damien pour m'avoir signalé le très électronique dernier A-Ha aussi, que je n'aurais pas pu reconnaître seul).

Au titre des autres séquences "pour patienter" de cette soirée, quelques mots sur les deux premières parties.

Ouverture par Olivia Louvel, une charmante chanteuse auteur-compositeur française (mais bilingue d'après ce que j'ai pu entendre en coulisses, et chantant en anglais), qui en est à son 3e album en 4 ans (pas mal). Accompagnée au mix par Paul Kendall, le grand producteur/mixeur/remixeur et j'en passe de chez Mute Records (il a bossé pour un paquet de monde, de Fad Gadget à Nine Inch Nails en passant par Erasure ou Wire).


Olivia Louvel et Paul Kendall


Des titres électroniques tendance éthérés, accompagnés de très épisodiques et discrets visuels un peu mystérieux. Mais l'ensemble ne décolle pas assez.
Par contre tout ça était parfait à mon sens pour mettre en douceur dans l'ambiance de Recoil.
La voix d'Olivia en tout cas irait très bien sur des musiques d'Alan (déjà il aime bien la prendre, en photo, mais l'alchimie pourrait être d'autre nature ?).



Juste dommage qu'il y ait eu entre elle et Recoil d'autres intervenants : un duo électropop tout à fait oubliable et surtout hors sujet complet à mon sens : Atomizer. Ca partait pas mal, honnêtement : une ligne mélodique claire, une petite rythmique bien dancefloor, un "clavier" timide et un chanteur à l'aise.


Explication de mes guillemets : le clavier devait pas dépasser les 2 octaves et était un peu là pour faire "je joue d'un instrument quand même". Apparemment Fil OK jouait à autre chose sur son Mac parce qu'on l'a surtout vu les yeux rivés à son écran, sûrement un super jeu !


Trop à l'aise in fine, le chanteur, un ex-Specimen. Enfin bon c'en est toujours un quand même : son côté provoc légèrement destroy, yeux cernés de noir, barbe de trois jours, pantalon cuir moulebite avec ouverture arrière, bracelets en plumes sur les avant-bras, dégainant sa Kro toutes les 5mn, sonnait un peu faux et en décalage avec la musique gentille, sa voix et ses simagrées à la Andy Bell. Même les visuels avaient un côté caricatural électro-égo-martial-castrato-homo (mmm ces beaux mâles aux corps musclés et aux larges sourires à dents blanches immaculées -non je ne ferai pas de jeu de mots foireux cette fois).


Jonny Slut avec en fond un exemple de figure féminine au regard doux et souriant comme nos gay lurons en raffolent apparemment.


Et puis surtout, chaque titre nous faisait descendre d'un cran dans l'inintérêt (à part un vague sursaut à un moment), frisant parfois avec la franche nullité, du fait d'un certain fouillis musical ou des approximations vocales du chanteur, accentuées lors des refrains à deux voix.

Quand on sait à quoi eurent droit d'autres fans de Recoil dans d'autres villes, on regrette d'autant plus d'avoir eu ça : quand j'ai vu des extraits de la Reconstruction Time session à Berlin de Daniel Miller et Gareth Jones le lendemain sur Youtube, un mixage dément à partir de sons et de visuels (le Cervin !) de l'époque du 3e album de DM (toujours un de mes préférés), j'ai cru pleurer. Douglas McCarthy de Nitzer Ebb a fait partie de la fête aussi à d'autres dates.
Mais bon, après tout, c'était pour Recoil que j'étais venu, pas pour la première partie...


Recoil, donc : une performance assez étonnante.

Pas un concert, vu que seuls Alan Wilder et son complice Paul Kendall étaient sur scène, et qu'ils tripotaient non des synthés mais du matos de DJ, 3 Macbooks (décidément !). Un simple mix, donc, avec tout ce que ça comporte de supercherie (pseudo manipulations avec un air inspiré). Mais sans doute le mix le plus travaillé, le plus diversifié, le plus soutenu graphiquement par des visuels d'arrière-scène et donc le plus sympa auquel j'aie jamais eu l'occasion d'assister. Un mix pensé par un vrai musicien, pas un guignol de DJ qui se la pète grand artiste alors qu'il ne connaît pas la différence entre un do dièse et un ré bémol (comment ça, y'en a pas ?).


Ni synthé, ni piano, ni batterie pour Alan, pour une fois !


Ceci dit, le pari était risqué.
Je m'attendais bien à quelque chose de ce genre, qui constituait finalement un assez bon reflet de la production de Wilder en solo, relativement difficile à appréhender car prenant souvent à contre-pieds le format chanson, parfois sinistre, très travaillée et aux arrangements sophistiqués (une musique que certains diraient intello). Ici avec un peu plus de beats que de coutume et des formats rythmiques apparentés à différents styles peu présents sur les disques de Recoil.
Mais je pensais aussi que nous aurions quelques fenêtres plus accessibles, plus adaptées au format prestation scénique "classique".

Bien sûr, il y en a eu, mais assez peu.
D'abord une version de Prey très sympa, presque plus même que les différentes versions enregistrées, où le mélange entre la voie du bluesman Joe Richardson et les sons électroniques montrait toute sa valeur.
Un autre des singles aussi : Drifting, scandé de "taste(s) of tracks" (of the waste in her head) chantés par Siobhan Lynch (que j'aurais autant aimé entendre sur le plus beau Missing Piece).


Alan Wilder prenant manifestement son pied


Et quelques passages hommage à des musiques un peu culte de chez Mute : Warm Leatherette de Daniel Miller (sous le nom The Normal), titre "phare" ultra minimaliste de l'unique single du créateur du label, qu'Alan et Paul ont réussi à rendre écoutable et même dançable, ou encore le fabuleux aggro mix de Never Let Me Down Again de DM. À ce moment, explosion de joie d'une partie de la salle et vent d'enfer sur les épis dressés d'un champ de blé (une coutume de balancement des bras levés en rythme du public liée au titre dans les concerts des Mode). Presque indécent tout ça, comme si on ne tenait en estime que la partie DM de la carrière d'Alan...

Ceci dit, je serais hypocrite de dire que de tels instants "soupape" n'étaient pas les bienvenus. Car j'ai moi-même eu du mal à apprécier la prestation, sur toute la longueur.
D'un côté, un travail important a été fait puisque tous les titres étaient profondément revus, avec de très nombreux ajouts de sons et rythmes divers, mais c'en était assez déroutant, et certains passages étaient même totalement inreconnaissables (pourtant je connais bien la discographie de Recoil !).


Paul, qui a l'air très cool, mais doit être un angoissé vu que je ne me souviens pas l'avoir vu regarder le public une seule fois


Très mauvais point en particulier pour Faith Healer, mon tout premier amour recoilesque, que j'aurais adoré entendre dans une version un mimimum présentable, et livrée là toute désarticulée, à des beats et des samples assez primaires tous droits sortis d'un des plus mauvais remix du maxi de l'époque, le disbeliever mix (pour lequel LFO n'est pas à féliciter).
Pas d'autres titres de l'album Bloodline non plus, alors que plusieurs auraient été excellents en live (même en les trafiquant à la sauce Strange Hour), comme le titre éponyme, Curse ou encore Electro Blues for Bukka White.
De l'album Liquid, absence étrange de Jezebel, titre "bougeant" le plus (enfin bon, tout est relatif quand même, c'est pas de la samba). On put quand même entendre un peu la voix toujours étonnante de Diamanda Galás avec... Strange Hours (ça aurait été bizarre que le titre ne soit pas représenté vu l'intitulé de la soirée). Mais le morceau ayant été lui aussi pas mal trafiqué, finalement on en profita pas trop. Il y eut Want aussi, mais en dehors de sa poignante montée chromatique de "refrain" (sans paroles), l'ensemble était très plat.
De subHuman, 5000 Years aurait pu être sympa aussi...
Et puis furent mixés quelques titres dont je ne suis pas fana comme Stalker, ou le plus récent The Killing Ground (bien que dans une version plus rythmée, par contre sans la voix, et avec des visuels anti-guerriers pas mal).

Mais quelques très bons moments d'extase quand même, comme Allelujah, intelligemment revu pour que le superbe pattern de basse électronique à 2+4 temps soit mis en valeur tout au long du titre (et pas seulement à la fin comme en versions studios). Et des visuels excellents issus de la vidéo, avec la voix frêle de Carla Trevaskis collant aux images, comme le liquide laiteux non identifié tombé du ciel dut coller à la peau nue de la belle "victime" de cet univers de cheminées industrielles phalliques et de fumées d'usines masquant le soleil... Rien à voir musicalement ou presque avec The Landscape is Changing, un des premiers titres d'Alan de 1983, mais on retrouve ici ce même mélange particulier entre musique électronique, ambiance industrielle et préoccupations écologiques (en plus déprimant).
Et puis quoi de mieux que de conclure la prestation de Recoil avec le prodigieux Shunt, concentré de nappes sombres et tristes, des plus beaux sons de basse électronique d'Alan, et de froideur ?



Bref, la Strange Hour portait bien son nom : ce fut déroutant, inattendu, et bizarre, dans le mauvais comme dans le bon sens du terme. Et puis probablement unique, Alan Wilder ayant lancé le concept à l'occasion de la sortie de Selected, une collection de titres de Recoil. Et vu son rythme de production erratique et sa volonté marquée de s'extraire des contraintes de l'industrie musicale, je doute qu'il offre à ses fans d'autres occasions de ce genre, ou au moins avant très longtemps !

Une petite critique de Selected est en cours, mais surtout la retranscription d'une interview d'Alan, j'invite ceux que ça intéresse à revenir jeter un œil dans le secteur d'ici quelques jours !

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