Chronique de Concert
Sixto Rodriguez
Dieu sait si je l'attendais ce concert de Rodriguez au Zénith de Paris ! 5 mois que son premier album ("Cold Facts", sorti en 1970) tourne quasiment en boucle dans mon iPod. Un des rares albums achetés récemment dont je connais par cœur les paroles, les transitions et les solos.
Un de ces albums où on connait si bien l'ordre des chansons qu'on est un peu déçu quand le mode shuffle détruit son implacable logique. Un album qui devrait avoir été écouté en vinyle donc. Il y a si peu de marqueurs temporels dans la musique de Rodriguez. Ses chansons résonnent parfaitement aujourd'hui.
"Establishement blues" pourrait être un hymne des "Indignés" d'aujourd'hui "Gun sales are soaring / housewives find life boring / Divorce the only answer / smoking causes cancer / This system's gonna fall soon, to an angry young tune / And that's a concrete cold fact".
Une protest song juste et efficace, avec une mélodie et une voix qui rendent ridicule la violence crue et gratuite des chansons engagées que l'on peut trouver dans le Hip Hop d'aujourd'hui. Aucun des marqueurs forts des années 70 ne choque l'oreille, pas de surabondances de chœurs ni de solos lourdingues de guitares héros. Juste une musique simple, des textes poétiques mais accessibles et un son limpide. C'est le temps qui choque le plus quand on voit Rodriguez débarquer sur scène.
Comment un auteur nouvellement reconnu peut-il être si vieux ? Pourquoi cet homme n'a-t-il pas l'immortalité de ses chansons ? Passée la surprise et les quelques rires à la découverte de sa voix éraillée et de son jeu de guitare arythmique et globalement faux, c'est la colère qui m'a saisie.
Et si tout le mythe Rodriguez n'était qu'un vaste plan comm., comme certains médias l'ont suggéré ? Et si en fait je m'étais fait avoir en bon citoyen de la société de consommation par une major plus maligne que les autres ? L'idée me rend vraiment mal à l'aise, et une certaine rage commence à naître au fond du ventre. Qui est cet homme qui massacre une à une les chansons d'un album que j'adore ?
Si au moins on était seul devant ce supplice, la douleur serait acceptable, on prendrait sur nous et on laisserait le temps passer. Mais moi j'étais venu avec ma meuf, cette colère s'est donc communiquée entre nous, je l'ai réprimandée de siffler l'artiste et elle m'a reproché de défendre l'indéfendable, à savoir un artiste qui ne respecte pas son public quand je comparais sa performance à celles de Dylan. Fair enough.
La colère passée et les réconciliations célébrées, je suis retourné à mon album. Et je me suis dit qu'en fait Rodriguez est un artiste frileux, qui n'aime pas prendre l'air ni se frotter au monde. Sa guitare ne sonne juste que quand elle sort de mes enceintes. Je vais donc le laisser dans sa pochette de vinyle et continuer de le martyriser avec mon microsillon, c'est là que sa musique retrouve sa force.
Photos du concert par Robert Gil. Retrouvez plus de photos sur son site photosconcerts.com/sixto-rodriguez-paris-zenith-2013-06-04-6940...
Critique écrite le 05 juin 2013 par esirpem
> Réponse le 28 septembre 2013, par Riba
Monsieur Esirpem, vous ne comprenez pas l'essence de la vie même, seulement votre faim de consommation... Si vous allez chercher vôtre père depuis longtemps et vous le trouviez, est-ce que vous direz "Oh, quel déception, moi je l'imaginais jeune et beau, quel dommage, il ne marche pas tout droit, il es presque aveugle, dommage, je ne le veux pas, ça vaut rien". C'est stupide, non ? Alors, pensez avant de dire des de bêtises sur Rodríguez, s'il vous plait !! Excusez mon francais, n'est pas ma langue... Réagir
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