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Interview de Revolution Sound Records à propos des musiques libres

Interview de <i>Revolution Sound Records</i> à propos des musiques libres en concert

Marseille janvier 2009

Interview réalisée le 09 janvier 2009 par Mystic Punk Pinguin

En tant de crise, il est toujours intéressant de s'intéresser aux pratiques alternatives, qui en général souffre moins, voire pas du tout, des dysfonctionnements du système dominant. Ainsi après avoir tchatché avec les tauliers du (dorénavant incontournable) Lollipop Music Store qui ont eut le culot d'ouvrir un magasin de disque quand le marché s'effondrait, on rencontre cette semaine les activistes du label marseillais Revolution sound records, farouches partisans de la musique libre. Parce que avouons le, "musique libre" cela nous évoque quelques vagues idées, mais en détails on n'en sait pas grand chose. Alors prenons le temps d'une visite guidée...



Peux tu te présenter ? Quelles sont tes activités dans la musique et le domaine des musiques libres ?

Jérôme, aka Collegue sur Revolution sound records,33 ans éducateur dans la vraie vie.
Musicalement, je participe à deux projets musicaux (The Lady in the Radiator et ERMC) sous licence de libre diffusion et bien entendu sur RSR.
Enfin, je suis l'un des membres du collectif Revolution Sound Records.

- Au fait, c'est quoi la musique libre précisément ?

Définition WIKIPEDIA : " On désigne habituellement comme musique libre, à l'instar d'un logiciel libre, une musique qui peut être librement copiée, distribuée et modifiée. Ainsi, la musique libre est soit de la musique du domaine public, soit de la musique diffusée sous une licence ouverte. Une musique libre est un exemple d'œuvre libre.
Elle se définit par opposition au mode de distribution (et aux droits d'exploitations qui y sont liés) des musiques produites et distribuées sous le régime de droit d'auteur classique, par des labels, qu'ils dépendent de majors ou qu'ils soient indépendants. Il existe toutefois des labels ou des micro-labels qui diffusent de la musique libre et soutiennent activement la libre diffusion.
Enfin, la musique libre ne correspond pas à un genre ou à un style musical particulier. On trouve en effet dans le champ de la musique libre toute l'étendue des styles musicaux, des plus avant-gardistes aux plus conventionnels. "


Pour nous, elle décrit l'ensemble d'un mouvement, un désir, une envie : reconquérir le champ des possibles.
Le but principal est d'encourager la circulation, l'échange et la créativité. Mais aussi promouvoir la collaboration entre les gens, ce qui est hautement favorable à l'évolution et au progrès.
L' objectif n'est pas de copier ou de faire en parallèle, mais bien de réfléchir de façon commune, de se réapproprier l'espace créatif culturel volé par l'industrie du spectacle.
et là tout est possible...

La musique libre s'affranchit donc de tous les carcans imposés par l'industrie du spectacle, la SACEM, pour une libre utilisation par l'artiste de ces propres œuvre. Il est donc libre de faire ce qu'il veut, que ce soit dans le domaine de la création mais aussi de la diffusion.
Pour cela il peut s' appuyer sur un outil juridique que l'on nomme simplement " licence libre ". Une licence libre est une licence (texte juridique) s'appliquant à un document (de nature quelconque), offrant à l'utilisateur certains droits quant à l'utilisation, à la modification, à la rediffusion et à la réutilisation du document dans des œuvres dérivées.
La licence libre ne se substitue pas au droit d'auteur. La paternité de l'œuvre d'origine est inaliénable, mais elle reste dans un esprit de liberté et de partage.
En mentionnant ses conditions, un auteur décrit intelligiblement aux usagers ce qu'ils peuvent faire ou ne pas faire avec son œuvre. Il a donc la possibilité de définir plusieurs conditions, telles que la paternité, le refus d'utilisations commerciales, le refus de modifications et le partage avec des conditions identiques.
L'auteur a la possibilité de révoquer des conditions s'il le veut à certaines personnes, cette décision n'en tient qu'à lui.
Ces licences ont une réelle assise juridique, plusieurs procès ayant eu lieu, leur donnant ainsi une reconnaissance juridique.

- Concrètement comment ça marche pour les groupes ? Et pour les utilisateurs ?

Très simplement. Les groupes choisissent une licence (licence Creative commons, art libre ou autres) qu'ils appliquent à leur création en renseignant les tags des mp3, en mettant une mention sur leur CD et autres documents relatifs à leur musique. Cette licence définit donc les conditions d'utilisation et de diffusion du morceau.
Dans tous les cas l'auteur plaçant ses œuvres sous CC autorise le partage de ces œuvres et donc leur dissémination (physique ou virtuelle).
C' est l'auteur, détenteur de la paternité du morceau, qui individuellement, titre par titre, fixe les conditions d'utilisation et de diffusion de son œuvre (d'où le terme de gestion individuelle des droits, opposé au terme de gestion " collective des droits ", mise en place par la SACEM), soit en s'appuyant sur les licences dites de libre diffusion soit sur d' autres dispositifs de protection et de diffusion des œuvres.
Cela permet donc dans un cadre purement légal d'être libre de gérer ses compos tout en fixant les conditions d'utilisation.

Pour les utilisateurs, cela permet d'avoir accès à de la musique, légalement, sans enfreindre les lois sur le copyright, mais aussi de pouvoir librement découvrir des artistes divers et variés, moins formaté par une industrie des plus en plus frileuse. Enfin, l'utilisateur entre dans une relation directe d'échange et de partage avec l'artiste, un véritable soutien (y compris financier).
La musique libre est un moyen de libérer la diffusion entraînant forcement un formidable élan de création et de partage.



- C'est quoi une licence Creative Commons ?

Comme dit plus haut, c' est l'un des outils mis à disposition du créateur afin de faire valoir l'ensemble de ses droits concernant sa création mais aussi les conditions d' utilisation de cette dernière.
C'est un contrat, juridique et légal, entre le créateur et l'utilisateur qui fixe les conditions d'utilisation. Il met en avant la paternité de l'œuvre (qui est inaliénable), mais aussi l'autorisation (ou pas) de modifier son morceau, de l'utiliser à des fins commerciales.
La licence Creative-Commons (l'une des licences dites libres car il en existe beaucoup d' autres) se décline donc en 6 contrats, au choix pour l' artiste mais aussi pour l'utilisateur.
Couplée à une méthode de dépôt d'antériorité du morceau (envoie en courrier recommandé AR, BNF ou enveloppe " soleau ") le dispositif de protection et d' utilisation est complet. Il permet de s' affranchir des sociétés de gestion collective des droits d'auteur type SACEM en France et donc on y revient d' avoir une certaine liberté (une liberté totale, devrais je dire) sur ses propres œuvres (ce qui n' est pas le cas avec la SACEM par exemple)

- Vous êtes en guerre contre la SACEM ? Celle-ci n'est-elle pas censé défendre le droits des artistes ?

En guerre le mot est fort... disons que nous avons quelques points de désaccord avec les statuts de la SACEM.
Cela rentre dans un processus, voir un dispositif global concernant aussi l'industrie du disque et du spectacle.
Disons que nous pensons que la SACEM n'est pas assez flexible, qu'elle défend effectivement les droits des artistes mais d' une façon unilatérale, quasi monopolistique, faisant croire qu'il n'y a qu'une seule et unique possibilité.
La SACEM dit être la seule société de gestion collective de droit d'auteur en France. Il ne s'agit cependant pas d'un monopole légal. Ce qui signifie, contrairement aux idées reçues, qu'il n' y a aucune OBLIGATION d'adhésion à la SACEM.

Les sociétaires déposent toutes leurs œuvres originales même celles qui ont été diffusées publiquement. L'auteur autorise alors la SACEM à gérer ses droits exclusifs d'exécution et de reproduction de ses œuvres, présente, passées et futures, sous TOUS les pseudos et ceci pour une période de 10 ans. Etre sociétaire implique donc l' acceptation des statuts de la SACEM, et donc son fonctionnement.
Il n'est pas nécessaire non plus d'être membre de la SACEM pour obtenir l' autorisation SDRM de pressage de disque....
La SACEM gère donc les droits relatifs à la diffusion (net, radio média, TV, LIVE).

MAIS:
vous renoncez à exercer vous-même une partie de vos droits d'auteur (les droits patrimoniaux), pour en concéder la gestion à la SACEM, qui délivrera à votre place toutes les autorisations de diffusion et de reproduction.
Le point le plus important n'est pas souvent mis en avant, mais il est fondamental. L'adhérent s'interdit de conclure avec un tiers une convention portant sur les droits dont il a confié la gestion à la SACEM. Cela signifie que vous ne pourrez plus, après avoir adhéré, fixer les conditions financières d'exploitation de vos œuvres, y compris lorsque vous aimeriez accorder votre autorisation à titre gracieux. Cela signifie en particulier que vous devez réfléchir à deux fois avant de mettre vos morceaux sur un site Web, qu'il soit communautaire ou personnel. La SACEM serait alors en droit d'exiger une redevance...

Enfin, concernant l'aspect financier, le reversement des droits:
Parmi les créateurs et éditeurs dont les comptes ont été crédités, 47 912 sociétaires de la SACEM ont reçu des droits( sur 109 000 sociétaires). Elle rétribue (seulement) 3 000 sociétaires plus de 10 000 euros par an et ne collecte pas le moindre centime pour 60 000 d'entre eux (pas ou trop peu diffusés)
Bref, on voit clairement que, bien que la SACEM serve à protéger des morceaux, la contrepartie est assez importante. Perte de sa liberté de diffusion sur ses propres œuvres, fermeture de la possibilité de diffusion, etc., etc.
La musique dite libre permet un grand champ de liberté, et d'échange.



- Où en est la législation actuelle ? Quels sont les projets gouvernementaux en la matière ?

On assiste actuellement , sous couvert de crise de l' industrie musicale (Universal and co) et de lutte contre le piratage à un durcissement des lois sur le droit d' auteur, l'échange et le partage.
Sans rentrer dans le détail, je citerai l'allongement de la durée des droits d' auteurs, loi Hadopi.
On a aussi vu les DRM qui sont une réelle aberration : empêcher les clients de disposer librement de la musique achetée sur tout support. Ils sont heureusement en train de mourir.
Il y a aussi l'ensemble des lois qui empêchent ou rendent difficile la mise en place de spectacles vivants. Obligation d'avoir une licence d'entrepreneur du spectacle, loi sur les nuisances sonores et les regroupements. Bref on peut voir que la loi va plus dans le sens des gros et moins vers une culture populaire, pour et par tous.
La musique libre tente donc de mettre en place des dispositifs permettant un accès à la culture plus vaste, loin de l'aspect " fricophage ", recentré sur la musique, les musiciens, les créateurs. Chez RSR nous pensons que la création est en danger à partir du moment où on la fait rentrer dans un carcan industriel : créons-nous des œuvres ou des produits?

- Tu peux nous présenter Revolutions Records ?

Revolution sound records est un collectif d'artistes, rassemblés au sein d' une association loi 1901. Disons que c' est notre structure de création et de réflexion, notre extension réelle de la lutte.
L'association "collectif Revolution Sound Records (RSR) " est née du désir et de la volonté d'artistes de rendre la culture libre et accessible à tous, désireux de permettre au public de découvrir gratuitement et légalement les œuvres d'artistes non standardisées, dans un esprit d'entraide, d'échange et de partage.
Nous voulons être un élan militant en ces temps de luttes qui opposent deux visions de la société : le désir économique d'uniformisation et le désir humaniste de "diversité partagée".
Par artiste, nous entendons musicien mais aussi photographe, écrivain, sculpteur, peintre etc...
L'action du collectif, basée sur le net, peut s'étendre au-delà de la toile par le biais de son association loi 1901, par le soutien ou l'organisation de manifestations libres.

L'association "collectif RSR " s'engage, ainsi que les artistes qu'elle représente, à ne pas entrer dans le système des corporations du disque, de l'industrie du divertissement, du pouvoir d'achat et de la surconsommation. Le collectif veut défendre réellement les droits des artistes et leurs œuvres sans en tirer de profit quel qu'il soit (notion de NO PROFITS) , sans pour autant s'affranchir d'une réflexion sur la notion économique et financière.
Nous soutenons la culture dans son contenu et sa richesse les plus vastes possibles.
Nous souhaitons réinventer un rapport à la culture de façon alternative.
Les artistes présents dans notre collectif n'ont pas déposé leurs œuvres dans un organisme spécialisé (gestion collective des droits d'auteurs ) comme la SACEM, la SACD, Sabam ou autres organismes du même genre.

La démarche des artistes du collectif s'ancre fortement dans le mouvement du libre et de la libre diffusion par l'adoption des licences dites "libres" (Creative Commons ou art libre) pour l'ensemble de leurs œuvres ou tout autre dispositif " ALTER- SACEM "(gestion individuelle des droits).
Concrètement:
*diffusion sur le net
*fonctionnement collectif
*création de passerelles entre les différentes disciplines artistiques
*entraide, partage
*création d'œuvres collectives
*organisation/soutien de concerts en France
*Festival
*promotion des alternatives
*lieu de débat /réflexion/construction.

Quelques autres initiatives / sites dans le domaine du libre que tu as envies de mettre en avant ?

J'ai quelques noms de site autour de la musique en tête (comme dogmazic.net), mais j' ai envie de parler d' une nouvelle initiative (proche de RSR) regroupant plusieurs arts comme Facteur XIII, qui est surtout un univers communautaire "dont vous êtes le créateur" si vous désirez participer :
au programme prochainement :
* de la BD
* des illustrations
* de la musique
* des nouvelles et romans
* de la vidéo
* et pleins d'autres surprises

et autres projets: <>Ramalax prod, boite de prod audiovisuelle et cinématographique sur Lyon, qui diffuse sous licence libre et propose de nombreux projets collaboratifs (dont le prochain " Varsovie express ")

- Quelle est votre démarche pour le festival le Son du Libre que vous organisez depuis 3 ans ?

La démarche est simple et est la suite logique de notre action sur le web.
Internet n'est pas une finalité pour nous mais juste un moyen de nous faire connaître et de partager.
Le son du libre est la juste transposition de notre action, l'envie de se rencontrer et de donner aux autres notre énergie.
Donc le son du libre c'est de la musique, des rencontres, de l'échange... Et tout cela est organisé par les groupes membres du collectif. Nous faisons jouer les groupes du collectif mais aussi des groupes locaux qui ont choisit de diffuser leurs créations sous " licence libre ".



- Que penses-tu du problème du statut intermittent ?

Ce régime, quasiment unique au monde, devrait permettre une certaine vitalité de la création artistique, permettre à ceux qui le désirent de vivre pour et par leur art.
Mais, de manière générale, on fait face à un problème de mentalité : " comment ça artiste c' est un métier? Mais non c'est une passion, allez vous trouver un vrai job " Dès lors, on ne peut qu'halluciner devant le manque de considération et le soutien aux intermittents.
De plus, le nouveau calcul de droits sur environ 10 mois (au lieu du calcul annuel qui existait jusqu'en 2003) élimine de ce régime spécifique un grand nombre d'artistes, de manière arbitraire pour certains. Et je ne parle pas de l'abus fait par certaines société de production qui asservissent littéralement certains intermittents.


- Passons à la zique, tu écoutes quoi en ce moment ?

Énormément de choses ! Je suis assez scotché en ce moment (depuis longtemps en fait) sur Nine Inch Nails (tous les albums) que j' apprécie fortement ( et encore plus depuis qu'il a opté pour les licences Creative Commons), sinon en vrac: Tomahawk ( le groupe de M. Patton ), Jhon Zorn, The Chemical Brothers et beaucoup, beaucoup de musique en libre diffusion.

- Un groupe coup de coeur dans la région ?

En toute objectivité : Le sac à boulons, OTIS, Ouroboros. Sur le son du libre 3 j'ai découvert le groupe Senoï qui envoie vraiment du lourd et Elora. Il y a aussi nos amis des Drunk Souls et The E-Sound Project.




- Une initiative de la région que tu veux mettre en avant ?

Euh.... le prochain Son du libre 4 ?
Non ce n' est pas forcement une initiative en particulier mais plus un sincère coup de chapeau à tous les petits cafés concerts de la région et de Marseille (et ailleurs en France) comme le Dan Racing ou le Lounge qui joue le jeu de la programmation locale et éclectique, permettant ainsi aux groupes de pouvoir se produire (ce qui est de plus en plus difficile) mais aussi qui soutiennent nos idées folles .

- Le mot de la fin ?

Quelle fin? Cela ne fait que commencer...
J'invite chacun à venir nous voir sur le site du collectif, musicien ou autres artistes voire des personnes en phase avec notre " philosophie " afin de s'unir et de mettre en place de nombreux projets, voire d'obtenir d'autres infos sur le sujet de la musique en libre diffusion.

www.revolutionsoundrecords.org
fr.creativecommons.org
www.dogmazic.net
www.jamendo.com/fr


Un interview