Accueil Chronique album : Jake Bugg - Jake Bugg, par Philippe
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Critique d'album

Jake Bugg : "Jake Bugg"

Jake Bugg :

Pop - Rock

Critique écrite le 23 janvier 2013 par Philippe

Dans le musicophile et hilarant film High Fidelity, il y a une scène qui sent fort le vécu : quand l'un des trois disquaires, puits de science musicale, apporte aux autres d'un air abattu, une K7 de rock pétaradant et abouti, et leur révèle que oui, ce sont bien les deux jeunes skaters, petits cons mineurs et voleurs de disques, qui l'ont enregistré ! De quoi déprimer un bon coup quand on a la conviction chevillée au corps (et souvent vérifiée) qu'il faut avoir au moins 25 ans pour émettre un disque potable. C'est exactement ce qu'on ressent à l'écoute de Jake Bugg, album éponyme de Jake Bugg, sorti l'année de ses 18 ans, et avec lequel il a déjà tourné brièvement en ouverture de Noël Gallagher, juste avant de mener sa barque tout seul...
Dès Lightning Bolt, s'impose une impression de classicisme et de maîtrise : un chant léger et nasal, un titre pop emballant et salement bien torché, où sur une rythmique très "merseybeat", vient se poser exactement au bon moment, un riff de guitare abrasive et sans gras. On pense aussi à d'autres (un tout petit peu moins) jeunes cons, doués et charmants, comme Alex Turner (Two Fingers) et Miles Kane (Taste It), ou aux méconnus et formidables Bishops (Seen it All), tout en sentant une digestion parfaite de grands songwriters comme Ray Davies (voir la kinksoïde Trouble Town), Cat Stevens (Someone Told Me) voire même, lâchons la référence ultime... Johnny Cash !
Mais le pire reste à venir : le minot vous torche aussi, seul à la gratte, des balades belles à chialer (entre autres, Simple as this, que pourrait adouber Bob Dylan), comme si mille filles lui avient déjà brisé le coeur avant qu'il fasse chavirer le nôtre (Broken). Ou alors, s'autorise une double voix, pour sonner comme Simon & Garfunkel (Ballad of Mr Jones), avec une orchestration folk opulente. Et vous planque encore un single potentiel en fin d'album, avec un Note to Self, auquel aucune jeune fille censée ne devrait pouvoir lui résister...
Le jeune Jake Bugg, parfaite petite tête à claques à la moue boudeuse, n'a même pas l'air d'avoir transpiré pour enregistrer ses 14 petites bombes, de 2 minutes 50 secondes en moyenne : il s'avère donc que, vu les plus jeunes noms cités supra et qui ont égrené force excellents albums au 21ième siècle, la pop anglaise se porte parfaitement bien et s'auto-reproduit localement, sans pour autant dégénérer en fin de race...
Et que les chroniqueurs, effarés et sans voix, n'ont plus d'alternative à un name-dropping forcené pour qualifier cet extrêmement prometteur premier LP... Ce à quoi les boudeurs blasés répondront fatalement que ça ressemble trop à ceci ou cela, qu'il a signé chez Universal, qu'il est mal coiffé et plus généralement, que c'était mieux avant... Mais seront-ils vraiment assez bêtes pour bouder le plaisir d'aller découvrir cette année le futur enthousiasmant de la pop-folk anglaise sur scène ?
(Universal, 2012)
Vignette Philippe

 Critique écrite le 23 janvier 2013 par Philippe
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