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Chronique de Concert

Saul Williams + American Fangs + Earl Greyhound

Saul Williams + American Fangs + Earl Greyhound en concert

The Independent, San Francisco 10 novembre 2009

Critique écrite le par


Il y a parfois des trucs intéressants qui traînent dans des newsletters/spam auxquelles on ne se souvient même pas de s'être inscrit un jour. Comme par exemple le passage d'un mec que vous adorez dans une ville au bout du monde, pile quand vous y serez... Rendez-vous est donc pris depuis longtemps avec le grand Saul Williams qui nous avait ébloui de sa présence à Marsatac en 2008, et qui nous fait l'amabilité de jouer à 2 blocs de notre hôtel, sur Divisadero St., San Francisco, California.


The Independent est le nom de la salle, qu'on gagne après un repas sympa à l'Herbivore, resto vegan qui derrière son nom auto-parodique cache une carte copieuse et très originale, surtout dans le monde du home-made burger. A l'échelle de la ville, L'Independant est probablement presque un club de quartier, avec une jauge qu'on évalue à 500 personnes environ, mais qui semble quand même accueillir régulièrement des pointures rock ou rap. Petit tour du propriétaire, à la recherche de points pittoresques dans le fonctionnement d'une salle de concert aux USA.


D'abord, on n'est pas dans le modèle associatif pas-d'alcool-que-de-la-bière : ici le bar est copieusement achalandé d'alcools forts ! La bière est à la pression sous au moins 5 références et les citrons en libre service, 2 colors available... Bon certes à 5 dollars la bière, on imagine que le risque qu'un client se bourre la gueule reste raisonnable (quoiqu'il y a quand même un guichet automatique ATM à l'intérieur !). Une serveuse tourne dans la salle est prend les commandes qu'elle livre directement sur place. A part ça, on ne fume théoriquement pas dedans, ni même devant. Et le public est nettement plus hétéroclite qu'en France : 1/4 blanc, 1/4 black, 1/4 latino et un 1/4 "autres", dans la mesure où le métissage a vraiment bien fonctionné à San Francisco...


Le contexte est la tournée de l'inventeur du slam, qui s'est entouré d'autres groupes pour promouvoir l'afro-punk (un concept assez vaste, voire vague, on s'en apercevra pendant la soirée). On est arrivés pendant le set du premier groupe, American Fangs, qui joue tellement fort qu'il est difficile de savoir si c'est du simple heavy rock US (du skate core ?), ou s'il y a une composante punk. D'afro en tout cas, il n'y a que le chanteur.


A vrai dire comme souvent dans le style, c'est plutôt efficace à défaut d'être original, le chanteur mouille sa chemise et les autres aussi. On s'amuse quand même de voir le guitariste plaquer des accords en barrés assez basiques sur une Gretsch toute neuve. Peut-être qu'il vient d'hériter ? En tout cas, honnêtes performers, les membres du groupe ne semblent pas taillés pour percer hors de Californie - ce n'est pas la ruée non plus à leur merchandising.


Après une mise en place assez longue par eux-même, un speaker vient annoncer le deuxième groupe et remercier le sponsor de la tournée d'une voix traînante et ironique. "Brought to you by Budweiser, fuckin'Budweiser, it's delicious !" : quand on sait la pisse de rat dont il s'agit, pas de doute possible, c'est bien du second degré ! Voici donc Earl Greyhound, assemblage hétéroclite entre un gros batteur black (gros, au sens gras), un hippie blanc plutôt famélique en poncho, et une bassiste métisse qui pourrait être jolie si elle n'était pas si mal attifée. Si on est pas tendre avec eux, c'est parce que leur musique est d'un laideur absolue, ce n'est ni rythmé ni musical, ni même juste (pas vu une horreur pareille depuis Glasvegas...).


En un mot c'est aussi lourdingue que le jeu de mot dans leur nom. Le batteur joue comme une patate, la fille braille faux et joue à peine de sa basse, le hippie aussi chante mal, mais en plus fait des soli bavards et la langue tirée, à la Kiss. Pour ma part je suis occupé à expliquer diplomatiquement, e-mail à l'appui, que l'on m'a bien donné l'autorisation de faire des photos (oui, même des ratées), et mon amie en profite pour faire une petite sieste ! Pour ce qui est d'Earl Greyhound, après 45 minutes de torture auditive, ils s'en vont sous quelques maigres applaudissements, qui montrent au moins qu'on est pas les seuls à ne pas avoir aimé. Euark... Se trouver dans la deuxième ville la plus branchée des USA ne met donc pas à l'abri de se taper d'atroces losers sur scène, CQFD.


On pense être arrivés à la masterpiece, quand le DJ de Saul Williams arrive sur scène avec le speaker. Mais non, les deux vont devoir nous faire encore 15 bonnes minutes de pitreries, impro et play-backs (la salle semble aimer) avant de laisser le reste de la scène être installée. Devant ce spectacle, on commence à tomber de sommeil, ces gens ne semblent pas savoir qu'on a fait le tour de la ville à pied dans la journée ! Une bonne partie du public arrive pile à ce moment-là, sans doute mieux renseignée que nous, et finit par bien remplir la salle. De bien curieuses odeurs d'herbe se répandent, pour un club soi-disant non fumeur...


Et puis finalement à 23 h bien sonnées, ils arrivent pour de bon, le DJ en costume de fantôme clignotant, le guitariste en chemise à jabot, le clavier toujours déguisé en mort de fête mexicaine et enfin, Saul Williams vêtu d'une grande cape et de plumes sur la tête. Déjà nettement plus classe que les précédents, plus afro et plus punk ! Car quiconque a déjà entendu Saul Williams sait que sa musique est puissante, en live plus encore qu'en disque. Il commence avec Convict Colony et c'est immédiatement excellent, speedé et classieux. Plus encore avec Grippo et Tr(n)igger, qui sont deux énormes tueries. La moitié avant du club en est retournée de joie, et l'autre moitié suit quand même avec attention !


A vrai dire je ne connais pas tous les titres de ses deux derniers albums, sombres joyaux qui ne peuvent s'écouter qu'en entier. Il les enchaîne en tout cas avec quelques insertions de paroles slammées, descend à un moment assez loin dans son public (assez loin même pour que je le touche !). Il est sympa, enthousiaste et pas fier, relance admirablement le public sans devoir insister lourdement. Ses musiciens se sont totalement approprié la musique de Trent Reznor (magnifique et hypnotique Banged & Blown Through), avec une discrétion presque regrettable au vu de leurs beaux costumes - il n'y a que son DJ qui fait les choeurs et semble réellement dialoguer avec lui, quand il ne joue pas de la batterie numérique avec les doigts ou de la vraie cimbale pour se défouler.


Suivent encore plusieurs titres de son album éponyme, comme la groovy Black Stacey, qui fait tanguer la foule, avant les coups de boule que sont Control Freak et sa fameuse reprise en live de Declare Independance de Björk, remixée et totalement archi-jouissive. Et tout de suite après, Skin of a Drum, complainte qui me remue curieusement les tréfonds à chaque fois, alors que je n'y comprends pas grand-chose. Et retour à du lourd avec la trickyesque DNA et le riff stoogien de la pétaradante et dansante List of Demands. Un pur bonheur !


Après ce set d'une bonne heure, déjà bien garni, le groupe salue et sort dans un bordel de sons où l'on croit reconnaître... non, ce n'est pas possible. La salle crie juste assez pour les faire revenir : comme en Europe, le rappel semble une acquis social et la moitié hystérique du public assure ce qu'il faut pour l'obtenir, bien moins fort que quand le groupe était sur scène. Ceci pour obtenir un curieux titre (zouk-metal hardcore ? Afro-crust-punk ?), puis la toujours terrible Notice of Eviction et une version un peu à la rue (mais quand même sympa grâce à un beat en béton) de son Sunday Bloody Sunday.


Dernière partie du concert (on note l'étude de la courbe d'ambiance BAFA par le groupe : calmer les enfants avant la fin de la veillée !), la plus calme et élégante Scared Money, avant un long poème parlé, à toute vitesse, auquel on ne comprend évidemment rien à part qu'il dégage une belle musicalité dans le flow. Conclu bizarrement par un "Fuck poetry, we have a new song for you !", et un dernier titre assez tranquille. Ils saluent et sortent, cette fois-ci dans une grande clameur, après un concert impeccable et très marquant. Ce coup-ci, on est mûrs pour aller se coucher, pas déçus de cette bien belle soirée dans la Bay City ...


La salle se vide rapidement, sauf d'un petit couple looké punk-rock qui reste assis sur le côté - mignon, ils se tiennent la main et se regardent, ils ont l'air d'être seuls au monde, on dirait qu'ils n'ont même pas vu que le concert était fini. Au fait, le concert s'est bien terminé là-dessus, on avait donc pas rêvé avant : le jingle "Ta, ta, taaaa-da !" de notre SNCF à nous ! And this, my friends, de savoir comment cet air est arrivé aux oreilles de Saul Williams et ses sbires, oh my god, c'est un vrai Mystère de l'Ouest...

PS : at last, a few short videos are here !

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