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Chronique de Concert

Orlag, 69'Vette, Rotten Cunt, High-school motherfuckers, Ancêtres, Last Prophecy, DSK, Fiinky Pie (Convention

salle des fêtes de Fismes (Marne) 5 mars 2006

Critique écrite le par



Fismes est une commune entre Reims et Soissons. C'est encore la Marne et bientôt l'Aisne. C'est la ville de Sainte-Macre, une martyre chrétienne, et le berceau d'Albert Uderzo, le créateur d'Astérix. Depuis 9 hivers, c'est aussi, une fois l'an, une Mecque du métal, avec la tenue de la Convention rock'n'métal. Le point de ralliement de centaines de silhouettes sombres aux longues tignasses. En signe de soumission et d'adoration, ces pèlerins des ténèbres viennent porter leurs oreilles et leurs portes-monnaies en sacrifice à tout un panthéon de Dieux poilus et hurleurs, maîtres des vents et du tonnerre.
La compassion, la miséricorde, le pardon, l'amour du prochain, la beauté même, sont des valeurs exactement opposées à celles, indicibles, propagées par ces prophètes du chaos.
Ca c'est pour le contexte philosophique. A priori, pas l'endroit indiqué pour un amoureux des petits chats et des ballades à vélo comme moi.



Mais, 5 euros pour huit groupes, mais des dizaines de marchands disques, mais des guitares en démonstration, mais une buvette avec de la bière et de l'hippocrasse (un vin cuit au miel), mais un tatou..., enfin bon, il y en avait un, mais je me suis assez mal remis de mon dernier piercing d'où ma décision de mettre le holà sur les expérimentations corporelles. "Plutôt bourré que troué", est l'une de mes devises du moment.



J'ai donc bu, un peu, j'ai fouiné, beaucoup, et j'ai écouté, surtout. Les groupes se sont relayés de 11h à 18h sur la scène de la salle des fêtes. Des concerts de trente minutes. Assez longs pour se faire une idée de la valeur des artistes et assez courts pour ne pas s'ennuyer quand ces derniers ne nous enflamment pas.



Premier sur la liste, Orlag est la parfaite incarnation de ces Dieux poilus et hurleurs évoqués plus haut. Le chanteur a le visage maquillé en blanc, comme s'il était déjà mort. Son torse est ceint de douilles, comme si la prochaine balle était pour nous, public.



Du black death-métal. Idéal pour récupérer d'une cuite au whisky, travailler dans un abattoir ou bien accompagner une attaque-suicide. Moins conseillé pour les baptêmes.



Les 69'Vette (un modèle de corvette, une voiture américaine) affichent aussi volontiers une image de brutes. Fred, le chanteur, monte sur scène comme sur un ring, avec toujours la ferme intention d'en mettre plein la gueule à son vis-à-vis, le public, encore nous. Et, effectivement, il ne me viendrait pas à l'idée de lui présenter ma petite sœur. Pas de maquillage, ni de cartouches, ici. 69'Vette, c'est la vieille école punk-rock, jean et tee-shirts, one, two, three, four, let's go ! De grands fans des Ramones, dont ils reprennent Rock'n'roll radio, et dont ils perpétuent cet art d'interpréter des morceaux en quatrième vitesse. La moyenne d'âge est au-dessus de la quarantaine.



Ils ont chacun joué dans différents groupes de métal de la région, l'un d'eux a même ouvert pour Motörhead, mais ces nombreux faits d'armes n'ont en rien émoussé leur agressivité musicale. J'ai eu l'occasion d'assister à une de leur répétition dans un local géré par l'association des Familles rurales à Fagnières à côté de Châlons. C'était vraiment du sérieux. Comme un concert, tous les titres joués à fond, d'une traite, sans une pause. Ce dimanche à Fismes c'était moins percutant, à cause de la scène surélevée et peut-être aussi à cause d'un problème de retour. Les musiciens ne s'entendaient pas. Ils ont expédié leur set proprement, mais ils méritent d'être revus dans un cadre plus approprié comme un bar bondé et enfumé.



A la suite de ces soudards, la présence de deux jupes sur la scène pouvait laisser penser que la tension allait retomber et qu'un peu de douceur allait caresser nos oreilles. Un coup d'œil rapide sur le programme pour vérifier le nom des nouveaux protagonistes refreina très vite mes velléités de romances. Rotten Cunt, Chatte pourrie. Ce n'est pas un nom de circonstance, choisi pour complaire au public traditionnellement macho des cercles métal. Rotten Cunt, est un groupe rémois, au trois-quart féminin, formé depuis 2003, c'est du grindcore. Un rythme rapide, de la distorsion et des beuglements, émis par l'autodésignée Pute pourrie, Vanessa de son prénom. C'est assez amusant à observer. Les deux jupes, Sylvie et Emilie, deux doux visages, sont très sérieusement concentrées sur leurs instruments, sans aucune démonstration rock'n'roll, ni même la plus petite trace d'excitation, quand à leur côté circule Vanessa, qui va, vient et hurle, hurle, hurle. Curieux et horrible en même temps. Ces cris à côté de tant de placidité. Un titre est annoncé, Billy a mal. J'ai pensé. Et si c'était un viol. Et si tout cela, n'était qu'un travail de deuil, de reconstruction, après une violente séance de sexe imposé de force et conclu par une lacération du vagin au fil barbelé. Personne pour entendre cette douleur. Ce n'est pas très réjouissant.



Mais c'est tout ce que ce genre de musique inspire : l'horreur et la désolation. Sans aucune porte de sortie. Après le bruit, le néant. Heureusement, il y avait le rythme et quel rythme. Le batteur était de loin l'élément le plus vivant des Rotten Cunt. Une explosion d'énergie. Sa batterie menaçait de s'éparpiller sous son jeu de baguettes tonitruant. Et il a fallu chercher deux parpaings plus un seau rempli de ferrailles pour parvenir à bloquer la grosse caisse qui sinon allait poursuivre sa mission d'assommoir dans la fosse.



Bizarrement ce sont les High-School Motherfuckers qui ramenèrent un peu d'humanité sous les néons de la salle des fêtes. Leur hard-bubblegum, avec ses structures à l'efficacité éprouvées, affiche d'authentiques vertus euphorisantes. C'est eux qui accompagnèrent mes recherches dans les bacs à vinyles et c'est avec eux que je pus fêter ma découverte de tout un stock d'albums et maxis de The Fall. Je me suis retenu et je n'ai emporté qu'un Kurious Oranj et un Rollin'Danny.



Mais malgré ce petit effort (j'ai aussi ramené Ace of Spades de Motörhead et Made in Japan de Deep Purple), un sentiment de culpabilité s'abattit sur moi. Encore des disques ! Alors que je n'ai plus de place, que je n'ai toujours pas acheté l'aspirateur que me réclame ma moquette pouilleuse. Et les lessives en retard, et le repassage !



Là-dessus, Ancêtres, un trio de Compiègne, m'infligea le coup de grâce. Le chaos reprenait l'offensive. Un martèlement de bœuf, des notes joués très vite, un voix dégoûtante beuglant des paroles menaçantes, difficilement intelligibles d'où surnageait quelques mots, "chien", "ennemis de Dieu", "votre sang est notre victoire", je n'en pouvais plus, sans compter que l'hippocrasse, ça porte vite sur la tête.



Je ne tenais plus debout. Je m'assis alors sur la rampe menant à la scène et je m'endormis.



Le nom du groupe suivant, Last Prophecy, n'était pas en mesure de me faire ouvrir les yeux avant un bon moment. Last Prophecy ! psst, encore des délires autour de Dieu, des forces du mal, écoute comment les temps sont obscurs et comment je vais tuer ta mère... En réalité, le vent mauvais annoncé se révéla être un ouragan de solos accrocheurs et super efficaces. Du grand guignol hard années 80, mais un grand guignol très agréable à voir sur scène. L'un des deux guitaristes, celui qui avait des cheveux, était particulièrement déchaîné. Il courait dans tous les sens, abusait de sa chevelure, il y était ! Nous aussi.



C'est toujours gratifiant pour le public d'avoir en face de lui des gars qui sont contents d'être là et le font savoir. Et ce n'était pas fini.



Après ce petit voyage dans le temps, nous voilà de retour en 2006 avec DSK. En 2006, on rigole moins que dans les années 80. Le racisme progresse, la précarité progresse, le terrorisme progresse, et dans le monde du métal le propos se radicalise aussi. Il n'y a pas très longtemps, j'ai évoqué la secte du drone rock et SunnO))) qui pousse l'horreur musicale à son comble. Il y a des adeptes, mais cela reste marginal. L'essentiel des jeunes troupes métal se rangent aujourd'hui sous le pavillon de l'ultra death métal, derrière des groupes comme Gojira (chroniqué lors de son passage à Reims) ou, présentement, DSK. Ca n'est pas du tout ma tasse de thé. Je trouve ce courant très pauvre sur le plan artistique.



Est-ce moi qui suis sourd, mais en tout cas, j'éprouve de réelles difficultés à distinguer les morceaux les uns des autres. Et pour être encore plus clair, je me suis ennuyé lors du concert de Gojira. J'ai écouté et réécouté, ensuite chez moi, leur disque The linkalive sans parvenir à y trouver de la lumière. Pour moi, c'est purement et simplement de la soupe. A savoir, une simple bande-son pour exciter des gamins. Mais, pourtant, pourtant, pourtant j'ai apprécié la performance de DSK. Plus que la musique, c'est vraiment leur état d'esprit qui m'a séduit. Le propos est sombre : "le monde dans lequel nous vivons est aveugle, nous allons le rendre sourd ". La musique est un rouleau compresseur avec des guitares qui parviennent à noyer la batterie sous leurs riffs. C'est déjà un exploit en soi vu le jeu meurtrier du batteur, mais globalement c'est du déjà entendu. Non, leur originalité, ce sont leurs sourires. Ces gars sourient quand ils jouent. C'est tellement rare dans ce style qui surjoue la morbidité et les poses de défi pour que vraiment je le répète, ils SOURIENT. Le monde est pourri, l'horizon est bouché, c'est la colère, ces guitares sont peut-être une arme, mais sur scène quand on lâche ces musiciens, c'est En route pour la joie !



N'allez pas croire non plus qu'ils se la jouent baba cool, envoyant la soudure dans des poses de Boudha. Pour reprendre un autre titre de chanson de notre francophone patrimoine, avec DSK c'est aussi Il va y avoir du sport. Ils sont intenables. Dès le début, le chanteur commence par se jeter contre les murs pour se chauffer. Par la suite, il n'en finira pas de sauter, sur la scène, dans la fosse, jetant un micro, pour en prendre un autre (tel Mark E. Smith, ah The Fall quand tu nous tiens), haranguant le public pour qu'il saute à son tour. Le parfait showman. Il ne manquait que quelques blagues à destination de l'audience est la panoplie aurait été définitivement complète. Et l'ensemble du groupe était à son image, indomptable.



Le bassiste, par exemple, joue d'un instrument sans fil pour pouvoir lui aussi courir dans tous les sens et tenir sa basse par tous les bouts. Non, vraiment, ce fut une claque. Juste une réserve ou plutôt une suggestion à destination du bassiste : ce serait bien qu'il essaie de temps en temps de jouer en position couchée, cela rajouterait encore de la folie à DSK et puis cela lui permettrait de travailler ses abdominaux.



Comme un bon repas, cette convention se termina par un gâteau ou plutôt une tarte, la Fiinky Pie. Ce trio de Paris est conduit par un bassiste qui comme Lemmy de Motörhead, chante et qui comme Lemmy joue avec une Rickenbacker et les ressemblances avec le fameux groupe ne s'arrêtent pas là. Fiinky Pie joue du bon vieux métal avec du poil sous les bras, la bande-son parfaite pour de longues chevauchées en moto. Du bikers rock ? Ca fait un peu peur, ce genre d'appellation. Et j'avoue détester le bruit des moteurs, de tous les moteurs.



Mais, en vrai, ce fut comme avec DSK, un très bon moment. Ces gars s'éclatent sur scène, ça se voit et le public, un peu plus vieux que précédemment, n'a eu de cesse que de réclamer des parts supplémentaires de tarte. Un très bon dessert, à l'image de cette journée : rock et conviviale.


Liens utiles :
www.rottencunt.net
www.ultradsk.com
www.fiinkypie.com

 Critique écrite le 07 mars 2006 par Bertrand Lasseguette