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Interview avec Nadéah

Interview avec <i>Nadéah</i> en concert

Cinq7 - Paris 23 Avril 2011

Interview réalisée le 16 mai 2011 par fredc

Nadéah a beau être une jeune femme d'une éternelle fraîcheur, elle semble avoir déjà vécu mille vies. Australienne d'origine, ancienne membre d'un groupe de rock avec lequel elle a beaucoup tourné au Royaume-Uni, ancienne chanteuse du combo français Nouvelle Vague, aperçue sur le plateau de Taratata aux côtés de son pote Charlie Winston (qui lui a prêté sa guitare après que la sienne ait été cassée par un roadie indélicat), exilée aux Etats-Unis après avoir été chassée d'Angleterre, arrivée en France au vestiaire d'un café lounge parisien... il reste peu de choses que Nadéah n'ait faites. Aujourd'hui, signée par le prestigieux label Cinq7 (AaRON, The Dø, Oxmo Puccino, Lilly Wood & The Prick...), elle sort un nouvel EP, "Odile", plutôt jazzy et sur lequel on retrouve une certaine French touch qui, de son propre aveux, vient directement de ses quatre ans passés à Paris. Elle parle d'ailleurs très bien notre langue, mais c'est en anglais qu'on décide de l'interroger, dans les bureaux de son label...



Ce mois-ci, tu fais des concerts sauvages dans les rues toutes les semaines, ils ont l'air très improvisés, mais est-ce qu'ils le sont vraiment ?

Oui ! La semaine dernière, on l'a fait le dimanche parce qu'on avait un truc de prévu le samedi et j'ai prévenu deux des musiciens la veille. On n'a même pas répété. Pour le premier concert, on a fait un effort, mais pour le deuxième, c'était vraiment improvisé. On a commencé à jouer une chanson, et tout d'un coup, j'ai entendu le glockenspiel alors que je ne savais même pas qu'il venait ! C'est vraiment comme ça que ça se passe.

Ca tourne un peu à la jam session, des fois ?

Pas vraiment, parce que je ce sont toujours mes chansons, c'est celles-là qu'il faut qu'on joue. Mais aujourd'hui, j'aimerais bien faire une reprise, seulement mes musiciens ne la connaissent pas, alors il faudrait que je la fasse a capella avec des maracas. Je vais peut-être le faire aujourd'hui, juste parce que tu me l'as demandé. Si tu viens, bien-sûr.

J'y serai, c'est promis !

Quelle importance à le live dans ta carrière, dans ton approche de la musique ?


Pour moi, c'est un vrai métier, et c'est un métier que je trouve plus excitant que d'enregistrer. Quand tu enregistres, tu peux modifier, tu peux faire en sorte que ça sonne parfaitement, mais en live, tu dois faire avec ce que tu as sous la main. Et puis c'est un des rares moments dans la vie où tout le monde est vraiment en communion. Ca et les matches de foot. Les choses comme ça où les gens sont vraiment là, ensemble, l'énergie que tu peux créer - parce que ce n'est pas juste toi, c'est vraiment le public qui fait le concert avec ce qu'il donne... C'est vraiment la meilleure partie de la musique.

Tu te décrirais plus comme une artiste de scène qu'une artiste de studio ?

Je suis clairement plus une artiste de scène. Mais j'aime aussi écrire des chansons, j'adore ce pont qui se crée entre faire quelque chose dans ta chambre et puis ensuite voir quelqu'un le recevoir, c'est génial.

Encore une question générale : depuis combien de temps vis-tu en France ?

Quatre ans, mais j'en ai passé trois en tournée !

Quels sont tes endroits favoris pour écouter de la musique ?

Eh bien il y a un endroit où je vais tous les jeudis soir : au coin de la rue de Douai et de la rue Pigalle, un bar dont je ne me rappelle plus le nom. Ils passent de l'excellente musique le jeudi soir. Et puis évidemment des salles "normales". Il y a toujours des petits trucs à voir.



Tu as longtemps joué du rock, d'ailleurs tu es toujours une artiste rock même si tu t'essayes à d'autres genres avec cet EP, est-ce que tu dirais que la France est un pays rock ?

Eh bien, a priori, je dirais non. Quand je suis arrivée ici, je n'arrivais pas à trouver des vrais musiciens de rock qui n'étaient pas déjà surbookés. Enfin, je pense connaître la raison : c'est tellement cher de louer un endroit pour répéter. Quand je suis arrivée ici, j'ai abandonné le rock parce que je ne pouvais pas me permettre de dépenser autant d'argent pour quatre heures de répétitions. Je crois donc que c'est lié à l'environnement, qui est très différent de l'Australie ou de l'Amérique, où il y a plein d'endroits pour jouer de la musique.

Tu penses que c'est culturel ou seulement matériel ?

Je crois que c'est aussi culturel, mais il y a une vraie communauté rock ici, ça commence à prendre, maintenant, les gens veulent entendre ça. Mais je ne dirais pas que la France est la première nation pour le rock.

L'Australie pourrait l'être ?

L'Australie est rock, mais il y a beaucoup de rock ennuyeux. Ici, les gens sont très novateurs, ils font des trucs originaux, il y a tellement d'influences différentes : l'influence arabe, l'influence africaine, l'influence anglophone, la chanson française... Il y a tellement de choses qui se mélangent que ça produit une musique très intéressante.

Et ça t'inspire aussi, maintenant que tu vis ici ?

Oui, je n'aurais jamais écrit un album comme celui-ci si je n'avais pas habité en France. Je travaillais au vestiaire du café Ruc, près du Costes, je ne faisais qu'accrocher des manteaux, mais il y avait ce velours rouge partout, cet éclairage, cette ambiance... c'est comme ça que m'est venue la chanson Odile, je l'ai écrite là-bas, sur un petit carnet, juste à partir de ce que je ressentais dans cet endroit.



Tu parles très bien français, tu écris aussi en français...

Je n'ai écris qu'une chanson en français !

Comment ça t'est venu ?

J'étais à un concert, il y avait peut-être trois personnes dans le public, c'était un tout petit concert, et je me grattais la tête, je pense que j'avais les cheveux sales, et mon ami m'a demandé pourquoi je me grattais la tête comme ça, et j'ai répondu : "ah, j'ai des petites bêtes dans ma tête", et j'ai trouvé cette phrase pas mal. Alors j'ai commencé à écrire des paroles sur mon téléphone.

Donc c'est complètement par hasard...

Oui, je ne planifie pas vraiment mes chansons, c'est pour ça que j'aime le live, je trouve le studio trop contraignant : c'est très contrôlé, parce que tu peux toujours refaire les choses encore et encore et tu y perds de la spontanéité. J'aime écrire les choses sur l'instant, quand ce n'est pas contrôlé.

Donc tu te promènes toujours avec un petit carnet de notes sur toi ?

Oui, je prends des notes sur ce que les gens disent, quand je trouve une idée intéressante, et cet album a vraiment été fait comme ça : j'ai écrit des titres et j'ai décidé d'en faire des chansons.

Beaucoup de tes chansons parlent de sujets tristes, mais toujours sur une musique assez légère et gaie, alors je me demande : quand tu te sens triste, tu préfères écouter de la musique triste ou de la musique joyeuse ?

Je préfère écouter des trucs comme LCD Soundsystem ! [Rires] Si je mettais du Damian Rice, je crois que je sauterais par la fenêtre !

Je crois qu'il y a deux catégories de gens : ceux qui, quand ils sont tristes, écoutent de la musique triste, et ceux qui écoutent de la musique joyeuse. Moi, je suis comme toi, mais je crois qu'on est une minorité.

Je ne veux pas rester dans la tristesse ! [Rires]



Quelques questions courtes à propos de la musique live, maintenant. Quels sont tes meilleurs souvenirs de concerts auxquels tu as assisté ?

La première fois que je suis allée voir Charlie Winston à l'Olympia. L'ambiance à la fin du show était incroyable, j'ai vraiment vu toute la joie qui peut être générée par la musique... C'était vraiment génial.

Tu le connaissais déjà à ce moment-là ?

Oui, on s'était rencontré une ou deux semaines avant... Enfin voilà, ce concert m'a vraiment touché. Damian Rice, aussi : j'ai fait Glastonbury il y a quelques années et il jouait sur la même scène que moi, en acoustique, je ne l'avais jamais entendu avant. J'ai commencé à pleurer... c'était tellement beau. Maintenant, je ne peux plus l'écouter, mais sur le moment, c'était époustouflant. D'une manière générale, j'adore The Dø, j'adore voir Olivia sur scène. J'ai aussi vu Hindi Zahra en concert... J'aime à chaque fois qu'il y a vraiment une communion avec le public. Ce soir-là, il y avait aussi Gush, que j'ai adoré pour leur rigueur, leurs voix et j'ai vraiment été enthousiasmée par tout ça. Hindi Zahra, c'était plus en finesse... Et puis LCD Soundsystem ! C'est incroyable, ce chanteur a une super voix, ce qui ne s'entend pas forcément sur les albums. Y'en a quelques uns comme ça... Guns ‘n' Roses aussi, quand j'avais treize ans, c'était génial !

Oui, quand tu avais treize ans, c'était génial...

Non, mais 80.000 personnes et t'es au cinquième rang, c'est vraiment génial !

Est-ce qu'il y a un ou plusieurs artistes avec lesquels tu aimerais partager la scène ?

The Kills, j'aime bien, ça marcherait. J'ai eu la chance de partager la scène avec pas de gens que j'apprécie... Nine Inch Nails, ce serait amusant, juste pour voir ce que ça donnerait ! [Rires] Et puis Patti Smith.

Un artiste que tu rêverais de voir en concert... mais c'est trop tard, il est mort ?

Mais tous les artistes que je rêverais de voir en concert sont morts ! Pas tous, mais bon... Les plus évidents : Janis Joplin, Jimi Hendrix... Joe Cocker est toujours en vie, mais j'aurais voulu le voir il y a quarante ans. Pareil pour Santana. Tous : The Doors, Led Zeppelin, Pink Floyd, The Beatles... Velvet Underground, ce serait intéressant. Ils n'étaient pas tellement connus quand leur album est sorti, c'est venu après. Ce serait pas mal. Oh et The Kills ! Tu parlais des super concerts... The Kills étaient géniaux, il y a quelques années.

Ils tournent cette année...

Oui, ils étaient tellement bons. Mais c'est mieux quand tu ne connais pas encore, parce que quand tout le monde te dit que c'est génial, tu es forcément déçu, alors que quand c'est ta propre découverte, c'est fantastique.

Est-ce que c'est aussi pour ça que tu fais ces concerts sauvages dans Paris, pour laisser les gens te découvrir par hasard ?

Oui, le premier était dans le Jardin Potager, c'est un petit endroit caché, je savais que personne ne passerait là par hasard, mais c'était magique...



Tu as joué dans énormément d'endroits partout dans le monde, mais est-ce qu'il y a encore des festivals dans lesquels tu rêverais de te produire ?

J'aimerais faire Sziget une fois de plus. J'adore Sziget ! L'ambiance est incroyable, les loges sont sympas aussi, ils font de très bons massages ! [Rires] Et puis Glastonbury, aussi. J'y ai déjà joué quatre fois, mais j'aimerais y jouer encore... J'ai envie de jouer dans n'importe quel festival, je m'en fiche. Je veux jouer partout où les gens viennent pour écouter de la musique.

Il y en a quand-même des plus spécifiques que d'autres ?

Lolapalooza serait bien... Je n'en connais pas tellement, en fait, c'est plutôt des salles. La salle où je voulais absolument jouer, je l'ai faite l'an dernier : le Royal Albert Hall, à Londres. C'était l'endroit où je voulais jouer depuis que j'avais 18 ans.

Et à Paris ?

J'aimerais jouer dans les petites salles, j'aimerais jouer à l'Olympia, j'aimerais jouer au Trianon, j'aimerais jouer aux Folies Bergères... Vous avez un tas de très bonnes salles.

Tu pourrais faire une tournée des salles de Paris !

C'est une bonne idée ! Si l'album marche... [Rires]

Tu préfères les petites ou les grandes salles ?

Ca dépend vraiment du public, de l'ambiance. J'adore les grandes salles, j'adore le silence que tu peux obtenir dans une salle de 4.000 personnes quand tu commences à jouer une chanson très douce, qui touche tout le monde, et que personne ne parle...



Il est temps de passer aux trois dernières questions, qui sont un peu plus légères et décalées : en écoutant L'Exterminateur, je me suis demandé si c'était un moyen détourné de régler un compte avec les Beatles ? [beetles = scarabées]

Non, je n'ai jamais parlé avec Paul ou avec John Lennon, il n'y avait aucun compte à régler !

Qu'est-ce que tu aimerais que les gens fassent sur ta musique ?

[Rires] Ils font ce qu'ils veulent ! J'aime quand ils dansent, j'aime quand ils pleurent... je veux juste qu'ils ressentent quelque chose, même s'ils sont agacés, ça me va, mais il faut qu'ils ressentent quelque chose !

Ok, et ma toute dernière question : j'aimerais que mon interview arrive au top des recherches Google, est-ce que tu aurais une fausse rumeur sur toi-même ?

Quel genre de rumeur tu veux ?

Ce que tu veux...
Mais je ne suis pas connue, tout le monde s'en fiche ! [Rires]

Ca pourrait être le début, si tu as une très bonne rumeur sur toi-même, ça peut lancer ta carrière...

Je ne sais pas, je vais y réfléchir, je te réponds tout à l'heure, après le concert...

[Inutile de vous dire qu'on attend toujours la réponse !]


BONUS :

On retrouve Nadéah Cour des Petites Ecuries, dans le 10e arrondissement de Paris. Un petit attroupement s'est formé. La chanteuse ne devait pas jouer ce weekend, mais des gens sont venus exprès de Suisse, alors finalement, au pied levé, elle a décidé de répondre présent. Accompagnée de son guitariste et de Nicolas Tescari, compositeur de renom et producteur de l'EP, la jeune femme investit un bout de trottoir de cette ruelle peu fréquentée. Au milieu des passants et des enfants qui jouent au foot, le concert se met en place, devant un public qui s'agrandit peu à peu, même si la plupart des spectateurs sont des habitués, prévenus quelques heures plus tôt par Facebook. L'ambiance est bon enfant, Nadéah impressionne par une présence incroyable et un jeu de scène délirant, sans prétention et très entraînant. Des têtes émergent par les fenêtres au-dessus de la troupe, la liane australienne monte sur une poubelle, joue avec son public, aboie et fait une démonstration de tout son talent. Elle prend manifestement beaucoup de plaisir dans cet exercice peu commun (pour une artiste professionnelle) et il est difficile de ne pas partager son enthousiasme. Une vraie parenthèse ensoleillée dans la grisaille parisienne, un petit moment privilégié de musique et d'amusement. Une très belle initiative.


Un grand merci à Nadéah pour sa grande disponibilité, sa gentillesse et son enthousiasme.

Merci également à Pauline, chez Cinq7, pour le goûter-promo dans ses bureaux.


Si les questions sont nulles, adressez vos reproches à Fred Cazalis.

Si les photos sont ratées, c'est aussi de sa faute.

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