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Chronique de Concert

Country Teasers, Bulbul, Zaïmph, Charlie O.

Instants Chavirés, Montreuil 5 mai 2006

Critique écrite le par




J'aime cette salle. C'est petit. Un peu biscornu et casse-gueule. Le public semble être le même depuis plus de dix ans. Des habitués aux oreilles curieuses et résistantes. Les représentants de l'avant-garde musicale régulièrement programmés dans ce lieu aiment en effet jouer avec les limites de nos capacités auditives.





C'est le cas une nouvelle fois ce soir avec Zaïmph. Une jeune femme blonde et seule. Devant elle, une table couverte de boites à effets et des câbles pour relier les boites entre elles. La fille tient quelque chose dans sa bouche. Un micro, semble-t-il. Le micro est lui aussi relié à un câble. La combinaison des câbles, des boites et de l'air expiré par la bouche produit un bruit. Le genre de bruit qui nécessite le port de bouchons d'oreilles.





Bulbul est un trio autrichien. Leur musique peut elle aussi nécessiter le port de bouchons d'oreilles. Mais on peut en dire un peu plus. Par exemple, cela ressemble beaucoup à Shellac, le groupe de Steve Albini. C'est un hardcore lourd, puissant, qui prend le temps de soigner ses effets. La basse est saturée. Les musiciens sont aimables. C'est très frais. On retrouve le mélange de candeur et de lourdeur qui caractérise les Germaniques, mais appliqué ici au punk-rock. Ce n'est pas toujours très beau. Le chant, par exemple, est assez moche pour que je n'arrive pas à déterminer la langue utilisée. Mais l'énergie prend le dessus et je pense que l'ensemble du public a passé un bon moment.




Entre chaque changement de dispositif sur scène, Charlie O. intervenait depuis son orgue perché sur une étroite mezzanine au-dessus de l'entrée. Je crois ne pas risquer grand-chose en avançant que ce musicien a pris son pseudo en hommage à l'organiste, Charlie Oleg, qui éprouvait les connaissances musicales des candidats de Tournez Manège, une fort fameuse émission de télévision dont l'objet était, dans les années 80, de former des couples d'hommes et de femmes.





Tout au long de la soirée, Charlie O nous a gratifié d'une muzzak d'hôtel intercontinental dans un style assez proche de son ainé. Une soupape de décompression bienvenue après le bruit blond, le austro-hardcore et avant le péquenot punk.





J'en ai fait la découverte il y a peu. Les Country Teasers sont écossais. J'étais persuadé qu'ils étaient Américains. Je les ai d'abord connu via un album publié chez Fat Possum, un label du Mississipi connu pour avoir sorti du néant les vieux bluesmen RL Burnside, T-Model Ford et Junior Kimbrough, juste avant leur mise en bière. Sur Destroy all human life, les Country Teasers jouaient une musique de bastringue de western. C'est assez singulier. Cela pourrait postuler au titre de bande-son parfaite pour accompagner la lecture de l'intégrale de Lucky Luke. Un truc entraînant, avec du piano et une voix de canard. On y trouvait aussi des ambiances plus sombres et plus répétitives, mais avec toujours la voix de canard. D'eux, j'ai aussi Satan is real again, de 1996, un disque plus bruyant, plus rock qui s'ouvre par The wide-open beaver of Nashville, un de meilleurs morceaux d'ouverture que je connaisse. Je possède encore un troisième disque, Full moon empty sportsbag, plus récent, 2003, et bien plus affreux aussi, une collection de morceaux disparates qui ne méritaient ni d'être rassemblés et ni d'être publiés.





En cherchant de leurs nouvelles sur internet, j'ai donc appris, il y a peu, que ces types sont européens, des écossais, que leur leader, connu aussi sous l'identité artistique de The Rebel avoue être grandement influencé par Mark E. Smith de The Fall (chanteur réputé pour sa voix de canard), qu'un nouvel album doit paraître, The Empire strikes back et qu'une tournée était en cours.
Ils sont cinq. Un batteur, une bassiste, un guitariste, un guitariste/claviers et The Rebel, le chanteur, leader, guitariste, péquenot. Péquenot, c'est le seul qualificatif qui me vient pour décrire l'allure générale de cet individu. Non seulement, il est horriblement habillé avec cette tenue de camouflage et ce chapeau tout droit sorti d'une panoplie de cow-boy pour enfant de sept ans, mais en plus, son visage, sa manière d'évoluer dans l'espace, inspire autant de gêne et de pitié qu'un handicapé mental. Comme une preuve vivante des dangers de la consanguinité. Comme un soupçon que le nuage de Tchernobyl a aussi survolé l'Ecosse.





D'ailleurs, plusieurs irradiés sont en train de m'entourer. Une escouade de fans des Country Teasers s'est massée tout près de la scène. Comme souvent, les fans sont à l'image de leur idole. Ceux-ci sont irrémédiablement atteints. Il y en un qui essaie de tenir bon, bien accroché à sa canette de 8°6. Un autre étale son visage trempé de sueur sur ma barbe, tout en poussant de petits cris de plaisir. Un autre enfin crie : "bastardo !" "Bastardo", "bastardo", "bastardo", pendant tout le concert, il ne va cesser de répéter ce mot de politesse en direction du groupe. Tellement bien, que The Rebel finit par s'approcher de lui, gentiment, un franc sourire aux lèvres, pour lui faire répéter son bastardo afin d'essayer de comprendre le sens du message. Bastardo, ne figure pas a priori au répertoire des Country Teasers, ce n'est pas non plus le surnom d'un des membres du groupe. Non, il ne voit vraiment pas The Rebel ce que ce bastardo vient faire dans son concert. "Sorry, i don't understand ." Il repart à sa place attaquer le morceau suivant. L'échange, stérile, avec son artiste favori, n'aura aucune influence sur le fan qui continuera à ponctuer le concert de ces bastardo tonitruants.





Moi-même, je n'ai pas compris le sens du bastardo, pas plus que je n'ai compris l'hystérie collective qui a gagné les premiers rangs au fil de ce concert chaotique. Certes, la musique était plutôt très bonne, plutôt rock'n'roll, ça jouait fort, dans le rouge, mais les musiciens étaient totalement absents. On aurait dit qu'ils en étaient à la 51ème semaine d'une tournée de 40 semaines, à des milliers de kilomètres de quelque chose ressemblant à leur civilisation d'origine. Ils jouaient avec autant de plaisir et de générosité que s'ils avaient été réquisitionnés de force pour divertir l'armée qui a volé, violé, tué leurs pères et mères. La bassiste faisait la gueule. Le guitariste regardait ses pompes. Le batteur baillait. Et puis, il y avait le joueur de clavier qui était incapable de se servir de son instrument. Il ne pouvait pas commencer une chanson avant que The Rebel ne lui ait montré sur quelles touches appuyer. Un bien triste spectacle. Pas de quoi déchaîner les masses.

Et pourtant si, elles l'étaient, déchaînées. Ce soir, pour la première fois, j'ai été chaviré aux Instants chavirés. Pris entre deux pogos, et deux rangs de viandes saoules, je me suis ramassé plus d'une fois sur le devant de la scène. D'humeur bougonne car je m'étais retourné un ongle plus tôt dans la journée, je n'ai pas apprécié à sa juste valeur ce grand moment de communion. Au lieu d'ouvrir mes bras à mes camarades, j'ai retourné plusieurs coups de pied et coups de coude. Les gars n'étaient pas vraiment méchants et cela n'a heureusement pas dégénéré.
Les musiciens, quant à eux, sont restés indifférents à ce qui se passait sous leurs yeux. Tout juste, un haussement de sourcil quand deux retours ont valdingué. Ils ont joué leur setlist. Ni plus, ni moins. Un mélange de nouveaux et d'anciens morceaux, avec par exemple Little black clouds et sa spirale de claviers qui a déclenché un gros coup de chaud dans le public. Cette ferveur ne sera pas remerciée. Les cris et les protestations n'y feront rien. Pas de rappel. Sans blague.

PS: si Bastardo ne figure pas en effet dans le répertoire des Country Teasers, Hey Bastardo est le titre d'une "chanson" de The Fall sur l'album Are you are missing winner ?

 Critique écrite le 10 mai 2006 par Bastardo Lasseguette


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