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Chronique de Concert

Orchestre de chambre de Lausanne

Festival de la Roque d'Antheron 21 août 2005

Critique écrite le par

Bon, je sais, ce n'est pas vraiment ici où l'on parle de musique classique...Mais quand on vit un moment extraordinaire, difficile de se le garder pour soi...

Donc profitant d'une invitation au festival international de piano de la Roque d'Antheron (au Nord du département des Bouches-du-Rhône), je me rends dimanche soir dans ce village paisible pour un concert dont la seule chose que je sais concerne l'auteur des partitions, Beethoven...

Evidemment, je ne suis absoluement pas spécialiste de la chose...C'est même mon premier concert classique de ma vie (faut bien commencer, hein)...

Le festival fête cette année ses 25 ans. Dans le somptueux parc du château de Florans, la scène est installée sur un bassin d'eau devant une tribune d'au moins 1 000 places. La classe.

On arrive tout juste au début du concert, quand l'orchestre de 50 musiciens, tous habillés de noir, entrent en scène...Quelques goutelettes suffisent pour les organisateurs distribuent à tout va des K-way en plastique et voilà que cette assistance plutôt guindée se transforme en quelques minutes en de multiples capotes durex...La pluie n'a même pas eu le temps de tomber qu'elle s'est arrêtée...mais le concert commence, alors tout le monde garde la popeline en plastique....Effet imparable, je me sens rieur et détendu.

Arrive alors en scène Christian Zacharias, le chef d'orchestre, en pantalon noir et liquette blanche...Diable, un rebelle...le grand bonhomme se campe les jambes écartées comme un bassiste de rock devant son orchestre et sans pupitre, le voilà qui déclenche les hostilités.

7 extraits des "créatures de Prométhées" (je ne l'ai pas reconnu, c'était marqué dans le programme) sur lesquels je me garderais bien de donner un avis muscial...

Mais enfin, je suis resté scotché, en apesanteur devant cet homme, cet orchestre et cette musique qui m'a parlé aux tripes et au coeur.

Zacharias a des gestes monumentaux, tout son corps bouge avec la musique, il y a une vrai harmonie avec ses musiciens qui ont tous la banane (sauf le trompettiste, dans ma ligne de mire, qui s'ennuie ferme, lui qui n'a que quelques notes à débiter en une heure).

Mes yeux se fixent sur les doigts des musiciens à cordes qui enchaînent à une vitesse folle des notes vertigineuses...Un vrai supplice à voir pour tout ceux qui ont commencé la gratte et se sont tiré les cheveux pour passer deux accords de base...

Arrive l'entracte en un souffle...le public n'applaudit pas entre les extraits, juste à la fin. Le protocole...

On se dégourdit les jambes dans le parc et pouf, on tombe backstage (en fait il n'y en a pas)...Les musiciens, qui ont emporté leurs instruments, rigolent joyeusement derrière la scène avec le public...

En fait, c'est assez cool la Roque, on ne se sent absolument pas marginal...La vision de quelques specateurs en jogging et baskets finit par nous décoincer et on retourne, à la cloche, s'assoir pour écouter la suite...

Soit Le concerto pour piano et orchestre n°5 en mi bémol majeur (Le solfège, y a pas à dire, ça impose...merci le programme)

Les mêmes reviennent sur scène, mais au mileu de l'orchestre trône désormais un piano à queue monumental...Zacharias revient...et on se demande bien ce qu'il va se passer...Et là, ça dépasse l'entendement (enfin le mien...)

Il lance l'orchestre debout, s'assoit (il nous fait dos) et se lance au piano, sans partition. Puis, soudain, il arrête, se lève et lance les cordes...J'ai pas pu m'empêcher de lâcher un "Putain" que l'assistance silencieuse à du entendre...

Incroyable ce Zacharias...Une énergie impressionnante, une mastria dans les descentes et les montées du piano et hop, je me lève et je dirige l'orchestre...Enfin, plutôt, je stimule les musiciens, je leur fait passer l'adrénaline de la partition, je leur insuffle du mouvement...

La seconde partie dure moins longtemps (peut être 30 minutes), mais c'est hallucinant de fougue et de maîtrise...

Je reste encore scotcher sur mon siège par cette musique envoûtante livrée avec tant de précision et de puissance.

Le public ne s'y trompe pas. 5 ou 6 rappels à la fin, des gens debout, des bis qui descendent de la tribune...

Zacharias, pas avare, et l'orchestre nous délivre un dernier morceau (euh, là désolé, c'est pas marqué sur le programme...)...

Enfin bref, à 23H30, on ressort du Parc étourdi par cette découverte : la musique classique en live, c'est vraiment épatant...La Roque, c'est vraiment sympa et Zacharias, c'est vraiment une putain de rock star...

Seul bémol (j'ai pas résisté...) : Le parc est somptueux, la scène est maginifique, mais les sandwichs sodebo et le vin gelé, c'est vraiment nul...