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Chronique de Concert

Bratsch

Bratsch en concert

Ciné 89 - Berre l'Etang 27 Janvier 2011

Critique écrite le 03 février 2011 par Ysabel

Bratsch, dignes représentants du jazz manouche et même inspirateurs du genre, s'il en est, nous ont donné la chance de les rencontrer avant leur concert de Berre l'Etang (donné dans le cadre d'une soirée spéciale L'Energie Des Balkans orchestrée par Patrick Veyron au Ciné 89). Ce concert va nous permettre de découvrir leur nouvel album, encore en cours d'élaboration, dont les titres vont de mêler à d'autres, plus anciens, toujours dans la même inspiration de musique du monde.



Nous avons donc tout d'abord eu la chance d'assister aux balances en fin d'après midi. Et à cette occasion nous avons fait connaissance de Pierre : l'ingénieur du son le plus fun de la région PACA !!
C'est Pierre Jacquet qui va monter sur scène en premier. Il prend ses marques en nous offrant un petit tête à tête avec sa contrebasse.
Puis Bruno Girard arrive en menaçant de sucrer la paye de la régie sous prétexte qu'on se marre tous du fait qu'il ait oublié son archet (juste un peu gênant pour un violoniste !!). Il lance à Pierre (du son) ... "Et tu fais quoi comme métier déjà ?" ... "J'suis cariste mais les fins de mois sont difficiles, alors je viens les arrondir ici !!"



Et il enchaîne "Et un nouveau participant à notre radio-crochet .... Nano Peylet !!". Mais celui-ci se plaint que le grave de sa clarinette soit un peu "Stromboli" ... "Enfin je ne sais pas si je me fais bien comprendre ...". Stoïque, notre ingénieur son fait le nécessaire.
Viendra ensuite François Castiello qui veut savoir s'il y a eu des progrès ! Et puis "J'aime pas ta reverb !" ... Ce à quoi l'accordéoniste se voit répondre : "Normal, tu n'en as pas hé banane !!"
Bref, un pur moment de joie qui sera clôturé par Dan Gharibian ... Oh pardon : Misié Dan !! Qui va nous offrir quelques notes de guitare, comme ça, l'air de rien.



Puis, nous allons avoir la chance de retrouver Bruno, Dan et Nano à la suite de ces savoureuses balances, pour une petite interview sans prétention et sans façon, sur un coin de table. Ils vont nous présenter leur nouvel album Urban Bratsch, dont ils vont nous interpréter une partie ce soir. C'est leur choix de jouer sur cette petite prise de risque pour tester la réaction du public à leurs nouvelles créations, pour certaines encore en cours d'enregistrement.
Mais leur tournée comprend également des représentations d'un autre spectacle, nommé Orient Mon Amour, qui met en scène 17 musiciens en plus de Bratsch. Hommage au poète irakien Salah Al Hamdani, qui a dû fuir son pays après y avoir été condamné à mort. Ces poèmes sont parfois lus ou bien chantés par Kamilya Jubran, chanteuse palestinienne, exilée volontaire afin de laisser libre court à son art et à sa créativité. Mais ces concerts nécessitent de jouir de grandes salles, pouvant accueillir tous ces artistes.
Ce soir, c'est dans le cadre d'une soirée Ciné/Concert que nous allons avoir le plaisir de les écouter. Leur répertoire est composé de thèmes traditionnels qu'ils reprennent et remanient selon leurs envies. Tout n'est pas toujours écrit et les morceaux évoluent au fur et à mesure qu'ils sont joués. C'est cette transformation, l'adaptation de l'écriture selon leur inspiration, cette recherche de l'émotion qui donnent toute cette dimension humaine à leur musique.
Je ne peux m'empêcher de leur demander s'ils connaissent encore la peur de la scène et le trac (après 30 ou 40 ans de complicité pour certains d'entre eux !). Mais si ... La peur peut venir de la fragilisation de leur équilibre. Un plantage de l'un d'eux peut mettre les autres mal alaises et perturber un morceau entier.
Pour ce qui est du choix des airs qu'ils interprètent et réécrivent, il vient souvent de l'envie de l'un d'entre eux, au départ. Chacun ayant une origine et un parcours différent (même s'ils sont en harmonie), cela leur permet d'exprimer ensuite la résonance que le morceaux peut avoir en chacun d'eux. Parce qu'ils racontent tous une histoire de vie. Parfois, ils conservent la langue d'origine, parfois il en choisissent une autre (ce qui peut totalement en changer l'histoire d'ailleurs !).



Ils vont également évoquer leur dernier album Plein Du Monde, fait uniquement de duos. Et ils ont eu beaucoup de plaisir à réaliser ce qui, au départ, était une idée de prod. Ils se sont rendu compte qu'ils en avaient inspiré plus d'un (comme Olivia Ruiz, Sanseverino ou La Rue Kétanou) et on beaucoup aimé faire les quatre concerts, qui les réunissaient presque tous, à La Cigale à Paris. Une grande partie du public les connaissaient et ils se sont rendu compte du côté très inter-générationnel de celui-ci. Il y a, depuis quelques temps, il est vrai, un véritable retour du style manouche, de la musique balkanique et tzigane. Les USA eux même viennent à ce qu'ils appellent le "Jazz à la française". Beaucoup de musiciens de l'Est s'expatrient pour venir jouer en France et ailleurs. Et qui mieux que Bratsch peut redonner ses lettres de noblesse à ce mouvement qui ne peut laisser aucune oreille indifférente. Alors ils tournent, ils tournent (beaucoup en Allemagne & en France). Leurs tournées ne sont pas très longues mais plutôt fréquentes .... Ce qui ne vous laisse aucune excuse de ne pas aller les voir un de ces jours, si ce n'est déjà fait !



La soirée du Ciné 89 se déroule donc en deux volets, avec, en première partie de soirée, la projection d'un film d'Emir Kusturica : Super 8 Stories. Une petite scène est installée au pied de l'écran blanc. Film terminé, c'est Patrick Veyron (instigateur de la soirée) qui va nous présenter les cinq extraordinaires musiciens de Bratsch.
Dès les premières notes, il est évident que leur formation apporte le parfait accord musical. Ils se lèvent alternativement, les instruments se répondent et ce premier morceaux ne sera que musical. Le violon a toujours la part belle dans ce genre de musique. Ça va vite, ça tourbillonne et 1000 images défilent devant nos yeux. C'est joué avec passion et virtuosité : un véritable moment de bonheur.



Quand François chante, la musique se fait plus nostalgique et un peu sentimentale. Il part seul, puis les autres vont entrer un à un dans la danse. Je ne comprends pas les paroles, mais ce sont des musiques universelles, qui parlent à chacun d'entre nous et l'émotion que l'on ressent met elle-même des mots sur la musique.

Lorsque l'un ou l'autre ne joue pas, il écoute les autres les yeux mi-clos. Et lorsqu'ils chantent tous ensemble, avec juste ce qu'il faut de dissonance pour donner le contraste nécessaire, ce choeur d'homme dégage une émotion incroyable, à vous en donner des frissons !

Cette fois-ci, c'est Dan qui va partir en chantant seul. C'est un peu plus jazzy ... Du jazz à la française comme dit Bruno ;)
Et Dan à la guitare : c'est juste un petit bijou ... Sans parler des duos accordéon / violon qui nous entrainent dans une musique tzigane terriblement entrainante et rapide. C'est incroyablement festif et la maestria des musiciens prends réellement toute son ampleur sur des morceau comme ça. Perso, je "vois" des filles danser devant eux.



Bruno est seul à présent dans la lumière. Il joue du violon sans archet. Sa voix grave est fascinante et occupe l'espace sonore d'une manière très particulière. Il fait passer une émotion palpable.

En fait, de part leur diversité d'inspirations et la largeur de leur répertoire, tous ces morceaux, qui ont pourtant une unité, sont très variés. Et puis, ils se connaissent tous les cinq par coeur : en un regard ils sont complètement au diapason et n'ont besoin de rien pour se comprendre. Ils démarrent Paris sur un délire guttural. C'est un détournement musical absolument génial qui fini à toute berzingue, avec le point final lancé par Bruno : Sacré Papa ! J'ai adoré ce morceau.
Mais aussi une autre mention spéciale pour RER C, chantée par Nano, avec sa toute petite voix et un thème musical un peu plus oriental.
J'aime beaucoup ce système qui consiste à mettre en quelque sorte les quatre autres au service de celui qui chante (et ce, à tour de rôle). Cela donne un rythme absolument parfait à leur tour de chant.

Et puis, ils savent nous surprendre aussi .... On est dans la pénombre, toujours dans l'oriental, avec Nano à la clarinette .... Et hop ! les lumières se rallument et on repart dans un tourbillon tzigane !! C'est incroyable la capacité qu'a cette musique de faire voyager et de pouvoir vous faire basculer en quelques notes du rire aux larmes.



Ils vont terminer le set sur une chanson plutôt nostalgique au départ, qu'ils chantent tous les quatre (et oui, Pierre est toujours un peu en retrait, coincé par son instrument !) et, encore une fois, cela se termine par une pétillante poursuite, les instruments allant plus vite les uns que les autres (à la slave), avec le public qui tente de suivre en frappant dans les mains.

Juste avant le rappel (non mais, ils ne croyaient pas s'en sortir comme ça quand même !!) Nano nous fais la promo la plus pourrie de toute l'histoire de la promo : "Mesdames et Mesdemoiselles, si vous voulez des CD, enfin un ou deux, mais pas plus ... Ben on en a !"
Et nous allons avoir droit à un Johnny .... Tu n'es pas un ange ... Façon balkan, d'un autre monde ! Comme quoi, tout est possible !!
Mais il faut savoir que c'est en fait une mélodie tzigane à la base, sur laquelle des paroles ont été écrites pour Edith Piaf.

Nous allons finir en beauté (à l'image du concert, tout simplement). Ils vont se répondre, parfois face à face, comme dans un dialogue musical fait de regards merveilleux de complicité. Nano est si content de sa note tenue qu'il en embrasse sa clarinette. Ils font durer le morceau et le plaisir jusqu'à avoir toute la salle debout.

Ce fut une après-midi et une soirée fantastique .... Merci à vous Bratsch.




Setlist
Carambole
C'est Maintenant
Avreml Der Marvikher
Sirba De Joc Din Constantsa
Hora Stoican
On Lui En Veut Pas Non
Na Mi Naz Ouni
Bei Mir Bist Du Shein
Siyale
Garoïpar
Mir Geyen
Chiar Daca Da Ne Decaz
Taves Bartalo
RER C
Odessa Bulgar
Nie Bouditie
Aven Nachass Tussa
Fuego
Nous Chantons
Roumskat

Johnny
Rabiz

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