Accueil Chronique album : Justin Hurwitz - La La Land (Bande Originale du Film), par Philippe
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Critique d'album

Justin Hurwitz : "La La Land (Bande Originale du Film)"

Justin Hurwitz :

Pop - Rock

Critique écrite le 08 mars 2017 par Philippe

Carton annoncé, la comédie musicale La La Land méritait en effet tous ces superlatifs qui l'ont précédée, tant le film est un enchantement pour les yeux, les oreilles, une prouesse dans toutes les disciplines artistiques possibles sur la forme, et une histoire plus subtile qu'il n'y paraît sur le fond ! Est-il utile de parler de sa bande originale ? Pourquoi pas... Après tout s'agissant d'un musical, rien n'empêche d'imaginer le voir un jour sur une prestigieuse scène française ? On peut rêver, on doit rêver, c'est même l'un des thèmes centraux du film ! Bien sûr, il faudrait alors y réunir idéalement le même casting, à savoir les également éblouissants Ryan Gosling & Emma Stone, pour retrouver le charme très spécial de leur alchimie. Si on n'ignorait rien du parcours d'un magnifique acteur au top de sa forme depuis Drive (ainsi que réalisateur injustement décrié pour un thriller pas mal du tout, Lost River), on avouera avoir découvert qu'il pouvait très bien chanter et même, nous terrasser par son jeu de piano ! Et surtout, La La Land est un écrin merveilleux pour le charme piquant de la petite rouquine et pour sa voix magnifique, à peine couverte d'un voile délicat, une de celles qui vous font transpirer de la moustache, comme dirait l'autre...
En attendant ce jour hélas encore hypothétique, cette B.O.F. réussit le tour de force de rassembler en 45 minutes absolument tous les morceaux de bravoure du film, à commencer par son hallucinant plan-séquence originel, coincé dans un bouchon (Another Day of Sun). Où l'on semble choisir presque au hasard, parmi les dizaines d'aspirant.e.s à la célébrité qui grouillent à Hollywood, la voiture de Mia au moment précis où elle adresse un "fuck" vengeur à Sebastian en train de la klaxonner. Puis la préparation de cette folle soirée, où chacune de ses colocs espère renconter la bonne personne pour sa carrière, Someone in the Crowd - chorégraphie splendide où l'on voit (entre des tas d'autres choses folles) 4 filles réussir la prouesse de courir en stilettos, non seulement sans se casser la gueule, mais tout en restant incroyablement gracieuses... Et toujours, dans la phase incertaine de l'ascension vers le succès, la splendide ballade City of Stars, joyeuse et mélancolique tout à la fois. Los Angeles, car c'est elle (jamais nommée, sauf erreur), chacun.e est content.e d'y être, mais chacun.e en bave pour y percer... Ballade réinterprétée délicieusement plus loin en duo, et avec des débuts de fou-rires inclus comme dans le film, par les deux aspirants en parfaite harmonie, autour d'un piano délicat.

[Attention, spoiler alert à partir d'ici!] On entendra aussi Start a Fire, le titre de soul grand public et un peu parodique qui doit permettre à Sebastian de gagner assez d'argent pour réaliser son rêve : ouvrir un club de jazz... Et puis quelques plages instrumentales comme le be-bop effréné de Herman's habit où s'ébrouent de magnifiques trompettistes que le garçon, enthousiaste, a emmené la fille, sceptique, écouter et voir. Elle qui, comme nous, croyait ne pas aimer le jazz avant d'avoir vu le film... Et enfin, le morceau d'Audition qui va enfin propulser la jeune actrice au firmament - un titre à la montée d'émotion poignante, une de ces rares chansons qui peuvent vraiment vous aider, les jours où votre vie est moche, dédiée à celles et ceux à qui le coeur fait mal... Et parallèlement à cette courbe ascendante vers le succès, la B.O.F. retrace l'autre courbe (de Gauss, hélas) de l'histoire d'amour des protagonistes, à commencer par le pétage de plomb du pianiste dans un restaurant où personne ne l'écoute, et également première vraie rencontre, A Lovely Night. Traverse en virevoltant la valse très "Singing in the Rain" Planétarium, où les amoureux se trouveront enfin, après avoir dansé dans les étoiles...
Ralentit délicatement sur Engagement Party, un titre uniquement joué au piano qui annonce déjà, des lendemains plus compliqués que prévu... Atterrit enfin en Epilogue, des années après, en reprenant le Mia & Sebastian's Theme des débuts, celui du coup de foudre originel, de cette bouleversante histoire d'amour manquée, vite rattrapée par un ton plus joyeux, un orchestre entier qui nous rappelle (en repassant dans le planetarium) que a) tout ça n'est que du cinéma, que b) en plus c'est une comédie musicale pétillante mais que quand même, c) les histoires d'amour finissent mal, en général... Ce long morceau illustre évidemment la séquence finale, celle des retrouvailles muettes, celle des possibles manqués, scène où seule une brute sans coeur, un australopithèque cannibale - ou à la limite un supporter de François Fillon - n'écraserait pas une larme...
Le générique final nous raccompagne enfin vers la sortie, les yeux embués, en nous rappelant sur de délicats murmures d'Emma pour finir que d) cette histoire ne pouvait évidemment arriver que dans la City of Stars qui lui sert de décor, de ville comme de scène, dans la plus grande fabrique de rêves du monde... La force de cette B.O.F., vraiment géniale de bout en bout, est qu'on y trouve, non pas 1 comme d'habitude, 2 dans le meilleur des cas... mais bien 3 ou 4 thèmes musicaux vraiment forts, signés par un certain Justin Hurwitz (City of Stars, Audition, Planetarium, M & S's theme...), thèmes qui vous resteront dans l'oreille longtemps après avoir regagné votre quotidien probablement un peu moins coloré... Après son premier film, l'également prodigieux et musical Whiplash, espérons que le surdoué Damien Chazelle en a encore sous la pédale après La La Land, car il faut bien avouer que ces deux films incroyables resteront autant dans l'histoire de la musique, que dans celle du cinéma...
(2017)
Vignette Philippe

 Critique écrite le 08 mars 2017 par Philippe
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