Accueil Chronique album : Sixto Rodriguez - Searching For Sugar Man (B.O.F.), par Philippe
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Critique d'album

Sixto Rodriguez : "Searching For Sugar Man (B.O.F.)"

Sixto Rodriguez :

Pop - Rock

Critique écrite le 15 février 2013 par Philippe

Avant même l'ère du piratage informatique, dans l'industrie de la musique du 20ième siècle, c'est bien connu, les chausse-trappes furent nombreuses : mauvais timing, mauvais producteur, mauvaise distribution, plus généralement malchance... On ne compte plus les artistes-qui-auraient-du-percer, vénérés par une poignée de fans dans le meilleur des cas, totalement oubliés sinon : beaucoup d'entre eux ont avalé leur bulletin de naissance bien avant d'être reconnus, même en tant qu'artistes maudits ! Et de temps en temps, une belle histoire, notamment par l'effet de loupe du cinéma, permet à certains d'entre eux d'exploser avant qu'il ne soit trop tard. Ainsi pour le film Dig ! qui, bien qu'il s'en défende, a fait du loser mégalo Anton Newcombe une star, ainsi pour le film Anvil qui a sorti de la galère une bande de valeureux metalleux historiques du même nom, restés sur le quai du train qui avait emmené Metallica et consorts vers la fortune et la gloire...
Il en va de même avec le folk-singer Sixto Rodriguez, exhumé par un processus pratiquement miraculeux (et admirablement retracé dans le film Searching for Sugar Man) : sorti au mauvais moment aux USA en 1970 (peut-être l'année la plus chargée de tous les temps en sortie de disques historiques !), en compétition avec le crooner Bill Withers dans la même écurie, trop ... latino peut-être (quelqu'un peut nous citer une star latino qui ait explosé en pop ou en folk dans les 70's ?), Sixto Rodriguez a fait un flop retentissant, son deuxième disque chiffré à 6 exemplaires vendus aux USA par son producteur de l'époque. Et pourtant, sa musique arrivée par hasard en Afrique du Sud, y a envahi les ondes et les coeurs encore plus efficacement qu'une MST virulente, grâce à ses paroles rebelles qui se trouvèrent parfaitement en écho avec le mouvement anti-apartheid - chez les afrikaners blancs aussi bien que chez les africains. On parle ici de 500 000 copies écoulées !
Evidemment en parlant de copies, on comprend aisément qu'une partie n'a pas été achetée mais même pour l'autre - les ventes officielles - avec la chanson sur la drogue Sugar man censurée manuellement au couteau ! - l'argent n'est jamais arrivé à l'auteur (après avoir visionné le film, chacun pourra se faire une idée de qui se l'est sans doute mis dans les fouilles). Le plus étonnant est que Rodriguez n'en ait jamais rien su, jusqu'à ce qu'à la fin des années '90, deux journalistes aient voulu remonter la piste de son prétendu suicide sur scène... avant de le découvrir bien vivant, à Detroit, dans la même maison et avec le même travail d'ouvrier du bâtiment qu'il y a 40 ans ! Scoop du film, ce n'en est plus vraiment un à présent (il a des concerts annoncés sur concertandco et même déjà une chronique de concert donné en France en 2009 !). Et les journalistes d'emmener le gaillard, toujours bon pied bon oeil, récolter enfin sur scène à Johannesburg en 1998 le fruit de sa légende, devant un public le regardant comme Elvis Presley réincarné... Scène d'anthologie, évidemment très émouvante, à découvrir en salle absolument pour les ciné-musicophiles !
Entendons-nous bien : sur les 2 albums publiés à l'époque, tout n'est pas inoubliable, aussi cette B.O. du film Searching for Sugar Man, composée uniquement des meilleurs titres de l'artiste, suffit probablement à s'approprier ses chansons les plus abouties, quand bien même on réédite évidemment, et opportunément, ses deux vinyles dans tous les bacs. 14 chansons, admirablement chantées et produites (on pense à Dylan, à Van Morrison, etc.), mais aussi admirablement écrites ! Citons juste les magnifiques Sugar Man et Can't Get Away (mais comment a-t'on pu passer à côté de telles splendeurs ?!), les bouleversantes Cause et Sandrevan Lullaby, les caustiques & drôles I Wonder & A Most Disgusting Song...
Mais aussi l'engagée, rebelle, écolo (et toujours pertinente 43 ans après) Anti-Establishement Blues, et la surréaliste I'll Slip Away où le chanteur annonce prémonitoirement sa disparition à venir des radars... Tout est décidément fou dans cette histoire qui finit bien, et notamment pour les heureux auditeurs que nous sommes : les amateurs de la musique de cette époque auront, grâce à ce film et sa bande originale, l'impression tout à fait justifiée d'exhumer un trésor enfoui ! Pour boucler la boucle, il n'y aura plus qu'à aller écouter bientôt sur scène le vénérable chanteur, aux allures de vieux sage indien...

(2013)
Vignette Philippe

 Critique écrite le 15 février 2013 par Philippe
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