Accueil Chronique de concert Kate Fletcher + Dunkelheit
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Chronique de Concert

Kate Fletcher + Dunkelheit

Kate Fletcher + Dunkelheit en concert

Atelier Hasard Carnot, Brest 2 avril 2016

Critique écrite le par

Depuis septembre dernier et mon installation à Brest, les rencontres passent notamment par l'excellent disquaire Bad Seeds Recordshop, où vous ne trouverez aucun album de Led Zeppelin. S'y déroulent moult expositions et concerts, des " showcases " comme on le dit parfois lorsqu'on veut souligner l'absence de la sainte scène sous les pieds des musiciens, comme si c'était un peu moins des concerts que, je ne sais pas, d'autres concerts. Et de là, puisqu'il me fallait un point de départ, je rayonne pour explorer une ville et ses lieux, ses artistes, souvent perdu tellement il y a à écouter, à découvrir, des histoires, des disques, des gens.
Ça intimide.




Un matin, Pli, un copain de Marseille, m'annonce qu'il est à Brest avec son amie qui joue le soir même. Ça tombe bien, j'ai reçu sur Facebook une invitation à écouter Kate Fletcher au shop à 18 heures, ambiance dronesque annoncée, ça pourrait lui plaire. Après quelques emplettes avec ma compagne, des affaires d'anniversaire, nous nous rejoignons. Il se trouve que l'amie en question est Kate, qui vient, épuisée, d'annuler le passage à Bad Seeds pour assurer celui à l'Atelier Hasard Carnot, en plein festival. Coïncidence, amusement, apéritif.

Descendus à l'Atelier, nous assistons à la première partie, Dunkelheit, qui n'épargne pas l'ennui : par-dessus une bande diffusant des nappes peu originales quoique élégantes, Dunkelheit triture divers objets devant son micro, effleure un vieux Casio, lit ou récite. L'effet sans doute recherché, la claustrophobie, est atteint et me laisse en dehors tandis que les bières tintent dans les conversations.

On regrette l'absence de tapis avant de nous asseoir sur le béton, accompagnés par une bonne partie des présents. Kate Fletcher lance un drone unique, travaillant d'abord des boucles de violoncelle effleuré sur lesquelles elle chante. Ayant lu le mot " raga ", on songe aux épopées nocturnes de Terry Riley et La Monte Young, à Pandit Prân Nath, à ceci près que le matériau exploré par Kate dans son improvisation ne reprend pas strictement celui de ces anciens, et c'est heureux. Les modes envisagés, entrouverts en une ou deux occasions par des quarts de ton dans sa voix, évoquent surtout un folk britannique ralenti en incantations plus narratives qu'hypnotiques. Peu dans l'assistance sont prêts à s'abandonner durablement à quiconque sinon Bacchus, mais cet aspect de la musique de Kate, privilégiant le dialogue à la révélation, suscite l'attention jusqu'au bout du morceau. Les coulées d'harmonium, les éléments rythmiques, les souffles du micro et les enregistrements de terrain, tout est tenu et en même temps libre, laissé à l'usage et au vouloir, une petite heure passant comme un rêve et ses contours en échos.
Applaudissements, puis Kate et Pli entament un duo violoncelle et saxophone soprano. Pli, ayant roulé sa bosse notamment à l'improvisation libre, a mangé beaucoup de jazz ces derniers mois, ce qui s'entend avec plaisir : les deux musiciens s'acheminent l'un l'autre sur un terrain accidenté, comme s'ils nous jouaient une discussion en cours dont nous aurions manqué le début et dont la fin devait nous échapper, un épisode isolé mais stimulant, quelque chose en train de se passer.

Un court débriefing suit avec les camarades rencontrés avant que nous ne nous éclipsions en compagnie d'un détestable " Leffe tombé les filles " vissé au cerveau, heureux.



Kate Fletcher est aussi plasticienne, ses œuvres peuvent se trouver par ici :
https://katefletchers.blogspot.fr/

Et pour écouter, c'est ici :
https://katefletcher.bandcamp.com/