Accueil Chronique de concert Khatia Buniatishvili (Festival de Piano de La Roque d'Anthéron)
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Chronique de Concert

Khatia Buniatishvili (Festival de Piano de La Roque d'Anthéron)

Khatia Buniatishvili (Festival de Piano de La Roque d'Anthéron) en concert

Parc du Chateau de Florans, La Roque d'Anthéron 5 août 2021

Critique écrite le par

Quand on a annoncé à des ami.e.s qu'on irait au Festival International de Piano de la Roque d'Anthéron, pour voir un récital de Khatia Buniatishvili, la plupart a simplement répondu vaguement : "Hein ?! Qui ça ?". Et puis chez l'un d'entre eux, l'oeil s'est allumé d'un éclat vif et il a dit " Ah ouais ? Petit coquin, va !". Il faut croire qu'il nous a cru assez vil pour aller voir cette pianiste principalement sur la base de son apparence physique. J'aurais pu jouer la parfaite mauvaise foi et rappeler qu'on y avait déjà été voir, à Gordes en 2019, un certain Jean-Philippe Collard (excellent moment !), et donc qu'on y retournait pour le simple plaisir d'entendre résonner un beau Steinway & Sons à queue, à la fraîche sous les étoiles...

Mais il faut bien avouer que la grande sensualité de la pianiste quand elle joue, nous avait quand même tapé dans l'oeil, à mon Amoureuse et moi. Pour en finir avec le (hors-)sujet : ce soir-là l'interprète était un peu comme un double en négatif de Marilyn Monroe : robe noire, cheveux bruns mais pour le reste, à peu près le même physique plantureux, coiffure et décolleté compris... gargl. Pas de photos présentables, et d'ailleurs c'était interdit, mais le web regorge de photos d'elles si besoin, cliquer par ici... Alors parlons plutôt de musique ! Le Parc du Chateau de Florans est donc le site principal du Festival, et on y commence la soirée en pique-niquant agréablement (et gratuitement !) sous des magnifiques séquoias centenaires.

Puis on gagne un grand auditorium de plein air (environ 1 000 places ?), après présentation d'un pass sanitaire. Bien évidemment tout le monde s'y prête sans soucis, et on peut ajouter que vu la couleur dominante des cheveux du public, très blancs, c'est une précaution de bon aloi, tout comme de garder les masques ! La scène flotte au dessus d'une pièce d'eau, paraît-il pour le son - et on est donc séparé d'elle par une douve. Pas trop mal assis, grâce à une petite mousse sur chaque siège, et pas trop piqués non plus, grâce à des escadrilles de libellules, manifestement chargées d'exterminer bénévolement les moustiques. Une très belle qualité d'écoute et de silence, avec un public composé d'habitués qui semblent tous se connaître, ou presque.

Absolument seule au piano donc, et non amplifiée, Khatia Buniatishvili va interpréter ce soir un récital en forme de best-of personnel (beaucoup de ces titres sont visibles sur Youtube, c'est d'ailleurs une expérience conseillée !). Une set-list assez grand public - on a reconnu, au moins un peu, les 9/10 ième de ce qu'elle a joué, et on est pourtant loin d'être calés en la matière... Et en quelques minutes, on ne voit (comme elle le souhaite) plus que la musicienne, passionnée, qui peut enchaîner des titres "pas très techniques" (...avec de grands guillemets), généralement la tête dans les étoiles, et au contraire des choses terrifiantes où ses mains semblent se dédoubler, avec des cascades de notes à vous couper le souffle, où elle s'affale sur le piano, sursaute et bondit dessus à nouveau...

Par exemple, elle commence son set avec la délicate/délicieuse Gymnopédie n°1 de Satie, et le termine avec la terrifiante/époustouflante Rhapsodie Hongroise n°2 de Liszt. Il y a des moments, avec Chopin ou Bach par exemple, d'une douceur telle que l'on tend l'oreille, et que les cigales même en deviennent presque gênantes (heureusement, elles s'éteignent d'elles-même et toutes ensemble, comme chacun sait, vers 21 h 30). Etant placés au 3e rang, on a alors du mal à imaginer qu'on puisse l'entendre jusqu'en haut de l'auditorium... D'autres titres, fortissimo au contraire, sont d'une technicité et d'une virtuosité incroyable (Etudes de Ligeti), tout en conservant une certaine féminité, musclée certes, dans l'interprétation. Elle peut aussi nous fendre le coeur, avec des moments très émouvants (Prélude de Rachmaninov, notamment). C'est beau, c'est magnifique !

Et donc, tous les quelques titres, les applaudissements se déchaînent, pieds compris, quand elle se lève et salue avec grâce. Pas un mot, par contre, puisqu'elle n'a pas de micro... Et après un bis final, elle nous offre un titre non annoncé, le poignant, forcément poignant, Clair de Lune de Debussy ! Rhaâââ.... On peut en tout cas confirmer que Khatia Buniatishvili est un peu au piano ce que Jimi Hendrix était à la guitare, et que c'est un spectacle proprement fascinant de la regarder jouer, et vivre, ses morceaux !

Très belle soirée donc : pour finir, sachez que quel que soit votre rapport à la musique classique, ce splendide cadre de festival, aussi bien que cette pianiste hors normes, vous sont vivement recommandés pour passer de délicieux moments...

PS si vous avez lu jusqu'ici, vous avez bien mérité de cliquer !


> Réponse le 08 juin 2022, par Christiane KOUJI

il est bien là, le problème, elle ne joue pas les compositeurs mais du Buniatishvili ! comme vous le dites très bien, on passe du pianissimo au fortissimo, sans aucune nuance entre les deux, elle ne respecte pas les tempi. Quand elle est avec un orchestre, elle est (un peu) obligée de suivre le chef, mais quand elle est toute seule, c'est à fuir !  Réagir