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Interview d'Olivia Ruiz dans le cadre du festival Musilac 2017

Interview d'Olivia Ruiz dans le cadre du festival Musilac 2017 en concert

Musilac, Aix-les-Bains Samedi 15 juillet

Interview réalisée le 04 août 2017 par Lily Rosana



On la connaît en chocolat, sublimée d'une vieille caboche, danseuse étoile, réalisatrice fantastique, écrivaine de maux tendres, poète mage et enfin douce maman. Le 18 novembre 2016, Olivia Ruiz sort son cinquième album studio, " À nos corps aimants ", qu'elle a entièrement écrit. On retrouve sa voix chaude et cassée sur des sons éclectiques, en partant d'exquises ballades à des swings endiablés. Elle y chante " Nino mi niño " avec une infinie tendresse pour annoncer en musique la venue au monde de son fils, mais aussi la symbiose du corps et de l'âme, la métamorphose et l'éternité. Retour sur quatre ans de projets aboutis, sur sa vision de l'acceptation de soi, de la féminité et de l'art, celui qui l'anime. Olivia Ruiz, la femme au corps aimant...



Quatre ans se sont passés depuis votre dernier album, comment résumeriez-vous ces dernières années ?
Olivia Ruiz : Beaucoup de projets aboutis. Il y a déjà eu deux ans de tournée entre celle en France et celle à l'étranger, l'écriture et la compo du nouvel album, puis j'ai aussi écrit et réalisé mon deuxième court métrage, j'ai été dans une comédie musicale de danse contemporaine (ndr : " Volver ") avec le voisin Jean-Claude Gallota, et je suis devenu maman... Voilà.

Vous revenez avec " Nos corps-aimants ", votre cinquième album studio, que vous avez entièrement écrit. Il parle de métamorphoses, du combat que peut être l'acceptation de soi, vous chantez que les miroirs ne disent pas toujours la vérité, alors qu'est-ce que les miroirs ne disent pas sur vous, Olivia Ruiz ?
Comme pour tout le monde... Un miroir est un grand menteur souvent. Parce que pour être purement concret, il ne reflète pas l'âme. Il est une référence à Cocteau et à Orphée où l'on peut le traverser. C'est ce que j'aime dans les miroirs. C'est une belle image et une belle métaphore pour parler de la connexion avec soi. Aller à sa rencontre pour mieux se comprendre, quitte à aller fouiller dans des choses parfois douloureuses pour en sortir une meilleure connaissance de nous-même et donc une meilleure appréhension du reste du monde.

Pendant un temps, vous avez eu du mal à accepter votre féminité. Est-ce qu'à travers ce nouvel album, vous souhaitiez montrer qu'à présent vous l'assumez ?
Je ne cherche pas à montrer quoi que ce soit avec un disque. Tout ce que je fais, c'est raconter des histoires et essayer de faire voyager les gens... Un peu comme lorsque tu racontes une histoire à un enfant. Effectivement, parfois les chansons m'apprennent des choses sur moi, mais je ne peux pas dire que j'écris sur ma personne. Ce dernier album ne concerne pas ma féminité propre, mais celle de la Femme en générale. Tout comme du rapport qu'ont les hommes à leur masculinité. Finalement, une chose est sûre, c'est que dans mes préoccupations, cette cohabitation entre le corps et l'âme et cette quête de les faire s'unir et cohabiter est un questionnement qui est très présent. On voit souvent des gens resplendissants alors qu'ils n'ont pas le physique qui correspond aux couvertures de magazines. Puis parfois d'autres avec une plastique parfaite qui finalement ne vont rien envoyer qui donnera envie d'aller vers eux. Cela rend l'humain passionnant et donne envie d'explorer ses névroses ou alors son bien-être.



" Mon corps mon amour " est le premier titre de cet album. Vous mettez en parallèle le corps et l'âme et vous dites que lorsque l'un est soigné, l'autre retrouve la flamme. Qu'est-ce que l'âme sans le corps d'après vous ?
C'est juste une extrapolation de " Mens sana in corpore sano " (un esprit sain dans un corps sain). Cela fait de nombreux siècles que cette expression existe. Évidemment, un esprit qui va bien, c'est aussi un corps qui va bien, et réciproquement. Quand la tête va mal, souvent, le physique commence à se déglinguer. Quand le corps va mal, on a fréquemment une baisse de moral qui peut être difficile à maîtriser. J'avais vraiment l'impression d'enfoncer des portes ouvertes et finalement, vu le nombre de personnes qui ont été choquées par ce refrain, cela signifie que le tabou existait vraiment sur le fait d'admettre qu'un être épanoui est un être dont la chair vibre encore, dont la chair est caressée et qu'une âme qui se sent bien est une âme qui est aimée.

Vous êtes chanteuse, actrice, réalisatrice, vous avez créé une comédie musicale ainsi que deux courts métrages. Est-ce important pour vous d'entretenir différents pôles artistiques ?
Je ne me suis jamais vraiment sentie chanteuse ou danseuse ou à moitié ceci ou cela. Parce que je ne me suis jamais posé ces questions. J'ai fait des études de cinéma mais j'ai toujours chanté en parallèle pour gagner ma vie... Pour moi, c'est la même chose finalement. Il y a deux cas : soit c'est vraiment ta caractéristique d'être tout brinquebalant et mal dans ton corps puis tout d'un coup devenir un personnage magnifique comme Cali l'était à ses débuts. (Je me souviens de cet être tout cassé planté derrière un micro, qui donnait envie de le prendre dans ses bras et de l'aimer.) Soit tu décides de prendre possession de ton corps et de toutes les armes qui peuvent être les tiennes. Quand je chante une chanson et que j'incarne un personnage, je suis une interprète. De la même manière que lorsque je joue un rôle au théâtre ou au cinéma. Quand je bouge sur scène, j'essaye juste d'utiliser toute ma matière première.

Comment choisissez-vous vos projets ?
Finalement, je vais là où un projet va m'exciter sans me poser la question de si j'en ai la capacité ou non. Je fonce et ensuite je travaille suffisamment pour être performante. Comme par exemple pour la comédie musicale " Volver " où j'ai passé deux mois à faire huit heures de danse par jour pour réussir à danser et à chanter en même temps pendant une heure trente. Ça demande beaucoup de travail ! Disons que je vais là où mes envies me mènent puis qu'ensuite je me donne les moyens de ne pas trop me ridiculiser en travaillant beaucoup.



Quand avez-vous pris conscience de vos capacités vocales ?
Je me souviens de ma rentrée dans la chorale du collège dans lequel j'étais. Au bout d'un mois, le prof de musique convoque mon père en lui disant qu'il fallait que je parte dans un lycée spécialisé, qu'il allait me mettre soliste dans la chorale alors qu'il n'y en avait pas, et caetera... C'était la première fois qu'il se passait quelque chose qui allait définir mon avenir. À partir de là, ça va assez vite. Je change de ville, je pars faire un bac théâtre expression dramatique assez loin de chez moi. Mon destin prend possession de ma vie à ce moment là. Ma voix, on l'aime ou on la déteste. C'est ce qui est bien : elle est très reconnaissable. Mon père m'a toujours dit : apprend à respirer mais chante comme tu respires ! Une voix c'est quelque chose dont il faut respecter l'autonomie et la liberté.

Parlez-nous de " L'éternité " (huitième titre de l'album " À nos corps aimants ")...
Franck, mon musicien depuis mes 17 ans, qui est encore avec moi aujourd'hui, me dit : tiens regarde, j'ai une musique, je n'ai encore jamais mis de mélodie ni de mots dessus mais je l'aime bien. Il a lancé le morceau, tout de suite une mélodie de chant est venue, puis j'ai pris mon stylo et le soir même j'écrivais le texte à l'hôtel. C'est allé très vite ! C'est un peu un morceau qui prône la deuxième chance. C'est un titre qui parle du présent avec mélancolie comme s'il était déjà hier en même temps avec un côté très épicurien : Profitons de chaque chose quitte à oublier pendant quelques secondes tous nos soucis. La vie est dure mais certains instants sont beaux, sachons les vivre pleinement, quitte à se faire croire que les problèmes ne seront plus là à la fin de cet instant de magie. Il y a quelque chose d'un peu comme ça.

Au départ vous ne vouliez pas que le titre " Nino mi niño " soit sur votre album. Pourquoi ?
Bien sûr, je voulais graver quelque chose pour Nino (son fils, ndr)... Mais je me disais que ça le mettait trop en danger pour que j'aille jusqu'au bout. Mon équipe studio me disait que ça ne me ressemblait pas de me laisser dicter mes choix par la peur des médias poubelles. Et c'est vrai que j'avais presque accepté qu'on me prenne un bout de ma liberté. On me répétait que je ne pouvais pas cacher indéfiniment son prénom et son identité. Et effectivement, ils avaient raison. Même si ça avait mis un an, les médias aurait fini par savoir que c'était un garçon et qu'il s'appelait Nino. Donc finalement, c'était plus important de lui faire ce cadeau pour plus tard que de le protéger sur un court temps seulement.



Vous vous démarquez avec une voix particulière et des textes forts, vous avez participé à l'hommage rendu à Barbara pour les vingt ans de sa disparition. Est-ce un projet qui vous tenez à coeur ?
Oui, ça me tenait à coeur parce que c'était Edith Fambuena qui produisait et qui a aussi produit mon album. Donc retourner avec elle passer du bon temps en studio était impossible à refuser. C'étaient de belles retrouvailles. Il y a très longtemps, quelqu'un m'avait demandé de chanter " Gueules de nuit ", je la connaissais donc un peu. J'étais en pleine tournée, c'était le rush total et j'ai proposé à Edith d'enregistrer celle-ci.

Question subsidiaire : Si le temps d'une journée vous pouviez être quelqu'un ou quelque chose, vous seriez qui ou quoi ?
Eh bien ça me va d'être moi en fait... De toute façon faut faire avec, donc... Disons que si je devais choisir un super pouvoir, probablement qu'il servirait à protéger mon p'tit gars. Une maman ne réfléchit que comme ça. Ouais, je voudrais bien être un super héros qui protégerait de tous les maux du monde et de l'univers, mon p'tit bout. C'est tout.

Certaines personnes semblent à leur insu, pouvoir transcender qui nous sommes juste par ce qu'ils sont, juste par ce qu'ils ont de beau et de vrai. Armés jusqu'aux dents d'authenticité et de talent, ce sont des combattants de la vie, des guerriers de l'âme. Sans le savoir et munie de son corps aimant et de sa voix qui respire, Olivia Ruiz est une super-héroïne détenant le plus incroyable pouvoir de tout l'univers : celui d'aimer. Olivia Ruiz est en concert dans toute la France en 2017 ...




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