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Chronique de Concert

Reprises de tête + Didier Super

Maroquinerie - Paris 24 janvier 2005

Critique écrite le par

Ah c'est bien beau le succès. Dans la file d'attente vos fans se racontent votre dernier passage à la télé, il y en a même qui sont rasés et portent les cheveux courts. A ma gauche, contre la scène, mon voisin est d'autant moins rasé qu'il a "quasiment treize ans" et porte encore un bel appareil dentaire. Il est venu avec son grand frère qui lui a transmis sa passion pour Didier..., le chanteur, pas le chien. Je fais la distinction car ce n'est pas évident. Connaissez-vous en effet beaucoup de chanteurs qui sont salués par des "Enculé, on va te pendre" ? J'imagine que c'est ce qu'on appelle une ambiance jeune. Ils hurlent à la moindre occasion, ont l'admiration salace, mais restent bien gentils. Il faut juste ne pas leur laisser le temps de s'ennuyer. Ils sont venus à la Maroquinerie pour rigoler pas pour écouter de la jolie musique. Et devant ces fans hardcore de Didier Super, j'ai eu une petite pensée pour Pierre Bondu et Florent Marchet. C'était en septembre, à Clermont-Ferrand.



Heureusement aujourd'hui, il n'y a pas eu d'erreur de casting. Didier Super a su trouver de chouettes copains pour assurer sa première partie. Deux gars habillés comme des clochards, avec le gros sac en plastique troué de rigueur s'installent sur scène. Jean-Claude, le guitariste déplie une chaise, Hervé, le chanteur sort des livres de partition. Ils viennent de "Lille à côté de Roubaix" et s'appellent les Reprises de têtes. Les recueils de chansons Je chante les tubes de Paul Beuscher sont leur seule richesse. Ils y puisent le répertoire de leur spectacle centré autour du concept de la V.A.P., la variété approximative de proximité.



Ils nous font une première démonstration en interprétant une chanson écrite par François Valéry en 1978, Emmène-moi danser ce soir. Cette chanson est leur Je vous salue Marie, dixit Hervé. En voici quelques paroles :

"Il n'y a plus que tes amis et le football qui comptent pour toi
Et j'ai l'impression que tu ne vois plus en moi que le mère de tes enfants
Je ne te demande pas de m'offrir des fleurs tous les jours,
Mais de faire de temps en temps un geste d'amour"

C'est Michèle Torr qui popularisa à l'époque cette rengaine.



Hervé n'a pas les mêmes moyens que Michèle. Il est moins blonde et côté chant si ça reste de la soupe, c'est plutôt ambiance soupe populaire. Mais sa performance, avec une intro laborieuse au kazoo, met en joie le public, qui écoute attentivement et rit de bon coeur du décalage entre les paroles et nos deux vaillants interprètes. La seconde chanson est bien tarte aussi. Comme pour la précédente, Hervé aurait pu jouer la facilité en annonçant le nom de son premier interprète, Pierre Bachelet, pour être sûr de gagner l'oreille moqueuse de l'assistance, mais non son attention. Il se contente d'annoncer son auteur, inconnu du grand public, Jean-Pierre Lang (qui a aussi travaillé pour Johnny Halliday, William Sheller, Alain Delon...). Le titre est Elle est d'ailleurs :

"Elle a de ces manières de ne rien dire
Qui parlent au bout des souvenirs
Cette manière de traverser
Quand elle s'en va chez le boucher
Quand elle arrive à ma hauteur
Pour moi c'est sûr
Elle est d'ailleurs"




Jean-Claude, qui est le placide du tandem, raconte des blagues nulles entre les chansons. Ils ont aussi leurs propres compositions qui valent leur pesant de cacahouètes à décortiquer. Il y en a une -dédicacée à Mops, un chien ronfleur et flatulent- qui crie l'indignation des Reprises de tête devant les abandons d'animaux. Une autre plus positive est consacrée au karaté :

"Le karaté a visage humain
Le karaté c'est l'amitié
C'est partagé la vitalité
A coups de pieds, à coups de mains"


Après une nouvelle incursion dans la V.A.P. avec l'interprétation de Jacques Cousteau de Plastic Bertrand, les Reprises de tête clôturent leur récital avec une reprise d'un groupe ami, P.A.O. (pour Passage à l'Acte Oedipien... ça fait envie). Ca reste de la V.A.P., en fait, puisque c'est une adaptation de Laisse tes mains sur mes hanches, où le personnage principal est un "sérieux tueur" traumatisé par ses hanches de plastique conséquence d'une chute de vélo alors qu'il se prenait pour Goldorak en descendant une pente. Et ne me dites pas que les jeunes n'aiment pas la chanson à texte, c'est dans des cris protestation qu'ils laissèrent partir Hervé et Jean-Claude.



Heureusement, pour leur succéder, il y avait le nouveau héraut de la chanson française, Didier Super. Je ne plaisante qu'à moitié. Evidemment, un écoute superficielle de Vaut mieux en rire que s'en foutre pourrait laisser penser qu'il s'agit d'un humour éthylique de mauvais goût. Avec des titres comme Y en a marre des pauvres, Ben t'es con, Majorette, ça pourrait carrément sentir la méchanceté facile. Mais notre ami Didier est un punk, au bon sens du terme. Il veut bien rire, mais en vrai bouffon, il est là aussi pour bousculer les clichés et la médiocrité ambiante. Ca ne fonctionne pas à tous les coups, mais en arrière-plan il y a toujours la subversion.



Ainsi, il démarre son concert par une entrée tonitruante en play-back. Huées du public. Réponse de Didier : "Les mecs vont voir un chanteur à la mode, il chante en play-back et ils pleurent." Son disque ne dure que 27 minutes et trente secondes, démos comprises, alors tous les moyens sont bons pour rallonger la sauce et aboutir à un concert standard d'une heure. Il s'amuse à provoquer ses fans qui ne demandent que ça pour pouvoir l'insulter à volonté. Ca me fait penser à Johnny Rotten qui se faisait couvrir de crachats lors des quelques tournées des Sex Pistols. Les gros mots c'est quand même plus hygiénique. Didier n'est pas tout seul sur scène. Comme Jean-Claude avec Hervé, il a trouvé son parfait contrepoint en la personne de Carole, basse et clavier, qui est sévère comme une lesbienne (c'en est une d'ailleurs). A deux, ils arrivent à jouer de manière tout à fait potable. Je m'attendais à quelque chose de tout à fait catastrophique, on n'en est pas très loin, mais ça suffit pour un concert de rock.



Il interprète, pour de vrai cette fois, Y en a marre des pauvres, Ben t'es con, Dis-moi Didier. Il exécute aussi des versions alternatives de sa poignée de titres, ainsi Petit anarchiste, chanté sur l'air de Petit caniche, peluche pour vieux :

"Petit anarchiste, casse-couilles pour vieux
T'aimerais bien te coiffer avec une crête
Mais ta mère elle veut pas
Petit anarchiste, casse-couilles pour vieux
Prends des cours de djembé
T'emmerdes tout le monde dans le camping
Petit anarchiste, casse_couilles pour vieux
Ton tee-shirt anarchie, il coûte 300 balles"




Pas loin de moi, un adolescent en crête et tee-shirt Muse (?) pique un fard. De toute façon, tout le monde aura droit à sa vanne et tout le monde sera content. Didier conspue les excités du premier rang et traverse la salle pour chanter un moment devant la table de mixage, ensuite au moment d'un trou de mémoire, c'est au tour des filles : "A chaque fois qu'il y a une bonne meuf dans le public, j'oublie les paroles, et, je ne comprends pas, ça me le fait quand même ici."



On a aussi droit à quelques inédits, une adaptation de Petit Papa Noël en "Petit enfant de Chine qui fabrique des jouets en usine", une autre très limite de Céline d'Hugues Auffray où Céline est devenue l'élève de chant de Didier cramée dans une cave avec de l'essence de voiture télécommandée parce qu'elle a dit non à une tournante, "Non, ne rougis pas / Non, ne rougis pas/ Tu as, tu as, toujours de beaux yeux" et une chanson d'amour, la plus douce de son tour de chant :

"Petite fille, la vie est belle parce qu'elle est toujours en changement
Le changement c'est la pomme qui se sépare du pommier
Le potage qui se sépare du potager
La pédale qui se sépare de l'accélérateur
Je ne pense pas être l'homme de ta vie
Et c'est pourquoi je te quitte."




Y a pas à dire, Didier Super est un vrai tendre. On sent qu'il répète les mêmes blagues à chaque concert, mais on sent aussi chez lui un vrai plaisir à titiller son public et à créer un échange. Le lieu s'y prête. A la Maroquinerie, il n'y a pas de fossé entre l'artiste et le public. Il en profite pour une séance de stage-diving. A son tour, il fera monter sur scène le gamin de quasiment 13 ans pour lui demander où il en est avec les filles. Le garçon n'aura pas le temps de balbutier sa réponse, mais au moins son frère l'aura pris en photo avec son idôle du moment.

 Critique écrite le 25 janvier 2005 par Bertrand Lasseguette


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