Accueil Chronique album : Bror Gunnar Jansson - Moan Snake Moan, par Philippe
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Critique d'album

Bror Gunnar Jansson : "Moan Snake Moan"

Bror Gunnar Jansson :

Jazz - Blues

Critique écrite le 16 janvier 2015 par Philippe

Un one-man-blues-band, un de plus, est-ce bien raisonnable ? Eh bien oui, car on en a jamais assez et, quand on y pense, ce sont bien ces petits artisans (souvent des galériens de la route) qui perpétuent au mieux l'esprit hobo des bluesmen fondateurs. Le dernier repéré s'appelle donc Bror Gunnar Jansson, suédois de son état, et il joue tout seul guitare, percussions et occasionnellement saxophone. Son jeu de guitare/batterie, assez classique dans le genre, pourrait le condamner à un relatif anonymat s'il n'avait pas en plus une magnifique voix déglinguée, nasillarde et parfois dégueulante, et surtout une aptitude à composer des titres superbes (The Church Bell's Tone), et à tirer ainsi le meilleur de moyens forcément limités. Son organe peut aussi bien vous secouer façon Tom Waits tant il semble parfois agoniser (William is back et Butch, splendides complaintes éméchées), que vous toucher inexplicablement en version à jeun, à la façon du grand Micah P. Hinson (New Mountain Ballad, poignante).
Mais sa guitare, parfois abandonnée sans la voix, peut aussi surprendre, comme quand elle évoque Link Wray ou The Legendary Tigerman (One for Earth), ou quand l'air de rien, elle vous soulève le cul de la chaise par sa puissance (He had a knife in his hand, plus groovy qu'elle n'y paraît). Autre réussite majeure, pour danser et/ou déclencher une bagarre, la greffe de l'Ain't no grave de Johnny Cash, sur le riff (décidément inusable) d'I'm a Man de Bo Diddley ! En voilà une somptueuse chanson bâtarde, et étirée jusqu'à la jouissance... Au final, il apporte donc autant, voire plus d'air frais dans ce style très balisé que, par exemple, l'aimable (et tout à fait recommandable !) papi Seasick Steve. Ainsi, il aura beau invoquer sa nationalité scandinave a priori non-blues et s'écrier God Have Mercy, il finira sans doute en enfer, comme tous cette légion de musiciens du Démon qui a suivi l'exemple de Robert Johnson...
En attendant cette probable damnation, avec son physique et son look improbable (situé quelque part entre Dolph Lundgren et Buster Keaton), on constate que cet apparent pisse-froid n'est heureusement pas dénué d'humour - Bror Gunnar Jansson a la tête coupée sur sa propre pochette, et on lui crève un oeil à chaque fois qu'on place son vinyl sur la platine ! Et puis il suffit de le voir, en chaussettes, maltraiter son matériel et se battre rageusement contre ses propres limites techniques dans cette vidéo, pour être pris d'une irrépressible envie de l'encourager dans une petite salle ! De toutes façons au vu du nombre de noms qu'on a du citer dans cette chronique pour tenter de cadrer son potentiel, il paraît bien habillé pour l'hiver - et de toutes façons, il n'avait pas l'air particulièrement frileux...
(2014)
Vignette Philippe

 Critique écrite le 16 janvier 2015 par Philippe
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