Accueil Chronique album : Deadwood - II, par Philippe
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Critique d'album

Deadwood : "II"

Deadwood :

Pop - Rock

Critique écrite le 27 avril 2018 par Philippe

Rhaaââh... Enfin ! Les mois et les années sont passées depuis la première rencontre du label Lollipop Records et du duo Deadwood (venu jouer en showcase dans le magasin du même nom, bien sûr, devant nos gueules déjà béantes), mais ça valait le coup d'attendre : Violette & Jeremy Deadwood ont enfin sorti très précisément et sur ce label (where else ?), le disque qu'on espérait tellement d'eux... Non pas que le premier fut mauvais, déjà riche en promesses électro-blues, mais il date d'une époque où les Deadwood n'étaient qu'un et donc nécessairement, moins inédit en sensations. Bien évidemment, Mr Jay a réalisé depuis qu'il avait trouvé la voix, The Voice, celle de Miss Vee, qui lui manquait pour cartonner et devenir réellement captivant...
L'album commence pourtant par un trompe l'oeil électro-rock avec basse à l'octave, façon Vive la Fête, sympa mais déjà beaucoup entendu ces dernières années. Tout rentre heureusement dans le désordre dès que les loups garous sont lâchés, à la bascule du morceau : le duo vocal retrouve sa place naturelle (dans les graves, donc), chatouillé par un orgue puis défoncé par une guitare et un Theremin. Puis ses marques sur Run Baby Run, belle cavalcade punk rauque (de plus en plus rauque) - et plus tard sur sa jumelle The Freaks - le genre de choses qui vous mettent une salle en ébullition sans coup férir.
Mais si tout ça est très bien fait, on les attend plutôt au tournant sur leur supplément d'âme : celui du duo horrifique, où le guitariste, grimaçant et trempé, seconde la jolie sorcière au regard fou, doigts crochus et boite à tonnerre, beaux comme des dieux déchus sur une scène zébrée d'éclairs... Précisément ce qui se produit quand le chanteur raconte enfin une Bed Time Story d'épouvante, à la façon de Christopher Lee ! Où le petit carillon (car il y en a toujours un, depuis Danny Elfman) finit noyé dans des nappes de guitares et batteries acides, déchirées de hurlements au moment où, on l'imagine, l'enfer s'ouvre sous nos pieds, au fond de la crypte... Ce long trip horrifique, en plusieurs phases paradoxales (allant jusqu'au hip-hop) serait déjà potentiellement une masterpiece en tant que tel...
Mais il se trouve que les gredins, déchaînés, le font suivre de ce morceau, le fameux, celui qui hante leurs concerts et les nuits qui les suivent, celui pour lequel le collectif LiveinMarseille les a poursuivis partout il a pu (5 chroniques à ce jour) : Sleepless Night ! En version enregistrée, un peu moins écorchée que dans nos souvenirs live, mais un poil plus riche aussi (violons, saxophones, trompettes, plusieurs couches de voix superposées...) se déploie donc cette somptueuse balade toxique où avec un peu d'imagination, on peut voir dialoguer Tom Waits et Shirley Bassey, légèrement éméchés tous les deux comme il convient, sur des nappes de violons façon John Barry. Et relancer encore et encore ce refrain... viscéral et obsessionnel.
Que faire après un tel pic émotionnel ? Par chance ces jeunes gens n'ayant pas du tout l'âge de leurs voix joliment amochées, ils ont également des capacités pluridisciplinaires : on a déjà évoqué l'électro ou le hip-hop, il se murmure que Madame serait même circassienne... Ils s'offrent donc une ultime digression avec Liquor Jack, qu'un Marilyn Manson en forme aurait pu enregistrer (tout en pompant le riff de Baby did a bad bad thing), à condition bien sûr de trouver la muse appropriée, lui aussi. Le tout avant de sortir de sillons délicatement, sur des hululements délicats et instrumentaux (The Owl). Au final, le II de Deadwood est un voyage somptueux comme une forêt pétrifiée, et qu'il nous tarde de retrouver sur scène... et dans nos cauchemars !
(Lollipop Records, 2018)
Vignette Philippe

 Critique écrite le 27 avril 2018 par Philippe
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