Accueil Chronique album : You And You - Keep It Safe, par Jacques 2 Chabannes
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Critique d'album

You And You : "Keep It Safe"

You And You :

Pop - Rock

Critique écrite le 19 mai 2014 par Jacques 2 Chabannes

L'attente est une maîtresse affamée et langoureuse qui prend doucement des formes et roule sur elle-même pour s'épaissir d'envies inassouvies et rêves brisés (un peu plus) à chaque révolution terrestre ; à chaque rendez-vous manqué ou repoussé de vive contrariété ; lors de chaque frustrante annulation ou laid décalage de dernière minute. Une amie de cœur ou sœur de cour, qui finit (logiquement) par se dresser contre vous puis fendre de décidé le nuage de brume et incompréhension installé petit à petit entre vos deux âmes en souffrance pour vous faire la peau d'un coup de griffe précis et meurtrier. C'est un fait (souvent) avéré. Sans cesse honni ou craint, mais néanmoins renouvelé à l'envi.
Six longues années se seront donc écoulées entre la sortie des premières démos du gars Félix (Pérez) une belle tournée estivale des salles à l'été 2009, et l'officialisation de ce très attendu (de mes feux) Keep it Safe : une (quasi) éternité avec vue sur l'amer... tume, et le regret. Regret que le projet n'ai pas abouti plus vite et relative amertume vis-à-vis d'une première sortie sur iTunes et d'un paysage médiatique somme toute peu enclin à faire le Buzz avec de la qualité ou délaisser ses habituels os à ronger (pales descendants de notre historique variété et icones lourdauds de type "Johnny-j'en-frémis-à-l'idée") pour reconnaître le grand talent d'un hexagonal racé, doué de fragrances mélodiques rares et belles capacités créatives, soit, mais chantant en Anglais et dénué de signes distinctifs évidents ou look extravagant. Tandis que passent en boucle, devant mes yeux effarés, les usuelles cohortes d'atones produits dérivés et multiples personnalités de synthèse fabriqués avec le pied gauche puis voués logiquement à disparaitre sous peu (la nature est bien faîte) après avoir enfanté des liasses conséquentes d'Euros, satisfécits de sérail immérités et future fabrication en série de clones à exploiter au plus vite, j'enfourne l'album en mode "lecture", envie vrillée à point.
Six années d'attente, contacts momentanément aboutis et espoirs déçus, durant lesquelles l'auteur de ce très beau Keep it Safe, n'aura eu de cesse que de ronger son frein, écrire ou peaufiner d'obstination les douze moments de plaisir récemment délivrés à écouter d'urgence, déclinés ci-après.

Dès l'initial Fly, le ton est donné et le plaisir planté de décor : une ballade enjôleuse qui avance et s'ouvre peu à peu pour laisser place aux vocalises précises de son auteur qui s'y dévoile et annonce fièrement que la naissance est enfin effective et le futur repeint de frais :
"Je le ferai à ma façon / Je veux voler, voler, n'essaie pas de m'atteindre / Je veux toucher du doigt que je suis toujours en vie / Au moins ne plus me cacher / Ouvre donc les yeux sur cette nouvelle histoire vraie...". Une entrée en matière, mieux que réussie, qui (se) fond illico de plaisir en un trio de chansons, empreintes d'une rare qualité d'écriture, toutes à mêmes de pouvoir accompagner nos multiples réveils hivernaux vocalisés sous douches matinales embuées : Crawling (ses arpèges sautillants très Grace/Jeff Buckley), la CountryFolky Bye Bye (plus aboutie et réussie, ici, que son pendant Français délivré dans le même temps en mode Single), et le très entrainant et captivant : A Brand New Son ! "Je suis le loup qui rôde en ta maison / Et lorsque le soleil se couche / Je sens le vide en moi...". Un sacré triptyque musical, porté par une production sobre et intelligente (quoique résolument "classique") qui se contente de souligner, appuyer ou habiller, malgré un grand nombre d'instruments variés, placés ici sous couches multiples : trompette, trombone, banjo, vibraphone, percussions, udu... en sus des traditionnels cadors/cadres du genre, nommés : guitare, batterie, claviers et basse !
Il serait plutôt facile et tentant de s'appliquer à raccrocher cet amoureux des belles mélodies à moult de ses illustres devanciers du genre Folk Rock, ouaip, mais ce serait néanmoins par trop évident et réducteur, voire, handicapant, pour lui et son devenir doré encore à bâtir pour l'heure. Félix Pérez possède son propre monde, désormais : bâti patiemment au fil des ans, filé et travaillé sans répit ni repos. Un univers où le plaisir semble être placé au centre de toute chose ; où la joie de la composition se dispute au choix (précis et évocateur) des mots et images chiadées ; où les innombrables parties de guitares (fines, techniques ou senties) s'appuient délicatement, s'enroulent ou se lovent de plaisir et sensualité autour des vocaux soignés, entrelacés et placés. À l'instar du talentueux Martin Mey (et son récent Never Go Down) Félix se profile comme une voix à part en notre hexagone balisé et traditionnel : prometteuse et accomplie, originale et solide, chargée d'émotion et enjôleuse. Qui peut en effet s'enorgueillir de pouvoir livrer, sur un même premier disque, des pépites aussi chiadées et inspirées que Rainbow, Wasted Mind, No River In The Sun, ou bien les susnommées Crawling, Bye, Bye, Brand New Son, ou Fly ? Les concurrents sont peu nombreux et leur liste réduite à sa plus simple impression. À n'en pas douter.

Même si certaines compositions peuvent parfois sembler flirter dangereusement avec notre variété balisée et séculaire - L'éclair - ou le fantasme d'une tradition US très "Mainstream" - The Departure, One Last Day - il y a peu de fautes de goût ou moments dits "faibles", au sein de cette naissance discographique de haut vol. Avec, en sus, afin que de conclure le tout en beauté, un morceau qui mériterait d'être classé un jour au sein (saint ?) du patrimoine mélodique de l'humanité musicale hexagonale, s'il n'était distillé en l'hégémonique langue de Dylan (il va donc nous falloir à tout coup l'exporter pour pouvoir le défendre dignement) : l'épastrouillant The House On The Moon ! Un morceau qui se niche instantanément en votre caboche pour y siéger d'autorité puis y faire souche à jamais ; une merveille de ligne blanche à suivre puis sniffer sans fin, parce que génératrice de rêves, évasion et émotions ; de jubilation et plénitude ; d'une envie impérieuse de tout "goûter" sans tarder ici-bas.
Une sorte de bande-son dont devrait s'emparer le Septième Art au plus vite, tellement ce morceau est doté d'une rare puissance évocatrice ; d'une saine capacité à mêler, sans les faire se heurter, les deux habituels compères emmêlés (partenaires ou ennemis jurés) que sont la nostalgie et le regret. Un pur moment de grâce, qui survole puis plane sans bruit aux côtés du temps pour mieux le suspendre (et nous priver de notre souffle en suivant). Une vie d'ambitions humaines, resserrée sur cinq petites minutes qui mériteraient d'êtres dupliquées ad vitam aeternam pour mieux y goûter ; une trajectoire résumée d'émotions et pensées sublimées ; une sensation de chaleur et bien être qui emplis et allège instantanément, sur l'instant ; un espace de pureté à classer d'urgence auprès du Hallelujah de Jeff (Buckley-Cohen), de Where The Wild Things Are (Patrick Watson), ou You Cut Her Hair (Tom Mc Rae), de Colorblind (Counting Crows), du I de Andrew Bird, du Chicago de Sufjan Stevens, ou du Out On A Limb de Joseph Arthur ! Une vague de bonheur achevé sur laquelle je surfe sans retenue depuis près de six années, sans jamais m'être lassé, usé ou détourné...
Un GRAND titre, un vrai !

"Je me sens si vide / Je reviendrai vers la lune, lorsque j'aurai 73 ans / Je serai vieux, je serai sage et bâtirai un jour nouveau... / Changerai toutes les règles, pour nous inventer un nouveau jeu..." (The House On The Moon). Plus ne nous reste logiquement qu'à espérer, pour Félix et la qualité de son travail, que ce Keep It Safe fasse des émules, soit rapidement suivi d'une poussée légitime de notoriété, puis amplement dépassé, reconnu, ici-bas...

(PIAS) LE LABEL

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 Critique écrite le 19 mai 2014 par Jacques 2 Chabannes
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