Chronique de Concert
And Also the Trees
Les anglais d'And Also the Trees sont de retour à Marseille. On garde un très bon souvenir de leur dernier passage dans la cité phocéenne au Poste à Galène il y a six ans, raison de plus pour aller les voir ce soir à L'Espace Julien, dans une salle quasiment pleine. Beaucoup ont (re)découvert la musique de ce groupe singulier, apparu au début des années 80 et qui bénéficie depuis son avant dernier album, Born into the Waves, d'un vrai retour en grâce et d'une plus grande reconnaissance.
La musique d'And Also the Trees était très marquée à l'origine par le psychédélisme lyrique de Love et les premiers disques de The Cure (l'ex-batteur de ces derniers, Lol Tolhurst, avait d'ailleurs produit leur premier album). Elle a évolué de manière plus apaisée mais toujours inspirée, sans que leurs chansons ne perdent de leur beauté crépusculaire, et se rapproche désormais davantage des Tindersticks ou de Scott Walker, tout en gardant une identité très forte et en se tenant soigneusement à l'écart des modes.
Depuis ses débuts, le groupe est mené de front par les frères Jones, Simon Huw au chant et Justin à la guitare, surnommés par les fans " Brothers of the Trees ". Les musiciens sont lancés sur une longue tournée européenne pour promouvoir leur nouvel album The Bone Carver. Le set débute par A bed in a bed in Yusgoslavia, le premier titre de ce nouveau disque, à la longue introduction instrumentale qui mêle une boucle de guitare minimaliste à un très beau motif à la clarinette, jouée par Colin Ozanne, qui officie également à la deuxième guitare et au clavier. Son rôle semble avant tout d'ornementer les chansons et il fait en cela office d'arrangeur, ce dont il s'acquittera brillamment tout au long du concert.
On peut constater tout de suite que la musique d'And Also the Trees n'a absolument rien perdu de sa magie. Une des particularités du groupe est le jeu de guitare de Justin qui fait sonner son instrument comme une mandoline qui serait passée sous de nombreux effets comme le delay ou le tremolo. On croirait presque entendre par moments du flamenco pour l'intensité dramatique qui se dégage de cette musique, comme sur A Room with Lucy, un de leurs titres les plus marquants et expressifs. Les paroles des chansons se réfèrent à tout un imaginaire à la fois fantastique et rural, lié au paysage du Worcestershire, région d'où les frères Jones sont originaires. La section rythmique est souple et très en place : le bassiste joue de son instrument un peu à la manière d'un Peter Hook de Joy Division (on n'échappe pas totalement à ses racines cold wave) et le batteur a un jeu fin qui flirte parfois avec le jazz.
Si les musiciens ne sont pas particulièrement exubérants, on se laisse complètement porté par ces chansons splendides et par la voix très expressive de Simon Huw Jones. Il y a dans son chant une tension dramatique qui évoque Brel ou Scott Walker et même Nick Cave, sans qu'il ne tombe jamais dans l'emphase. De nombreux titres de The Bone Carver et de Born into the Waves sont interprétées et ceux-ci ont autant d'impact que les titres anciens comme Virus Meadow. L'enthousiasme du public ne se retombe à aucun moment et devant cet accueil, le groupe lui offre pas moins de trois chansons pour le rappel (dont le très cold wave So this is Silence, extrait de leur premier album).
La musique d'And Also the Trees demeure toujours aussi fine, élégante et singulière. Et si le groupe a parfois été par le passé perçu injustement comme un second couteau " cold wave ", il a acquis au fil des ans un statut véritablement culte amplement justifié, qui s'est bel et bien vérifié ce soir au vu de l'affluence et de l'accueil chaleureux que lui a manifesté le public.
Critique écrite le 09 mars 2023 par Phil2guy
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