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Chronique de Concert

Radiohead + Bat for Lashes

Arènes de Nîmes 14 juin 2008

Critique écrite le par

En entrant dans les arènes de Nîmes samedi soir, j'ai eu une petite pensée pour les Parisiens qui se sont entassés à plus de 17 000 voici quelques jours dans le Palais Omnisports de Bercy pour assister au premier concert de Radiohead en France pour cette tournée mondiale.

J'en viens à remercier les Romains d'avoir inventé les jeux du cirque. Grâce à eux, nous n'avons pas besoin de nous entasser dans des salles gigantesques et mal sonorisés. .

Car un concert de Radiohead dans les arènes de Nîmes, ce n'est pas tout à fait la même chose qu'un concert à Bercy. La verticalité des lieux en fait une enceinte merveilleuse, aussi bien pour les oreilles que pour les yeux. Le quintet d'Oxford le sait mieux que quiconque, lui qui a déjà joué au théâtre antique d'Arles, à celui de Vaison la Romaine et dans ces arènes le 14 juillet 2003.

C'est donc 5 ans presque jour pour jour qu'on retrouve Thom, Jonny, Ed, Colin et Phil. On les avait laissé tout en haut de la vague, à l'époque de Hail to the Thief. Qu'allait-il advenir de leur statut de "plus grand groupe du monde ?"



Le concert, comme celui du lendemain, affiche évidemment complet, ce qui ne fait pas forcément les affaires du marché noir. Pour un telle affiche, ils sont finalement peu nombreux à proposer des places (certains en vendent quand même à 100 euros, soit 50% de plus qu'en billeterie).

Ils auraient mieux fait d'investir dans le merchandising écolo :28 euros le tee-shirt en fibre de plastique recyclé même pas beau, 7 euros le kit de badge. Le développement durable, c'est pas donné !

20h20. Les 10 000 personnes qui se pressent dans les gradins et dans la gigantesque fosse dont on a recouvert la terre battue par une couche de bitume applaudissent la monte sur scène de Bat For Lashes, groupe de Bristol que l'on avait découvert voici plus d'un an et demi grâce au festival Marsatac (lien :https://www.concertandco.com/critique-concert.php?s=marsatac&id=14595&p=1).



Depuis, Fur and Gold, leur premier album est sorti en France et tout le monde ou presque est tombé amoureux de la très belle Natasha Khan et de son tube What a girl to do (j'ai bien une petite idée, moi).

Haut d'arlequin, short noir, collant bleu électrique, botte noire, comment dire... On n'a pas besoin de savoir qu'elle est anglaise, Natasha. Les autres membres du groupe sont également habillés façon trolls et Elfes. Le batteur et le guitariste portent des hauts avec des manches de chauve-souris argentés, la violoniste porte un ensemble noir très court sur collant et bottes.

Seule la très belle rousse au clavier s'en sort mieux avec un pantalon noir sur un pull chauve souris turquoise et un papillon de la même couleur dans les cheveux.



Toujours à mi chemin entre Bjork et Tori Amos, le répertoire de Bat for Lashes a quelque peu de mal à s'imposer sur une aussi grande scène malgré un public attentif.

Natasha déroule en trois quart d'heure une grande majorité des titres de son premier album (Horse and I, Prescilla, Sea Jubilee, I saw the light, bat's mouth, Trophy).

Si la belle brune se concentre sur le chant et le piano, ses 4 musiciens varient au maximum leurs instruments. Sur un set de 45 minutes, ils ont ainsi joué de la batterie, de basse, de la guitare, de la scie musicale, de la harpe, du violon alto, de la flûte traversière, de la clarinette, des cloches en laiton et des clochettes.

De cette profusion de sonorités auraient pu naitre une pop inventive propre à porter la voix grave et sensuelle de Natasha Khan. Or, le set de Bat For Lashes, certes agréable en apéritif, reste trop prisonnier des cannons de l'électro pop pour nous entrainer au delà. Au bout de 5 morceaux, on s'ennuie. N'est pas Cocorosie qui veut. Peut être est-ce du à cette fatigue dont nous a parlé Natasha au bout de 4 morceaux. Seul le tube, What a girl to do, joué comme il se doit en dernier, a soulevé un reste d'enthousiasme.



Pendant le changement de plateau, le jour en profite pour se tailler derrière l'enceinte de l'arène. Et c'est là qu'on commence à allumer les spots pendant que la régie balance reggae sur reggae. Le moment idéal pour essayer de comprendre ce qu'est un concert "écologiquement responsable" comme l'a voulu le groupe et dont on nous bassine depuis une semaine. Un concert pas méchant pour la terre, ce serait donc un lieu urbain pour favoriser les déplacements doux, les transports publics et le covoiturage. Un concert gentil pour la terre, c'est faire une croix sur les big spots pour privilégier des tubes en néon moins goinfres en énergie. Un concert mignon, c'est d'utiliser des gourdes en acier estampillées radiohead à la place des petites bouteilles en plastique qu'on jette dans la nature et qui font si mal aux pôv oiseaux...



Je ne veux pas faire preuve de mauvaise foi, mais un concert ne peut pas être écolo. Un concert, c'est des tonnes de matos, des tonnes d'éclairage, de son, d'énergie dépensées pour faire hurler des guitares guitare, des claviers et une batterie. Je conduis pas de 4x4, je roule en vélo dans Marseille, je trie mes déchets, je bouffe Amap, j'ai une douche et pas une baignoire, j'utilise des produits bio, je fais gaffe à tout (et pas depuis que le pétrole est à plus e 130 euros le baril), bref, je fait assez d'efforts tout au long de l'année pour réduire nom "empreinte écologique". Alors, merde, quand je paye 50 euros pour aller au concert, c'est pas pour y aller avec le frein à main. Je suis venu en caisse de Marseille, j'ai un billet en papier, une bière à la main et une clope dans l'autre. Je suis venu voir un concert de rock et pas le retour de Bob Dylan unplugged (qui d'ailleurs, avait rapidement remis le courant sur sa gratte).

Ceci étant dit, je ne vais pas être déçu. Parce que des éclairages, il va en avoir et du son aussi et pas qu'un peu ! C'est même à se demander si c'est pas un coup de Nicolas Hulot, tout ça...



La scène des arènes est parcourue d'une forêt de néons (au moins une trentaine) pendus sur 5 mètres depuis les rampes du haut. Ceux qui sont au dessus des instruments s'arrêtent à 3 mètres du sol, réduisant ainsi la taille symbolique de la scène où se produiront les musiciens. Un écran vidéo sur toute la largeur diffusera derrière la scène, comme c'est devenu habituel dans les concerts, des gros plans de chaque membre du groupe filmés pendant le set.



Le génie des Radiohead finalement, que ce soit dans leur musique ou depuis quelques temps dans l'affirmation de leur statut "d'artistes responsables", c'est qu'ils ont toujours réussi à transformer la contrainte en avantage. On fait du rock en pleine vague brit Pop ? Pas de problème, on sort OK Computer. Aucun mec à frange de Manchester ne s'en relèvera. Les Kids s'éclatent sur l'électro ? On sort Kid A/Amnesiac. Tous les DJ sont devenus d'un coup ringard. Téléchargement sur Internet ? No Souci, on invente le "Up to You" (A toi de décider) avec In Rainbows. Aucune maison de disque n'aurait oser. On défend l'environnement on a de la suite dans les idées. On réduit la voilure, mais on invente un dispositif scénique élégant et puissamment évocateur. Toujours un coup d'avance.



21h30, la lune est montée dans le siècle pendant qu'une Olà tourne depuis 10 minutes dans les gradins et la fosse. Puis les lumières s'éteignent, la foule hurle, le groupe monte sur scène. Thom Yorke au centre, Jonny Grenwood, encapuchonné, à sa droite, le géant Ed'O'Brien à sa gauche, Colin Greenwood le bassiste restera durant tout le concert près de la batterie de Phil Selway. En arrivant, ils applaudissent le public. La communion peut démarrer.



Contrairement aux précédents concerts, ils ne démarrent pas toutes guitares sorties avec les 2 premiers titres de In Rainbows (15 step et Bodysnatchers), mais avec Reckonner puis Argeppi, soit deux titres du dernier album mais bien plus planant avec ce son si caractéristique du groupe, ce mélange très free jazz entre des arpèges de guitare et les sons électroniques.



Le concert sera d'ailleurs dominé par cette touche électro que Jonny Greenwood saupoudre un peu partout. La mèche toujours devant les cheveux, le garçon passera plus de temps devant ses claviers et ses ordi qu'à la guitare. Avec son tee-shirt rouge et son pantalon taille basse, il a tout l'air d'un ado en pleine crise, bien décidé à emmerder ses petites copains avec ses lignes de basse. Mais ce n'est qu'une illusion. Car les autres membres du groupe sont tous aussi amateurs de ces mélanges inventifs. Ed O'Brien adore faire joujou avec ses pédales pour sortir des sons impossibles de sa gratte tandis que Thom se croit de temps en temps dans une rave party.



Sur le 3e morceau, Myxomatosis, il enlève son pull pour entamer une petite danse de saint Guy dont il a le secret. Le petit bonhomme, accroché à son micro, roule des épaules et saute dans tous les sens comme s'il était pris d'une crise d'épilepsie. Il recommencera plus tard sur Idiothèque. Sur Everything in the right Place, il commence au piano, puis se lèvera pour danser avant de venir s'effondrer sur le devant de la scène.



Le groupe jouera 2h15 en tout avec deux rappels. Les 10 titre d'In rainbows seront joués, ainsi que quelques perles des albums précédents (Pyramid Song, No Surprise, Idiothèque, Street Spirit, There There, the National Anthem, talk show Host, Karma Police, Planet Telex et une inconnue Bangers'n'Mash, où Thom joue de la batterie).



De ces 24 titres joués, il reste deux moments magiques. L'enchaînement de Nude, There There et The National Anthem, qui résument a eux trois l'incroyable maîtrise du groupe dans tous les registres musicaux, passant de la pop planante au rock et de l'électro avec un niveau d'exigence qu'aucun groupe aujourd'hui ne peut se prévaloir. Le second climax a eu lieu lors du premier rappel, sur Exit music. Durant le début du morceau, les arènes se sont tues pour écouter Thom, seul à la guitare sèche chanter cette chanson magnifique d'OK computer. Les tubes de Néons scintillaient comme sur un arbre de noël. Magique.



Ce fut évidemment un concert parfait, maîtrisé, enjoué, énervé, tendu, pointu qui a mis en transe tout le public des arènes. Ce fut un concert d'un groupe qui vous donne vraiment l'impression de vivre en 2008. Ce fut un concert exceptionnel sur le plan vocal. Thom Yorke n'a jamais aussi bien chanté, sa voix n'a jamais été si claire et si puissante. Pour toutes ces raisons et pour bien d'autres, Radiohead demeure de loin le plus grand groupe du monde.



Plus de photos par Pirlouiiiit (enfin réconcilié avec Radiohead), en cliquant ici

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