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Chronique de Concert

Les Innocents + Blind Cinema

Les Innocents + Blind Cinema en concert

Théâtre du Moulin 11 Mai 2016

Critique écrite le par


Harmonies Mars...iennes !

Retour Vers L'Éternelle... Formule !
Poussés au cul par une véritable attente de la part du public et (chose plus rare) des labels, puis une récompense obtenue aux dernières Victoires De La Musique, au niveau de l'"Album Rock de l'année", c'est une réelle surprise que de découvrir qu'ils ne bénéficieront pas de la "grande" salle, ce soir, mais bel et bien de la toute petite posée à proximité du bar, dans l'entrée du Théâtre du Moulin. Une récompense hexagonale qui n'aura pas rapporté des masses, par ailleurs, en termes de vente "sèche" : "Nous en avons vendu 260 exemplaires, je crois, au moment le plus haut du pic de popularité généré, la semaine suivant les "Victoires"..." (Jipé/Moulin-Interview du jour).
Il n'en reste pas moins vrai que leurs récents passages télé auront été rares, les articles dans la presse, peu nombreux, et la programmation en radios d'extraits de l'album (pourtant à tomber : Les Philarmonies Martiennes, J'ai Couru, ou bien encore, l'épastrouillant et tubesque Love Qui Peut) faméliques, voire... moins ! De quoi expliquer au mieux cette absence notable de ralliement serré serré autour de leur panache Mandarine en notre ville, à l'occasion de ce retour en grâce mélodieux et riche.


Lors, celles et ceux (les présents) qui se seront souvenus de leurs accomplis divers passages - en ces mêmes lieux en toute fin des années 90, au pied d'un dense Podium Ricard, ou bien à l'Espace Julien dans la foulée de l'album Fous À Lier - auraient pu (dû) pour le moins fédérer un peu mieux "autour" et alimenter ainsi les préventes d'autant. Surtout, qu'une fois de plus, les fameux "absents" de la légende auront eu TORT, et largement de quoi regretter d'avoir boudé ou manqué cette fraîche et belle soirée de Mai ; enfin "fraiche", à l'extérieur, parce que, au niveau de la température intérieure, il en aura été tout autrement. Que oui. Une escale Phocéenne néanmoins lestée d'amers et légitimes "regrets" (en mode "réclamation") : pas de place sur scène ce soir pour y installer le canapé, les parasols lumineux et mini clavier (plus vidéoprojection) habituellement disposés à leurs côtés afin de mieux habiller, colorer et faire rêver... Grrrrrr !!!




Mars en Harmonie
Dès l'intro du show, c'est l'épique et actuel Les Philharmonies Martiennes, qui est convoqué au parloir à chansons Live : une version emballante, vu que le duo roule d'ores et déjà à une allure soutenue, que les arpèges convainquent de précision et que les harmonies vocales, bien en place, volent au plus haut pour nous rappeler à point nommé que ces quinze et quelques années d'absence "commune" n'auront en rien entaché le passé du duo. Pas plus que leur présent et légitime futur. Nope. Impression renforcée par le délicat et nostalgique Les Cailloux (Les Innocents/1999) : " J'ai lancé des pierres dans le calme plat / Je n'avais rien à faire, que des ronds du rivage / Et pour la vie entière, je le savais déjà / Sans connaître, ni ton nom ni ton visage / Je pouvais compter sur toi, compter sur toi..." ; un texte qui renforce encore l'impression d'unicité et complicité affichée de décontraction durant l'interview réalisée en leur compagnie quelques heures auparavant ; un refrain qui séduit d'immédiateté et rappelle alors au(x) présent(s) à quel point leur marque de fabrique était faite pour (per)durer et traverser les décennies depuis le lointain et "magnétique" âge analogique, jusqu'au plus actuel et sous peu totalement immatériel, numérique. Yep.
Voletant d'aise sur les ailes humoristiques d'une première prise de parole, du sieur Jipé : "pour celles et ceux, les six ou sept, qui étaient déjà-là lors de nos passages précédents au Podium Ricard, à l'Espace Julien ou ici même, on va sûrement jouer des chansons qu'on jouait déjà à l'époque, on s'en excuse !"... Un Monde Parfait amorce alors une réelle montée en puissance, mais sonne décalée d'autant, au vu des derniers "évènements" ou dérapages humains de toutes sortes, noires dérives et castratrices religieuses obédiences : "On a des bibles, des hymnes, des icônes / Le jour du Seigneur, Enghien, Silverstone / Tout un nuancier / L'homme invisible et celui de vingt heures / Les chanteurs, les cercueils, les cyclones / Le convertible, les membres inférieurs / Comme le cœur, on cherche un emploi / Tout reste plié / Cette idée terrible, en nos douillets intérieurs / D'aujourd'hui devenu autrefois / Humain de métier / C'est un monde parfait / De l'abaca jusqu'à l'au-delà / C'est un monde parfait / On pourrait imaginer vivre là... Un monde parfait !". Un état des lieux effectué en compagnie d'un public quasi intégralement "collé" de voix, juste derrière, au taquet.


Karaoké Humain Sous Amples Sourires...
Dès les premiers mots extraits de Mon Dernier Soldat, la (modeste) salle bourrée à craquer suis au plus près, avant de tenter une "échappée" (de groupe) pour entonner le refrain en solo, sans pour autant arriver au bout du bout de sa périlleuse (petite) entreprise ; lors, elle se reprend quasi immédiatement pour mieux explorer le séminal Jodie qui s'radine de foulée, point de départ du groupe, niveau notoriété, en la lointaine 1987 : "Contrairement à la plupart de nos autres morceaux, niveau production, celle-là avait été vraiment bâtie pour faire un tube, avec Dominique Ledudal (de nouveau aux manettes du dernier/NDRL) et "Jay Alansky, qui poussait pour que ça le soit. D'où son côté hyper produit !" (Jipé/Moulin-Interview du jour). Le coup parfait, en somme ; ce dont le public semble également se souvenir.
Autre moment propice à un partage vocal d'anthologie, l'arrivée de l'incontournable Un Autre Finistère ! LE gros "carton" des INNO (1994) qui font qu'ils peuvent encore et toujours aujourd'hui se permettre, comme lors de la mise en chantier de Mandarine, de convoquer les Labels dans un studio pour venir y écouter leurs (projets de) chansons sans même passer par l'habituelle case Demos : "On a été un peu fous... On peut pas se le cacher non plus... qu'à partir du moment où on a parlé du projet, ça a créé un enthousiasme fou, de la part des labels, des tourneurs... J'crois qu'on a dû un peu choper le "melon" (rires partagés) parce que, on s'est dit : on va les faire venir dans notre local, avec des morceaux, à peine finis, en fait, et... c'était pas un caprice de notre part, non, on a juste goûté à ce plaisir, rare aujourd'hui, d'être désiré... Une sorte de "speed dating", quoi (rires francs) et ils ont tous dit "oui !", en plus, quasiment..." (Jean-Cri &Jipé/Moulin-Interview du jour).
Dès l'ultra reconnaissable "Il est un estuaire / À nos fleuves de soupirs / Où l'eau mêle nos mystères / Et nos belles différences...", l'embryon de salle se laisser aller à suer et ouvrir grand les glottes ; quelques minutes plus loin - et un court hommage au Voilà l'Été des Négresses Vertes - les Confessions d'un Vieux Serpent sont également convoquées depuis l'album au souvenirs, nanties d'une guitare très "groovy" et d'une scansion suprasonique qui perd un temps les valeureux gosiers toujours prêts à "enchaîner" ou renvoyer de plaisir.




Madeleine ou Mandarine...
Une fois les effluves d'un (relativement) lointain passé, riche et sucré de mélodies éternelles, évanouies, la soirée aura été propice à une mise au point essentielle, opérée en mode révélation et destinée à celles et ceux qui n'auront pas daigné lâcher quelques maigres Euros pour investir dans la version vinyle ou CD de l'album récompensé d'une légitime Victoire en février dernier (comme évoqué en amont).
Dès le décompte entonné par le public, pour lancer Love Qui Peut, l'on ne peut guère que s'émerveiller de cette capacité qu'ils ont à créer de l'immédiateté à foison pour enchanter nos pavillons à l'aide de lignes mélodiques issue des sphères du genre, que oui. Digne de ses plus illustres devancières - 100 Mètres Au Paradis, Saint-Sylvestre, Un Homme Extraordinaire, Fous À Lier, Je Vais à Bang-Bang, Le Cygne, Un Monde Parfait, Une Vie Moins Ordinaire, Colore, Et Le Temps N'Attends Pas... - Love Qui Peut fascine et colonise de l'adhérent sans forcer : l'on se surprend alors à encore espérer, à se dire que, si le monde était doté d'oreilles mélomanes, celle-là serait forcément "planétaire" ; ou bien encore, que si elle pouvait profiter des divers trous perçant la Couche d'Ozone, pour s'en aller Philarmoniser aux abords de la Lune, Neptune, Jupiter ou Saturne, Venus and Mars (are alright, tonight !) nous ne resterions plus "seuls" longtemps dans l'univers à dater de ce beau moment de fraternité extraterrestre. Une version qui force le respect, qui plus est - vocalement et rythmiquement parlant - et qui nous fait oublier qu'ils ne sont jamais que deux, sur scène, là, à deux pas : "C'est dommage que vous ne puissiez pas voir nos pieds, ceux qui ne sont pas devant, parce que, on fait des trucs de dingues, avec nos pieds ! Au niveau du "haut", on fait très "old school", deux mecs avec des guitares, quoi, alors que, en dessous... À partir du second ou troisième rang, si vous pouviez au moins leur raconter, derrière..." (Jipé : rigolard, sérieux et frustré à la fois).
Outre le très emballé J'ai Couru, Les Souvenirs Devant Nous achève de réjouir le public, sans forcer ou heurter, tant il coule de source, une fois de plus : l'un des morceaux de Mandarine (ouaf, ouaf ! Ha non, merde, on dit plutôt "quartiers", vrai ? J'suis con...) qui pourrait aisément se caser au sein du plus abouti de leurs albums précédents, voisiner sans efforts apparents entre leurs plus grands titres ; c'est bien à "ça" que l'on reconnaît la qualité intrinsèque d'un nouveau morceau, n'est-il pas ? Lorsque celui-ci peut se glisser entre deux "mythes" passés sans déroger, ciller ou (faire) tiquer...
Logiquement enchaîné après Himalaya, Sherpa achève de convaincre les plus réticents qu'il faudra bien compter avec cet album au cours des années à venir, et s'fabriquer du vécu, du souvenir à foison, d'avec ; sur icelle, plutôt goguenard, le duo prévient la foule, de nouveau prête à pousser de la note à donf : "Faudra pas chanter comme au Vélodrôme cette année ! Plutôt comme à Leiceister, ou Gand !".
"Oh oui Tip, top 
/ Oh la vie est belle / Et notre équipe 
/ Tape aux anges dès l'aube..." (Sherpa) : afin que de leur rappeler, à ces présumées entités ailées censées nous entourer et nous soutenir, que le paradis de la Pop Française se trouve juste-là, là, posté à portée ? Qui sait...




Non Classiques, Revisités...
"Il y a des chansons que, nous, on estimait un peu "cultes", et qu'on prend beaucoup de plaisir à chanter, comme Danny Wilde, Himalaya, ou Confessions d'Un Vieux Serpent, qui ne sont pas des "tubes", mais qui sont importantes pour nous..." (Jipé & Jean-Cri/Moulin-Interview du jour).
Il est toujours plus qu'agréable, en effet, de pouvoir sortir un temps des sentiers (à hits) battus pour redécouvrir certains "enfants naturels" moins exposés en leur temps ; tel ce malin Danny Wilde, qui voit Jipé effectuer de la belle ouvrage sur six cordes électrique, tandis que je me surprends à coller, côte à côte, comme lors du générique du fameux feuilleton Amicalement Vôtre, les photos de nos deux Innocents : depuis la lointaine pochette de Pamela (1985), jusqu'à la couv' en N&B du tout dernier. Préfigurant déjà le futur, envoûtant et plus que recommandé, Clair(Jipé en solo en 2009) Himalaya bénéficie d'une sorte de boucle de guitare (ou bien, guitare en boucle ?) en mode Seul Alone, qui réjouit et ravi d'autant ; avant que le trop souvent "oublié" Dentelle, ne vienne nous rappeler que la belle ouvrage, l'artisanat "local" (et non low cost !) prime toujours sur l'industriel balisé et reste gage de qualité : "Sur les vieilles roses, du couvre-lit / J'entends les choses d'ici / Dehors explose, le genre humain / Sans même une cause / Pour rien... ". Une suite de moments "off", qui s'achèvera avec l'arrivée attendue, du doux, suave et "rond", Colore, pour le plus grand plaisir des "locaux" du soir et autres voyageurs en transit (depuis Toulouse, Toulon, Nice ou Avignon, ce soir, si, si !) une fois de plus enchantés par ce voyage accompli ET partagé : Colore la foule / Colore mes veines / Chaque jour, il me révèle / En chair de poule, en bleu du ciel / Et la foule, sort de mes veines / Oui, comme le temps est un ami / Il colore mon pays...".


On Se Souviendra...
Posé sur une intro ralentie et travaillée en mode "fausse piste", Un Homme Extraordinaire démontrera une fois de plus, à l'ensemble des présents, à quel point le duo aura marqué une partie de notre histoire musicale (pas) commune ; à quel point ils sont capables de se laisser aller à improviser et sortir amplement des rails sur scène, sans toutefois jamais lâcher l'affaire, niveau ligne mélodique et précision ; à quel point leurs deux voix se complètent, se confondent, se mêlent et se colorent l'une l'autre : avant de monter à l'unisson pour clore leur passage du soir d'une dernière harmonie... puis prendre le temps de parler, signer, dédicacer, échanger ou se faire enfermer gentiment sur appareil numérique au contact de fans plus qu'en demande. Abouti et sincère. En tout point.
"Sans l'espoir d'apprendre, à leur apprendre / À ne pas compter les heures / Qui s'enroulent et qui meurent / Que leur dire ? / Qu'ils viennent sur terre juste pour y répandre / Un peu d'amour et quelques cendres... Qui se souviendra ? / De ceux qui ont une histoire...".




Le Moulin/Setlist :
Les Philharmonies Martiennes
Les Cailloux
Un Monde Parfait
Danny Wilde
Love Qui Peut
Le Cygne + Le Téléfon (Nino Ferrer)
Dentelle
Himalaya
Sherpa
Les Souvenirs Devant Nous
Mon Dernier Soldat
Jodie + Talkin' About A Revolution (Tracy Chapman)
J'Ai Couru
Un Autre Finistère + Voilà l'Été (Les Négresses Vertes)
Confessions D'un Vieux Serpent
Colore
Un Homme Extraordinaire



Préquelle...
Visiblement plus qu'heureux d'"ouvrir" pour les Innocents - il n'aura eu de cesse, que de le répéter de longue et pousser le public à se réjouir de la venue céans du duo !- le leader de Blind Cinema, aura plutôt fait le job : équipé d'une acoustique, d'une voix, de compos aérées et même d'un comparse inattendu (assis peu ou prou sur le même répertoire) le temps d'une paire de titres et d'un partage de scène final... manifestement goûté par les "présents". Ce qu'on demande à une première partie, en somme. Globalement réussi.

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