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Chronique de Concert

Klub des loosers + Drixxxe & Dabaaz

Rex club - Paris 26 janvier 2005

Critique écrite le par

C'est la première fois que je me rendais au Rex Club et j'avais une petite appréhension au moment de quémander le passage au noir physionomiste qu'il est de coutume de trouver à l'entrée des discothèques. Trois types venus comme moi pour le Klub des loosers étaient en délicatesse avec le cerbère. Ils étaient sobres, calmes et habillés de façon passe-partout, mais cette fois, justement, ils ne passaient pas. "Ah ouais, je vois, s'indigne l'un d'eux, on n'est pas assez branché pour pouvoir participer à cette soirée et ben, tu vois, c'est exactement ce genre de comportement que dénonce Fuzati dans ces raps." Moi, l'habillement n'est pas mon point fort. A 29 ans, c'est toujours accompagné de ma mère que je vais dans les magasins de vêtements. Mercredi soir, je portais un pull de ma grand-mère, d'après un modèle du catalogue Bergères de France. Il était couleur rouge corrida. Et je suis passé. Retenez bien amis exclus : rouge corrida.

L'entrée était gratuite. Il s'agissait d'une soirée organisée par le magasine Clark, un trimestriel consacré à la culture hip hop.
"Dans le hip-hop une règle est de ne pas dire du mal des prostituées
On ne se moque pas du travail des mamans des MC français.
Comment crois-tu qu'ils connaissent tous aussi bien la vie de rue ?"

Il y a assez peu de Corses dans le rap, ce qui explique que Fuzati, aka le Klub des loosers, auteur de ces paroles, soit encore de ce monde. Néanmoins celui-ci se produit le visage masqué. Cela ajoute une aura de mystère à son personnage et peut-être cela lui assure-t-il un semblant de protection contre ceux que son fiel pourrait blesser.



Ce soir il est accompagné par Detect aux platines. Les deux portent ces vestes que le chanteur de Franz Ferdinand a mises à la mode. Fuzati boit de l'Evian. Le public est chaud. Il y a des casquettes et quelques décolletés. Detect envoie d'abord quelques morceaux de hip-hop brulants. Shimmy Shimmy Ya, d'Old Dirty Bastard, Dans le club de TTC ... Fuzati crie "Faites du bruit !" en direction du public toujours chaud. Ca tranche avec l'ambiance de son album Vive la vie qui fait la chronique de son ennui et de sa misère sexuelle. Mais on a beau être dans une discothèque, lieu de sociabilité et d'amusement, le Klub des loosers n'a pas changé de répertoire et Fuzzati interprète ses hymnes à la solitude et au suicide :

"Si la vie était un test de mathématiques tu aurais zéro pour ne pas
avoir su calculer cette identité remarquable que je suis.
Mon envie de me soustraire à ce monde demeure proportionnelle
à ma faculté de savoir multiplier les échecs.
Et je n m'excuse pas si je ne te calcule pas.
Moi si je suis nul en maths c'est que je n'ai jamais compté
pour personne.
Arpentant les rues je croisais la petite fille aux allumettes
mais la trouvant trop froide me dis que ce n'était pas la peine.
N'y a-t-il que dans les crématoriums que l'on trouve
de la chaleur humaine ?"


C'est sinistre et c'est encore plus sinistre dans le contexte d'un night-club.

"Lorsque ce genre de fille se fait malheureusement engrosser
il arrive qu'elle donne naissance à un enfant de sexe féminin.
Voilà la manière dont les salopes se reproduisent."




Et face au MC, des filles se déhanchent, en pleine extase musicale.
Malheureusement, la voix de Fuzati est sous-mixée. Lui-même n'est pas au meilleur de sa forme. La performance est en demi-teinte. Il n'en reste pas moins que je vous conseille d'écouter attentivement son disque. C'est acide, c'est morbide, mais c'est vrai. C'est honnête ce qui est très rare dans cette discipline de beau parleur rouleur de mécanique. Et pour certains, cela permettra de prendre de biens meilleures leçons de français, comparé à d'autres laborieux rimeurs.



Drixxxe ne fait pas de rime. Il était donc à l'abri de toute comparaison avec son prédécesseur. Drixxxe appartient au groupe Triptik dont il est le producteur (je ne connaissais pas, je pensais qu'il s'agissait d'un résident du club le Triptyque). Avec son compère Dabaaz il a aussi participé au projet QHuit, qui avait vu la rencontre au sommet entre les Svinkels, TTC, DSL et d'autres encore. Ce soir, Drixxxe nous montre ses talents de DJ en compagnie de Dabaaz, qui jouera son rôle de MC en ne scandant qu'une seule et même phrase : "Drixxxe is not a DJ".



C'est le titre d'un disque mixé à paraître. Drixxxe ne travaille qu'avec des CD, pas de vinyle. Il a ses fans dans la boîte, des garçons et des filles qui n'attendent qu'une seule chose ; qu'il appuie sur la touche play et lâche ses gros beats et ses bastards mixes. Il commence avec Smells like Teen Spirit. C'est gras, c'est lourd, c'est dansant et ça danse ! Pas de round d'observation. Les jeunes qui sont là ne sont pas venus pour faire les timides.



Moi aussi je réagis..., surtout sur un morceau où on entend Baggy Trousers de Madness en version accélérée. Je ne sais pas avec quoi il frelate le rock, mais je reconnais encore Whole lotta love de Led Zeppelin, Purple Haze de Jimi Hendrix, ACDC, les Beastie Boys, Close to me de Cure et Nirvana, à nouveau, pour boucler la boucle. Et c'était tellement bon que j'en ai enlevé mon pull.

 Critique écrite le 27 janvier 2005 par Bertrand Lasseguette