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Chronique de Concert

Krassport / Erik Truffaz

Krassport / Erik Truffaz en concert

Cloître des Carmes - Avignon 06 Août 2011

Critique écrite le par

Première soirée de clôture pour cette 20ème édition du Tremplin Jazz d'Avignon, dans le magnifique Cloître des Carmes. Ce soir, dans ce site de rêve, nous allons pouvoir découvrir en première partie les vainqueurs du concours 2010, suivis par Erik Truffaz en quartet. Un beau programme de jazz qui s'annonce.



Pendant la petite session acoustique offerte par l'accordeur, on peut prendre le temps de profiter de ce lieu de toute beauté, histoire de se mettre dans l'ambiance et de profiter de la douceur du soir qui tombe.

La première partie, donc est assurée par un trio de jeunes allemands, Krassport, qui ont obtenue l'année passée à la fois le grand prix du jury et celui du public. A la lecture du programme, je suis impatiente d'entendre ces jeunes prodiges qui ont ainsi fait l'unanimité. Et lorsqu'ils arrivent, ils s'installent en toute simplicité (leurs partitions tiennent avec des pinces à linge oranges !) et commencent par une petite musique douce jouée au xylophone ... qui est bien trompeuse ... Parce que, très vite, arrive la grosse artillerie !! Une entrée en matière toute en puissance, avec laquelle s'alterne, à intervalles réguliers, la petite musique du début. Ils passent leur temps à jouer sur les dissonances et le contraste. Cela donne une musicalité très particulière, qui me séduit beaucoup. Et ils partent dans de magnifiques digressions un peu folles, qui reviennent à chaque fois au thème initial.



Le batteur se transforme sans sourciller en percussionniste, comme penché sur ses "cornues" avec sa drôle de petite mallette à musique. Des démarrages monosyllabiques au piano, repris par la guitare, amplifiées par la batterie. Des crescendos d'une intensité fabuleuse.

Le pianiste s'arme d'une antisèche pour nous faire une présentation en français, nous expliquant leur travail sur l'oeuvre de de Gustav Holst : le mot d'ordre est Désarticulation de standards, pour obtenir ... Du Krassport. Et lorsqu'ils jouent, la complicité de leurs regards nous donne à lire un immense amour du jazz dans leurs yeux. Le battement de cœur vient de la guitare, au centre, relayé de droite et de gauche par les déchainements de la batterie et du piano. Leur attention ne se porte plus un seul instant sur ce qu'ils jouent; ils ne font que se manger des yeux. Tous trois produisent une énergie fabuleuse lorsque le jazz se fait rock, puis musique expérimentale (jeu du piano à même les cordes). Chacun d'eux exploite toutes les sonorités de son instrument (roulement des baguettes à même les peaux des tambours, grincement des cymbales ...)



On retrouve à intervalles réguliers le thème initial : la fureur, la tempête ... Tous les éléments du cosmos. Ils sont à la fois hyper concentrés et professionnels, tout en étant d'une décontraction incroyable (avec leur air de gamins). Et quand on attaque des standards du jazz, le batteur fait encore une fois montre de sa virtuosité. Leur musique nous fait aller au-delà de la simple écoute : elle nous parle, fait écho à l'intérieur de nous. On entre dans un monde fait de sensations. Celle de passer d'un monde de la nuit à la lumière ... Et on la voit.

Jusqu'à la fin de leur set, leur musique va être tout à la fois, sérieuse, pro et ludique. On se croirait au centre d'une boite à musique dont les automates se mettent à changer de rythme, à ralentir ... Puis le mécanisme s'emballe, fait n'importe quoi et la machine semble cassée.



Personnellement, j'ai passé un moment de vrai plaisir avec ces trois jeunes gens. Et sur la fin (quand justement la mélodie s'est faite plus douce ... pas de chance) une partie du public s'est levée pour aller faire je ne sais quoi. Vraiment dommage de ne pas ouvrir son esprit à une telle créativité. Et le problème de ce genre de site à ciel ouvert, c'est que lorsque les gens en ont marre et vont faire un tour à la buvette : ceux qui restent on le déplaisir de profiter de leur conversation !! Alors j'ai entendu "Erreur de casting" au regard de la suite du programme (Erik Truffaz) ??!! Et bien non, je ne trouve pas. C'est une musique différente, bien sûr, mais justement : cette personnalité à part, cette recherche d'une autre musicalité, cet esprit novateur (que l'on peut retrouver chez un Nicolas Cante par exemple), le fait de balayer les standards ... Je trouve qu'il y a un vrai parallèle entres ces artistes. Alors ne restons pas fermés à d'autres écoutes et laissons nous imprégner par ces courants novateurs, même s'ils peuvent être moins facile d'accès. Il faut écouter Messieurs Dames ... Il faut apprendre à écouter ...



Setlist
Mars - The Bringer of War
Jupiter - The Bringer of Jollity
Saturn - The Bringer of Old Age
Uranus - The Magician
Neptune - The Mystic


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Après le changement de plateau, c'est au tour d'Erik Truffaz de monter sur scène. Petite annonce pour présenter, s'il est nécessaire, cet immense musicien. C'est la troisième fois qu'il participe à ce tremplin de jazz avignonnais : dont une fois dans la cour du Palais des Papes (et la première fois, il y a 20 ans .... d'où cette invitation en forme d'anniversaire).



Dès les premières notes, c'est juste magique !! La pureté de ce son qui monte dans la nuit, sous le ciel étoilé. Le clavier qui fait écho à la trompette en lui répondant à l'infini ... Du talent à l'état pur.

Et du talent, ils en ont à revendre tous les quatre. Marcello Giuliani s'arc-boute sur sa basse, littéralement pénétré par la musique. Benoît Corboz passe de l'orgue au piano, habité par la même passion et le même élan. Alberto Malo, à la batterie, remplace sans démériter Marc Erbetta, initialement programmé ce soir. Quand à Erik Truffaz, il nous offre toute sa virtuosité et cette musicalité qui lui est si particulière : un trompettiste exceptionnel, capable de vous transporter dans son univers de jazz, mixant électro, hip-hop et drum ... un mélange unique et d'une intensité incomparable. Ces quatre musiciens, qui se connaissent parfaitement, semblent flotter chacun dans leur bulle, tout en étant en parfaite osmose. C'est comme dans ces couples qui ont partagé des années de complicité, de confiance et de respect : quand un simple regard ou l'ombre d'un sourire esquissé suffisent et que les mots deviennent superflus.



Le rythme est changeant selon les morceaux. Lorsqu'il devient effréné, on est totalement emportés. Et j'adore cette manière qu'à Erik de regarder ses complices, habités eux aussi par la musique. Il est là, dansant légèrement sur place, les mains croisées sur sa trompette, une spectateur comme nous, parfois les yeux mi-clos. Il semble être ailleurs et faire totalement abstraction du public qui est devant lui. Son charisme et sa présence sont justes fabuleux ... Et tout cela, dans la plus grande simplicité, l'humilité d'un immense artiste.



Le public est fasciné (et il y a de quoi), bouche et yeux grands ouverts quand il s'avance en bord de scène. La densité musicale, l'intensité de l'énergie : tout est là.

Il nous adresse quelques mots en milieu de set, pour nous faire partager son plaisir d'être présent ce soir, honoré de participer au 20ème anniversaire de cette belle manifestation de jazz.

Puis l'on repart sur In Between, avec son solo de malade à l'orgue. Ça part dans tous les sens et c'est Erik qui donne le signal de la fin en levant une main, tout en continuant à jouer. Tout à la fois partie et chef d'orchestre. Puis cela va être au tour de Marcello de faire son show ... Tant et si bien que le public ne peut s'empêcher d'applaudir en plein milieu de morceau. Truffaz, lui, est à la limite du déséquilibre. La musique l'habite totalement, comme si elle avait un réel pouvoir de possession à la fois sur les musiciens et sur l'auditoire. Alors, vous imaginez l'état de grâce qui emplie l'atmosphère quand une série de lucioles (faites de bougies flottant dans de petits sacs de papier) traverse le ciel au dessus de nos têtes.



Les morceaux, plus sublimes les uns que les autres vont se succéder : Les gens du Voyage, La Chanson d'Hélène (extraite du film Les Choses de La Vie de Claude Sautet) interprétée à l'origine par Romy Schneider & Michel Piccoli ... Toutes ces musiques, ces chants sans paroles, parlent, nous parlent. C'est très particulier cette sensation qu'on vous murmure des choses à l'oreille, directement dans votre cerveau même. On est emporté et notre esprit quitte tout contrôle. C'est véritablement la magie des notes. Et, en plus, tout cela semble être réalisé sans le moindre effort, comme coulant de source, avec grâce, naturel et simplicité.

Après la fin du set principal, ils vont revenir pour deux dernier morceaux.
Pour le premier rappel, Marcello va partir à fond et comme toujours, il a l'air de prendre autant de plaisir à jouer, que nous à l'écouter. Quand à Benoît, il va nous offrir une session de malade, ne tenant même plus en place sur son siège, changeant de clavier et faisant son show sous les bravos d'un public complètement électrisé, sous le regard bienveillant d'un Truffaz, sourire aux lèvres.



La fin sera de toute beauté, comme le reste, avec une note tenue qui va sembler pourvoir restée ainsi suspendue, hors du temps, pour la nuit durant.

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