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Chronique de Concert

MacAlpine / Sheehan / Donati

Jas'rod - Pennes Mirabeau 21 Octobre 2007

Critique écrite le par



Quel tour de force! Le trio Donati/Macalpine/Sheehan a su enthousiasmer, de l'aveu des plus sceptiques, un public allant des accrocs de virtuosité aux hermétiques de démonstrations techniques. Sur l'affiche d'une telle formation, on avait tendance a priori à focaliser sur le guitariste, à penser que le concert allait graviter autour de son ego. Issu de la vague des guitar-heroes des années 80, des shredders ou "branleurs de manches" pour les détracteurs du style, on fait trop souvent l'impasse sur son éclectisme musical, et on (le Wikipédia par exemple) ne retient aujourd'hui de Tony Macalpine que son retour auprès de Michel Polnareff (fait rarissime, on a pu voir un bon guitariste le 14 Juillet sur une chaîne publique !) ou son rôle de second couteau derrière Steve Vaï. D'ailleurs, mauvais souvenir que ce concert au Moulin, où Steve Vaï, en plus d'avoir un son miteux, avait complètement éclipsé ses musiciens, laissant Tony Macalpine dans l'ombre (au sens propre du terme) et un doute aujourd'hui dans ma mémoire à savoir si Virgil Donati était déjà derrière les fûts. Ce soir, au contraire, la partage équitable de la scène entre les trois musiciens a été le socle du concert. Ces trois musiciens hors-pairs qui ont joué avec la crème du hard-rock ou du jazz-rock, comme Allan Holdsworth, Dennis Chambers, Greg Howe, Terry Bozzio, Steve Vaï, Paul Gilbert...nous ont délivré des compositions de leurs collaborations passées et des compositions inédites de leur projet commun Devil's Slingshot. Durant 1h30 de prestation, ils ont mis à mal les idées préétablies que l'on pouvait se faire du concert, idées confortées peut-être par le déroulement de la première partie. Reprenons donc les choses à leur début...

La soirée commence par une petite satisfaction sadique : sortir de Marseille par la voie déserte de l'autoroute en regardant à contresens une file interminable de voitures qui s'acheminent au pas vers le stade Vélodrome (que les supporters de foot se rassurent, ils me l'ont bien fait payer à mon retour du concert en me bloquant une bonne demi-heure au rond-point du Prado). Au terme de ce moment de grâce, nous arrivons dans le parking du Jas'Rod où le nombre de voitures, rarement égalé à ma connaissance, indique que Macalpine déplace encore les foules même un soir de OM-Lens.
Aux grilles d'entrée, des gars distribuent des flies du concert à venir : Monsters of rock tributes : Iron Maiden - AC/DC . Ce soir, l'ambiance au Jas'Rod, c'est un peu Back to the future : sous le signe du hard-rock des années 80... Hélas la Dolorean qui nous a conduit jusqu'ici n'a pas rattrapé le petit 1/4 heure de retard à l'horloge du tableau de bord, et quand nous pénétrons dans la salle de concert la première partie a déjà commencé (il faut dire que si je n'avais jamais connu le parking aussi plein, je n'avais pas connu non plus le Jas'Rod aussi ponctuel, avec un lancement de concert moins d'une 1/2 heure après l'ouverture des portes annoncée).

20h00 Seul sur scène, coincé entre batterie, amplis et claviers, un jeune guitariste, pass autour du cou et un strato bien usé (pardon : vintage) à la main, abreuve le public d'un déluge de notes sur un accompagnement enregistré. Quelques secondes suffisent à nous convaincre que les dieux de la guitare se sont penchés sur son berceau, et quelques secondes de plus, le temps d'un chorus joué en sweeping et repris au clavier, à nous convaincre que les dieux du piano s'y sont associés. Dextérité, rapidité, technique, virtuosité...bref, l'énumération du lexique du guitar-hero colle au jeune gaucher. Ce que ne dit pas le lexique, c'est son nom. Je suppose qu'il a été mentionné au début de la prestation, mais à aucun autre moment. Ayant le privilège d'avoir un voisin de bureau dont le privilège est d'avoir joué avec ce surdoué et non de m'avoir comme voisin de bureau, je savais avant ma venue qu'il s'appelle Alex Brachet.



Après la tempête (prise en cours) de Dark desires, et quelques craquements de jacks incongrus, l'éclaircie d'une belle ballade vaïesque se dessine dans une boucle d'arpèges lancée par le guitariste. Au manche de son Ibanez 7 cordes on sent Alex Brachet un peu hésitant dans son jeu de scène : lever le menton vers le ciel en guitariste inspiré, mais ne pas en faire trop, on sent le dilemme. Pas de parole superflue, juste un "Merci, la prochaine : Slave utopia", et c'est reparti pour un style plus métal progressif avec une rythmique bien grasse, jouée pa la suite les cordes à vide, permettant ainsi au musicien de jouer d'une main de la guitare et d'assurer de l'autre un chorus de clavier, pour un résultat assez bluffant (si vous voulez vous faire une idée de ce dont est capable ce gars au piano avec une seule main, jetez un oeil sur sa vidéo de Godowsky left hand only chopin study 12op.25 disponible sur youtube). Par contre, j'avoue que je suis un peu rétiscent au son choisi pour le clavier qui rappelle des sons futuristes des années 80 (obsolètes aujourd'hui), et le son de la basse sur la bande enregistrée est un synthétique. À la fin du morceau, accélération vertigineuse du médiator, style moulineur, (shredder en anglais). Riff plus rock et intro van halenienne avec Mr.Slowfinger, mais une balance entre la guitare et la bande son de plus en plus désagréable : charleys trop fortes. La main droite redoutable et véloce d'Alex Brachet court de nouveau sur les touches du clavier dans un chorus aux couleurs blues-jazzy, avant de bondir çà et là sur les cordes de la guitare balayées par sa main gauche. Craquement rituel de jack, avant une déclaration qui laisserait à penser qu'en musique impossible n'est pas Brachet : "ce morceau est injouable!". Et pourtant, c'est à toute vitesse et sans anicroche que déboule le néo-classique Dance of the crazy elves (adaptation pour guitare d'un morceau écrit pour violoncelles). Un passage lent, hélas une fois encore gâché par des bruits parasites, permet à tous de reprendre du souffle avant de repartir pour une chevauchée parcourue d'un thème joyeux presque helloweenesque (avec un -e-, c'est volontaire).
En 35 minutes j'ai été convaincu que ce jeune musicien surfe déjà avec les aliens de la guitare. Par contre, plus dur de me faire une opinion sur la valeur ajoutée, l'originalité de ses compositions qui ont pour moi un certain goût de déjà-vu. Alex Brachet semble porter le flambeau d'une race de guitar-heroes qui a aujourd'hui (et je suis le premier à le regretter) perdu de son aura. De plus il est bon de profiter du moment du concert pour enrober les compositions d'un jeu de scène, de les rendre plus assimilables afin de toucher un public plus large que celui des musiciens : adopter, par exemple, des poses improbables ou pratiquer l'autodérision des Mattias IA Eklundh et autres Christophe Godin. Sur ce point, Alex Brachet semblait manquer d'assurance, mais il s'imposait un lourd handicap en jouant seul sur des bandes sonores. D'ailleurs j'espérais fortement qu'il revienne sur scène rejoindre le groupe de tête d'affiche, où je pense que sa présence aurait eu tout autre dimension. Hélas, ce ne fut pas le cas.
(Pour en savoir plus sur Alex Brachet, on peut trouver une interview dans https://thejemboy.free.fr/eGuitareMagazineN12-Mars.pdf).

21h00 Dans le noir et sur des nappes d'ambiance, 3 silhouettes prennent place sur scène. Un glissé au médiator et le groupe ouvre le set avec Winter In Osaka de Tony Macalpine. À tout seigneur tout honneur, le son est bien meilleur qu'en première partie de soirée, plus compressé et justement équilibré, on reste agréablement surpris de ne pas se faire déchirer les tympans. Pourtant la section rythmique n'y va pas de main morte; Billy Sheehan dès les premières notes du morceau, à fond dans son trip, épluche frénétiquement de sa main droite les cordes d'une basse qu'il ne cesse de pointer dans toutes les directions.



Sa présence scénique, sûrement surdéveloppée pour survivre aux côtés de Steve Vaï et David Lee Roth, est énorme : on a du mal à le quitter des yeux alors qu'à côté de lui Tony Macalpine, sous sa casquette, a déjà lâché quelques mélanges de sweeping et de tapping nets et sa bavure. Virgil Donati, derrière son original set de batterie (3 charleys, 2 caisses claires, des toms à hauteur de cymbales) soutient d'une main ferme et d'un pied souple, mais sans fioriture. Thème harmonisé, petit interlude de basse, ce premier morceau, classique dans son genre, plonge les fans en territoire connu et entraîne les autres sans résistance. Changement de guitare et "petite révolution" avec Nederland. Avec ce titre original du Devil's slingshot, le trio prend le contrepied de tous ceux qui pensent que, comme la nature, les guitar-heroes ont horreur du vide : pas d'avalanche de notes, pas de chorus à perte de vue, mais un rythme, un groove jubilatoire. Un couplet bien lourd au son de la 7-cordes doublée par la basse, aux cris des cordes aiguës et à la caisse claire assassine, un prérefrain plus entraînant pour headbanguer, un refrain au thème héroïque et deux breaks, l'un métal où les temps se comptent à grands coups de charleys et un autre plus jazz-fusion. Et le chorus ? Pas plus de 30 secondes pour plus de 6 minutes de morceaux ! Ça ressemble à un morceau de métal progressif auquel on aurait retiré les paroles, sans pour autant que celles-ci manquent. Certains qualifient ce titre de néo-métal, j'y retrouve une ambiance de formations bien antérieures à ce courant, comme Coroner avec son album Grin et des titres tels que Serpent moves (quasi-instrumental).



En tous les cas, une bonne surprise et une bouffée d'oxygène avant de replonger dans un morceau d'armes de Tony Macalpine : Empire in the sky. C'est avec une décontraction et une humilité déconcertante que le guitariste ravive ce titre, alors qu'à ses côtés, Billy Sheehan n'en finit plus de saisir sa basse par toutes ses extrémités. Un mouvement de vibrato, une intro basse/batterie et le groupe poursuit par une composition plus récente de Tony Macalpine. Chromacity à l'allures néo-classique est l'occasion pour ce dernier d'alterner la guitare à son autre instrument, le piano, sur lequel il revient plus tôt que prévu, n'arrivant plus à reprendre le contrôle de sa 6-cordes. Virgil Donati en profite pour placer un petit solo en fin de morceau, et utiliser enfin ces toms aux placements atypiques. Mais avant l'heure ce n'est pas l'heure, et même si le public scande son nom, le batteur préfère entamer une discussion qui sera sans doute moins longue qu'un solo.



Mais après un "Hey, Marseille!", devant le problème de guitare qui persiste il se résigne à annoncer un "break" et se retire avec Billy Sheehan. Tony Macalpine, lui, revient derrière son piano, et dos au public pour un interlude acoustique. Après qu'un technico-exorciste a libéré le matériel du guitariste de ses démons, c'est une deuxième composition du trio qui relance le set, une composition dans la veine de Nederland. Cette fois c'est de l'essence de Prove you wrong (l'album) de Prong que je retrouve dans Lay off : un son puissant, un groove martelé, et un rythme saccadé sur le break. Un peu plus de mélodies de guitare cette fois, mais pas d'excés de vitesse, et toujours un nectar de chorus concentré dans 30 secondes. Un larsen contenu sert de tremplin à Don't look down. Avec ce titre de Billy Sheehan, c'est le duo basse/batterie qui prend les devants et s'accompagne des accords du guitariste. Avec un son de disto dément, c'est un peu le Satch Boogie de Satriani (c'est un pléonasme) version 4 cordes qui glisserait sans crier gare vers la partie "folle" d'Anesthesia.



Le tempo retombe avec Ballade de Bastille, troisième composition du Devil's slingshot qui malgré son titre est quand même un morceau enjoué, notamment grâce à de supers parties de batterie de Virgil Donati. L'ambiance du morceau permet de nous faire apprécier les premiers chorus en son clair des cordistes. C'est l'acalmie avant la tempête. Maintenant sous une douche, le batteur abandonne son shuffle pour un jeu de double grosse caisse style sulfateuses. De sa propre composition, Dog Boots est un morceau rouleau compresseur pour lequel les trois protagonistes se donnent à fond. Les cordes de la basse bourdonnent aux supplices des abducteurs et tendons extenseurs de la main droite à faire pâlir ou rougir de honte Steve Harris, la caisse claire claque au rythme du grin-métal, les cordes de la guitare voient double avec une main gauche qui passe de chaque côté du manche. Bref une tuerie !




La cadence ne faiblit pas pour le néo-classique The witch & the priest mené au train d'enfer de la basse et de la double grosse caisse. Billy Sheehan qui étanche son front à grand coup de bracelet en éponge, se lance dans un face à face en tapping avec Tony Macalpine. Virgil Donati enchaîne avec un court solo, puis décide de jouer les troubles-fêtes dans un nouveau jeu de questions-réponses des cordistes.



Le temps pour Tony Macalpine de laisser sa guitare et d'annoncer une composition de Billy Sheehan et The suspense is killing me emboîte le pas. Sur la progression des accords du thème de James Bond jouée au clavier, le bassiste entame un phrasé prolixe, prélude à près de 10 minutes de solo. Jeu en accords, tapping avec une tenue originale des doigts de la main droite, lâché d'harmoniques, son clair, distortion, inspirations classiques, riffs soutenus, effet de vibrato en tordant son instrument...Billy Sheehan envoie toujours plus fort jusqu'au retour de ses acolytes, accueillis par un public qui scande "Billy"! Après le prénom du bassiste, c'est le thème au délay de Stream Dream qui résonne dans la salle du Jas'Rod. Nouvelles envolées de guitare et chorus jazzy en son clair de basse sont accompagnés de quelques percussions électroniques. Tony Macalpine n'aura gardé sa guitare qu'un morceau, avant de rejoindre au piano le duo rythmique sur le riff dream theateresque de TAJ. On devine au petit manège de Virgil Donati qui place de plus en plus de trucs tordus que l'heure du solo a sonné. De roulements spatiaux de toms en rythmes syncopés de caisse claire piccolo, de frappes de double grosse caisse en crashs de cymbales aux baguettes tournoyantes, le batteur emporte à son tour le public dans 10 minutes de virtuosité qui se terminent dans un fracas visuel et sonore. Dans un rythme beaucoup plus linéaire, le trio termine avec Christmas Island. Pour se titre Tony Macalpine va aussi réaliser l'exploit de jouer de la guitare et du clavier en même temps...Mais avec 3 bras! Dans son dos, un roadie vient plaquer sa main gauche sur le manche (pour barrer une position ou bloquer les harmoniques, je sais pas bien dire) : un petit numéro qui fait son effet. Puis le groupe se retire avec un "Merci Marseille !"



Après quelques minutes de cris de sollicitations, un son de vibrato se fait entendre depuis les coulisses. Tony Macalpine revient seul sur scène jouant un thème néo-classique avec des envolées de sweeping-tapping mais avec un son trop aigu voire strident. La section rythmique le rejoint pour un entraînant Confrontation with the electric bees avant de conclure par Naked Nancy. Le guitariste profite de ce titre pour présenter ses deux partenaires, dont Billy Sheehan qui lui rend la pareille en demandant au public de scander "Tony en formant T avec ses mains". Il termine en faisant tourner sa basse par son strap, une basse dont les frets s'illuminent maintenant en bleu.
À 22h40, visiblement bien épuisé après avoir donné le meilleur de lui-même, Billy Sheehan tient à justifier le départ du groupe par un concert la veille en Espagne et lance un "Vive la France !".

Photos : Yoan-Loïc Faure

 Critique écrite le 11 novembre 2007 par Frédéric Bloise


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