Chronique de Concert
Manu Chao & The Doug
La Coopérative de mai, Clermont-Ferrand 16 avril 2022
Critique écrite le 25 avril 2022 par Pierre Andrieu
La superstar mondiale Manu Chao en version acoustique et intimiste dans la petite salle de La Coopé (450 places), ça se tente, non ? Trois ans après un passage parait-il mémorable dans la même configuration ici-même, on avait envie de ne pas rester sur la mauvaise impression du show ultra bourrin et surtout très mal sonorisé donné au stade Marcel Michelin pour Europavox en 2017 et sur le souvenir mitigé d'un show au Zénith d'Auvergne trop long et répétitif en 2008. On se dit également que ce sera une bonne occasion de pouvoir apprécier dans des conditions idéales les perles reggae folk world de l'album "Clandestino", qu'on a beaucoup écouté en 1998, et les chansons populaires façon Titi parisien gouailleur du disque "Sibérie m'était contée", sans oublier les perles punks de l'époque de La Mano Negra. Petit détail croustillant, notre pote de concert ce soir n'est autre que notre père, 80 ans au compteur, et néanmoins fans des vidéos youtube du célèbre altermondialiste adepte - comme ses aficionados, évidemment - des bonnets et ponchos péruviens, des casquettes militaires à la Fidel Castro et des pantacourts/shorts longs (résumé vestimentaire un peu facile, il est vrai).
The Doug
Arrivé tôt pour pouvoir trouver un endroit où notre papa puisse s'asseoir (mission accomplie !), on se cale à notre place habituelle non loin de lui et de la régie pour attendre la première partie, qui sera assurée par le jeune artiste clermontois The Doug. Petite étude sociologique du public, beaucoup de jeunes habillés à la zadiste (pas d'ironie, on respecte beaucoup les gens qui se sont battus à Notre-Dame-des-Landes), pas mal de vieux fans de La Mano et un voisin de concert qui ne déçoit pas : il est adepte de l'audacieux combo dreadlocks/pantacourt et il est sympathique... Bref, quand The Doug se pointe sur scène on se dit qu'il va peut-être se prendre un vent de la part du public de Monsieur Chao, qui commence à bien remplir la salle. Et bien que nenni, en deux temps trois mouvements le mec réussit à se mettre tout le monde dans la poche avec ses titres tour à tour (ou à la fois) chanson, rock et rap, voire folk. Seul en scène, s'aidant parfois d'une guitare (acoustique ou électrique) l'auteur de l'EP "Jeune The Doug" balance des titres très bien foutus sur lequel on remarque en premier lieu sa voix, grave et évocatrice - dans le style d'un certain Alain Bashung, excusez du peu ! , et des textes mélancoliques et trash qui viennent des tripes. Cabossé par la vie mais debout, The Doug à un paquet de titres forts à son répertoire : sa dernière parution, "Dans le décor", fait se serrer la gorge, le morceau parlant de sa (notre) ville est un imparable tube rock & radiophonique, sa reprise de Georges Brassens, "La mauvaise réputation", étant, quant à elle, bien troussée dans le style électro pop... Pas de faux pas, tout est envoyé dans le mille ! Un petit salut à "Manu" (avec qui il a visiblement sympathisé... ) et on se donne rendez-vous ici-même le 3 mai pour la release party de son EP cité plus haut.
Manu Chao
Tous les fans sont arrivés, le club de La Coopé est plein comme un œuf (tous les billets au tarif unique de 20 euros - bel effort ! - ont trouvé preneur... ), il est l'heure pour Manu Chao de faire son apparition sur scène, un grand sourire aux lèvres. Accompagné par Lucky Salvadori, à la mini guitare acoustique solo, et Philippe Teboul, alias Garbancito (ex Mano Negra), aux percussions, l'homme répond aux tonnerres d'applaudissements en saluant longuement les premiers rangs. Puis il propose un "petit voyage en Sibérie", avec de nombreuses et touchantes chansons en français extraites de son disque "Sibérie m'était contée", où il joue à la perfection les Gavroche 2.0, comme sur le fédérateur "Fou de toi". Son leitmotiv "la vie est belle, le monde pourri !", souvent répété ce soir, est extrait du tube "Le p'tit jardin" qui fait un carton dans le genre chanson à la Renaud, à la fois innocente et émouvante.
Tout le monde tape dans les mains, hurle sa joie d'être là, répondant au quart de tour à toutes le harangues de Chao "ça va Clermont ?", "Je vous entends pas Clermont !". le gars doit être un peu dur de la feuille s'il ne perçoit pas les clameurs incessantes de ses fans, chauds bouillants et carrément en transe. Pour être franc, on a rarement vu une aussi grosse ambiance ici, c'est véritablement le feu. Le contraste avec le concert de Jean-Louis Murat quatre jours plus tôt, excellent mais où une atmosphère beaucoup plus feutrée régnait (ça nous allait, hein), est assez saisissant : deux salles, deux ambiances. Aux concerts de Manu C., tout le monde chante, danse et participe, c'est réconfortant et réjouissant. Il faut dire que le maître de cérémonie/chauffeur de salle ne ménage pas sa peine : il enchaîne les titres, les rallonge, les rejoue plusieurs fois, les fait reprendre par la foule, c'est un véritable festival !
Et pour couronner le tout, l'inarrêtable ex leader de La Mano Negra, en forme olympique, est très bien accompagné par l'excellent Lucky Salvadori, qui s'escrime comme un beau diable sur sa petite guitare, et par Garbancito, intenable aux percus. Les trois sont assis mais dégagent une énergie de dingue, et puis le dernier cité se lève souvent pour encourager les gens à chanter, taper dans leurs mains et cætera et cætera. Comme si ce n'tait pas déjà assez "caliente", Manu balance des "Chauffe Clermont !" qui jettent encore plus d'huile sur le feu. Connu pour donner des concerts marathon, Manu Chao ne faillit pas à sa réputation ce soir, il semble vouloir jouer tout son répertoire. Et quand on commence à un peu se lasser des rumbas, le fou furieux embraye direct avec ses tubes : "Bongo bong", "Mr Bobby", deux hits de "Clandestino", "La vida tombola" (jouée pour le grand Diego Armando Maradona dans le film de Kusturica sur ce dernier !), "Mala Vida" (remember La Mano), entre autres...
Après deux heures de show, le trio quitte la scène, ce qui nous permet d'"exfiltrer" notre père, qui fatigue un peu... Et qui du coup loupe son titre préféré, "Clandestino", joué au début de rappels d'anthologie et ultra enflammés, avec un très attendu "Desaparecido", figurant lui-aussi de l'opus tubesque en hommage à tous les clandestins du monde. Au deuxième rappel, Manu Chao demande "vous en avez pas marre ?" Visiblement non, puisque tout le monde continue à chanter à tue tête des "Yoyoyo Yoyoyoyo !!!", que n'aurait pas reniés le public de Bob Marley. Au bout de 2 heures 30, ce mémorable concert prend fin dans la joie et l'allégresse. Hilare et en apesanteur pendant toute la soirée, Chao a néanmoins pris soin d'être fidèle à sa réputation de gauchiste (ce n'est pas une insulte !) en disant "Non à la barbarie en Ukraine !" et "Non à la barbarie du Front National !" avant de regagner les coulisses. Pour mieux revenir parler à la cool, faire des selfies et boire des coups avec ses fans pendant des heures... Fatigué mais heureux, on quitte la salle rapidement, c'est le moment que choisit un zozo un peu aviné arborant un fort élégant poncho péruvien pour nous asséner le traditionnel "t'as pas une clope, man ?"
Photos : Yann Cabello www.yanncabello.com, www.facebook.com/yann.cabello.7, twitter.com/YannCabello, instagram.com/yanncabello...
Critique écrite le 25 avril 2022 par Pierre Andrieu
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