Chronique de Concert
Sable Sorcière + Jim Younger's Spirir (WA7)
Sable Sorcière par GammaGT
Mais qui est Sable Sorcière ? De la sève de barbare ? Un produit surnaturel du Valhalla ? Un viking voltairien des sound-systèmes avide de decapiter du jésuite ? Sa rousseur marque son allégeance à quelques sataniques espèces, incubes et succubes prêts à violer par le son et l'énergie. Entre chamanisme et occupation, c'est la guerre éclair, le rite pousse occulte tous les sourdingues qui barbotent dans la nappe phréatique adjacente à la scène où il officie.
Te un pan, le roux fait de ses instruments tourner une roue cosmique qui me fait danser frénétiquement. Comment un seul peut-il transpirer autant la trance ? C'est diablerie !
La moiteur est telle que l'on peut faire une croix inversée sur le mois de janvier sec. Après le chaud show, je pars m'hydrater de houblon à la buvette.
Jim Younger Spirit par Vv
Les salauds de la Pinkerton ont abattu mon cheval en pleine course, à moins que ce ne soit la soif qui ait eu raison de son cœur, quoiqu'il en soit j'ai culbuté cul-par-dessus-tête au rebord du canyon, et la malchance à voulu que la chute ne soit pas mortelle. Emporté par des éboulis, la glissade m'a emporté tout en bas de la falaise, où un dernier rebond sur un buisson de sauge m'a catapulté dans un boyau souterrain. Combien de temps se passa t'il avant le réveil ? Aucune idée. Devant moi une armée de cactus troglodytes barraient la route, et la seule chose que je pouvais apercevoir était les reflets bleus d'une rivière infernale dansant sur la voute basse de la caverne.
Alors, il y eut comme un bruit de silexs qui s'entrechoquaient, quatre chute de pierres successives, et tout d'un coup de la musique monta des tréfonds de la grotte.
D'abord, des accords et des pulsations, tassés, comprimés, distribués avec majesté contre les parois, ricochèrent sur les cactus. Ils se mirent à onduler. D'une main instinctive, j'arrachais la chair de l'un d'eux, la portant à ma bouche. Le suc amer du peyotl gicla entre mes dents, leur passage racornit mes veines, raidit mes nerfs. Le psychotrope dilata mes cornées, ma vision se voila d'un filtre de tartan rouge. Soudain une brise monocorde passa entre les riffs. Une note de synthèse s'enroula autour des cordes, comme un petit drone filiforme. Il ne faisait plus aucun doute, j'avais certainement échoué dans un sanctuaire shamanique, de ceux où les indiens Black Feet viennent marmonner des incantations.
Sur le dos, la bave aux lèvres, quelque chose poussait mon flanc, c'était un echo lancinant venu du coeur de la terre, une voix de femme native. Je pouvais l'apercevoir entre les ondulations des cactus. Peu à peu se devinaient les silhouettes des musiciens, les fantômes de hors la loi célèbre, les désespérés de la liberté. On avait pu leur faire des trous dans le corps, les pendre, les faire mourir les bottes aux pieds, on n'avait pas pu tuer l'esprit du rock'n roll, invoqué en secret ici par dieu-sait quelle force tellurique. Une mélodie de saxophone s'approcha de moi en serpentant sur le sol, se dressa comme un crotale au dessus de ma tête, et dans son regard vénéneux se reflètait toute l'amérique. Les vibrations s'unirent . Sur la paroi apparurent la grande vallée plate, les roches escarpées des Wasatch, les forêts de séquoias de l'Oregon, les pistes de caravanes, la route des pleurs, le désert de la mort où smurfaient des squelettes blanchis de forty-niners, les massacres de wounded knee et de la saint valentin.
Les visages rupestres du Kid Billy roux, d'Emmett Dalton sous acide, de wild Bill hiccups, de Jesse Jameson, de sobriety Jane et de Kittamaquund se succèdaient en projections géantes sur le calcaire, tous à fond dans leurs armes à musique. Peut-être etait-je destiné à perdre mon cheval pour témoigner du spectacle, je ne sais. Je ne sais. Je ne sais, continuai-je de me dire en boitant hors du goulot plein d'ordures qui mènait à mon campement... Mais maintenant, sous ma tente, mes blessures pansées, ma faim et ma soif etanchées, à attendre que l'effet du peyotl s'estompe pour retrouver ma cité grecque, maintenant je sais. Ce que j'ai vu et entendu. C'était l'americana. C'était Jim Younger's Spirit.
Critique écrite le 12 janvier 2023 par Vv
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