Accueil Chronique album : Leonard Cohen - You Want It Darker, par Philippe
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Critique d'album

Leonard Cohen : "You Want It Darker"

Leonard Cohen :

Pop - Rock

Critique écrite le 28 novembre 2016 par Philippe

"I'm ready, my Lord !". Bouleversante entame, pour un album crépusculaire... Merveille de la Nature, il arrive parfois qu'un chanteur malade, sentant venir sa fin, ait le temps de mettre de l'ordre dans ses pensées et d'enregistrer un album testamentaire, pour soigner sa sortie et commencer à accompagner ses auditeurs dans le deuil. Comme elle l'avait fait pour David Bowie, et plus anciennement pour Johnny Cash, la providence a bien voulu refaire ce cadeau, et on lui en sait gré, à Leonard Cohen, cette silhouette familière et élégante, chenue et discrète dans le paysage de la protest song américaine. On ne se lancera pas ici dans un retour sur sa longue carrière, on en serait bien incapable et d'autres l'ont très bien fait. De toutes façons à quoi bon... Susan, So long Marianne, The Partisan, Famous Blue Raincoat, Hallelujah, I'm your Man, Everybody knows... : chacun a probablement déjà sa propre chanson et son propre album mythique du songwriter à la voix gravissime et si chaleureuse...
Et il est très possible qu'un ou plusieurs titres de You Want It Darker viennent s'y joindre, par exemple avec la poignante chanson éponyme - "You want it darker ? We kill the flame !". Ou bien ce slow country bouleversant de classe, Leaving the table, variation sur le même thème ("I'm out of the game" - je quitte la partie de poker...). Ou encore Seemed the better way, un modèle de ce que devrait être un accompagnement de crooner : des voix et un orgue fantomatiques, une peau doucement battue, un violon vibrant seulement pendant les ponts - rhaâââ mais que c'est beau, non de Zeus ! Ne serait-ce qu'un album de plus, que ses orchestrations discrètes et fulgurantes d'élégance feraient déjà la différence avec d'autres passées, et moins inspirées, de l'homme de Montréal. Choeurs féminins, tour à tour de choeur d'église (Treaty) ou de soul sisters (On The Level), orgues, basse fantomatique, percussions effleurées, choeurs de cordes délicates... Et pour la fin de l'album, le prompt renfort d'un quatuor à cordes pour Steer your Way, s'autorisant même un peu de groove cajun...
Si à la première écoute, la voix de velours élimé fascine comme toujours, c'est sur la durée que ces arrangements viennent s'ajouter au paysage et en révéler finalement toute la richesse. Puis évidemment les paroles, essentielles et aisément compréhensibles de ce chanteur à la diction claire comme du diamant. Treaty, comme toutes les plus belles chansons d'amour, peut s'adresser aussi bien au dieu des chrétiens (les allusions y sont nombreuses : snake, born again, water and wine...), qu'à un amour terrestre, déplorant dans les deux cas de s'être trop éloigné, avant de venir enfin à résipiscence. Rappelons que peu avant sa mort, il avait déjà écrit une splendide lettre d'adieu à Marianne, son âme-soeur disparue juste avant lui. If I didn't have your Love par contre, semble bien s'adresser directement aux fans transi.e.s du chanteur...
Mais au final, ce qui accroche le plus à l'oreille et au coeur de cet album, c'est peut-être bien cette ballade, et la mélodie en la-la-la du titre Traveling Light (et son joli double-sens...). Pour l'avoir entendue, ému en traversant de nuit et à vélo un grand tourbillon de feuilles jaunes automnales, on a été frappé par l'évidence, en effet lumineuse, de ce conseil de vie : pour traverser les tumultes tout comme pour profiter de la beauté des choses, il faut voyager léger ! Précisément ce que ce chanteur a toujours fait, pour lui comme pour ses plus belles chansons, jamais encombrées de bagages inutiles...
Et alors, en parlant de finale réussi pour un album final, String Reprise / Treaty risque bien de devenir à jamais la référence absolue ! Le quatuor de cordes qui rejoue, déjà en forme d'oraison funèbre, la mélodie de Treaty - au deuxième mouvement, la pensée vient fatalement qu'on a hélas entendu le timbre de Leonard Cohen pour la dernière fois - avant que celui-ci ne revienne inespérément nous saluer, par quatre ou cinq phrases à peine, susurrées à n'en pas douter en soulevant son célèbre chapeau, avant de le mettre sur son coeur. Snif...So long, Leonard.
(2016)
Vignette Philippe

 Critique écrite le 28 novembre 2016 par Philippe
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