Accueil Chronique de concert Katel + Diane Sorel
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Chronique de Concert

Katel + Diane Sorel

Katel + Diane Sorel en concert

Les Traois Baudets, Paris 20 Septembre 2015

Critique écrite le par


Tout vient à temps qui peut attendre... Je me souviens d'une longue conversation avec Diane Sorel en backstage, il y a quatre ans de cela, un beau soir de mai. Nous parlions du lent et douloureux procès de l'écriture. Elle confiait avoir plus d'aisance à écrire dans sa langue maternelle, l'anglais, ce qui me surprit, ne sachant pas encore qu'elle était irlandaise. Elle soupirait après le jour où elle pourrait monter son projet solo... J'ai beaucoup écouté ses chansons au sein des Colettes, des ballades bien ficelées. La voir monter sur cette belle scène en compagnie de JP Nataf (guitare) et Ludovic Leleu (basse et clavier) est émouvant. D'habitude réservée, je la trouve radieuse, son bien-être communicatif nous parvient aussi au travers de sa musique. Son folk s'étoffe progressivement et sa voix a la clarté de certains cours d'eau, enchanteurs. Ses chansons content l'intime, l'expérience délicate et poétique d'un regard doux posé alentour. Elle reprendra Walk On The Wild Side, en fera une célébration de la vie sauvage. Oui, son carpe diem est lumineux et vibrant, sur le dernier titre, les chœurs masculins ont le goût salé des embruns. Bon moment passé de Diane et de ses matelots. Un Ep cinq titres devrait être enregistré dans les mois à venir. Sweet!


Afin d'éviter de me répéter, et de vous permettre de mesurer le chemin parcouru, je vous invite à lire la chronique du 25 octobre 2012, écrite à l'issu de la première résidence de Katel.

Lorsque les fils blanc/bleu s'illuminent et qu'entrent en scène les artistes, je les vois pénétrer un diamant. Au piano, Bertrand Flamain ouvre délicatement "la boîte à musique". Le piano permet davantage de ressentir le toucher du pianiste, ce petit je-ne-sais-quoi faisant toute la différence. Le chœur (Skye, Nathalie Réaux, Claire Joseph et Diane Sorel) s'élève après les premiers mots de Katel, écho féminin, angélique. Voûtes se découpe en trois temps. Les basses (plus présentes aujourd'hui, elles équilibrent l'ensemble) viennent se déposer en nappes, puis au rythme d'un tom basse, s'amplifient. C'est Skye qui envoie l'énergie superbe qu'on lui connait à la batterie : avec elle, on se retrouve en terre lointaine où rythmes, danses et chants nous raccordent au sol et aux étoiles, mués par un élan sauvage, vital, primordial. C'est à l'animal en tous que Katel s'adresse comme le confirme Hors-foule. On se relie aisément à cet instant du choc amoureux, de la rencontre, où, hors du temps, l'on se trouve unis par un regard, au travers du miroir. Ces instants, perles de verre, sont miraculeux, un trésor pour l'âme, et ainsi que nous l'enseignent contes, pièces de théâtre et romans de tous temps, ils précipitent une transformation profonde afin que Belle et Bête puissent "vivre au dehors ". Nathalie Réaux et Claire Joseph accompagnent aussi aux claviers, venant enrichir par leur travail et fin ressenti les multiples strates de la composition. En écoutant Ralentis, je m'extasie sur la variété des différentes structures et le soin méticuleux porté aux détails, Katel ne se livre pas à la facilité : un pur régal. Elle cultive l'art des harmonies gracieuses, des crescendos, des ruptures de ton, des contrepoints et de la réponse, en pleine maîtrise de ses moyens. 


Cyclones est très prenante, le vent du renouveau souffle, inquiétant, prêt à faire voler le miroir en éclats. "Le blanc et le rouge à vos joues " : le feu surgit des glaces, comme les joues en feu trahissent le déchainement de la passion. L'interprétation de Katel est surprenante : alors que l'obscurité aurait pu monter en puissance, c'est lumière que sa voix exprime, et les derniers mots "je veux venir avec vous" prennent toute leur dimension. Entre les morceaux Katel nous parle (ce à quoi nous n'étions pas habitués) nous fait sourire, fort naturelle. La voix off de Marguerite Yourcenar en préambule de Danse sur le lac de Constance nous parle de l'écrivain et de sa stupeur, chaque fois qu'il termine un ouvrage, " qu'il lui ait été accordé d'aller si loin en soi dans un domaine qui est celui de la vie ". On est au cœur du "Da Sein" cher à Goethe. La composition audacieuse sert ce bref instant de transcendance. Jamais encore je n'avais vu Katel aussi centrée sur son interprétation, ancrée dans le "maintenant", un maintenant obsédant qui envahit Au large. Une main est tendue dans le noir, tristesse et beauté sont intimement liées. Les larmes montent. La bouche freine la montée des eaux, mais Saisons nous replonge dans l'hiver. L'absence a absorbé le paysage. Dans l'espace clos d'un appartement, l'âme goûte à la détresse de la séparation, de l'après, du trop tard. Tout y est synonyme de mort. Les sens sont gelés, c'est l'hiver de l'âme, le lac gelé incarné. L'autre est toujours là, en pensée, étincelle de Vie.


A l'Aphélie et son ton primesautier insuffle érotisme et cris de louves, bienvenus. Je lis beaucoup d'amour dans les regards des chanteuses entourant Katel. Leur virtuosité s'épanouit avec la rythmique atypique de Chez Escher. Au travers d'une architecture impossible, on suit un parcours chaotique rythmé de hauts, de bas : les rais de lumière d'Anne Muller figurent pour moi aussi ces montagnes russes. Ensuite le cœur ralentit avec De l'ombre. Le temps s'étire, l'attente décrite, insupportable. Enfermée dans la pensée, l'âme prisonnière vit coupée de son corps, de ses sens, de la vie-même, indifférente à tout, à elle-même. Le miroir est brisé. "Je ne suis plus rien (...) je ne veux plus rien", le néant happe tout, le désir érotique tremble devant un désir mortifère habitué à régner ; il peut être surmonté, transcendé, ou nourri. Malgré cette stase, l'eau, symbolisée par la mer, appelle à soi. Elle tente à nouveau de circuler, élément fécond, pour apaiser la douleur, guérir l'âme. Souffrante, celle-ci voit en elle une possible échappatoire au réel, par trop sclérosant. Echos est sans doute le titre le plus épuré du concert. On partage évidemment tous le souvenir de nos jeux d'enfants avec l'écho des vastes espaces : ce que nous avons ressenti face à lui était empli de nous. La mélodie est belle, les chœurs à l'unisson nous font frissonner. "De l'écho vidons le charme" : le chœur uni au silencieux public est Tout, il est Un. Ultime rempart contre le vide quand la terre penche. Au moment de la dernière chanson, Katel nous apprendra que l'album s'intitulera Elégie d'après elle, superbe déclaration d'amour tardive. Tout y sonne juste jusqu'à la voix. Katel flirte avec la perfection, grandiose et minuscule à la fois. Elle Est. 


Pour le rappel, on revient en arrière avec Decorum revisité. Enfin, elle s'assoit à fleur de scène et interprète magistralement, a capella, son Raides à la ville. Il ne me parlera malheureusement pas après cette tempête qui nous a dérobés à nous-mêmes .

Au sortir, je recueille les impressions, elles sont unanimes. Les yeux embués, le sourire blessé, nous nous rassemblerons pour rire et parler, saine réaction, somme toute, après pareille traversée, et catharsis. Un phénix vient de renaître de ses cendres, c'était beau de le voir se relever et prendre son essor. 
Bienheureux les noctambules qui entendront Katel ce jeudi 1er octobre au Festi'Val de Marne en compagnie de Dominique A...

Setlist:
1.Voûtes 2. Hors-Foule 3. Ralentis 4. Cyclones 5. Danse sur le lac de Constance 6. Au large 7. La bouche 8. Saisons 9. À l'Aphélie 10. Chez Escher 11. De l'ombre 12. Échos 13. Élégie
Rappel : Decorum + Raides à la ville

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