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Chronique de Concert

Liminanas, Social Dance

Liminanas, Social Dance en concert

Yeah Are Family #4 - Gigondas 15 sept 2023

Critique écrite le par

On ne sait pas jusqu'où ira, ni quand s'arrêtera l'histoire, mais celle des Liminanas ressemble jusqu'ici à un conte de fées pour Marie et Lionel, couple à la scène comme à la ville, qui ont abandonné leur vie d'avant pour se consacrer pleinement au groupe, à l'âge où d'autres commencent à penser retraite et assurance vie... Une attitude profondément rock'n'roll qui leur a permis, au-delà d'une discographie désormais bien fournie (dernièrement enrichie d'Electrified, best of paru en 2022), des rencontres et featuring avec Laurent Garnier, Bertrand Belin, Etienne Daho, Anton Newcombe, Peter Hook ou Iggy Pop, l'enregistrement d'albums (pour les Wampas, avec Pascal Comelade) ou de BO de films et documentaires (voir le très bon Thatcher's Not Dead sur Arte TV).

Et donc d'être invité dans le cadre des résidences du Festival Yeah avec la 4ème édition du Yeah Are Family. Le concept est simple : deux artistes qui ne se connaissent pas sont conviés à partager 10 jours de résidence à l'issue de laquelle ils dévoilent le fruit de leur collaboration. Pour les Liminanas, l'invité sera Keith Streng, guitariste des légendaires Fleshtones, pas vraiment un inconnu pour eux et avec qui ils ont souhaité travailler. Une entorse au règlement qui leur a été accordée pour compenser l'annulation de leur dernière prestation au Festival Yeah pour cause d'intempéries.

Et de pluie il sera encore question ce soir puisque le département est placé en vigilance orange orages ! Les nuages menaçant qui planent au-dessus de ma tête alors que je me rends à Gigondas me font craindre le pire. La malédiction pèse encore sur leurs épaules. Il serait dommage d'annuler le rendez-vous, vu le prix de l'essence, mais surtout face à la promesse d'assister à un événement unique.

Attention spoiler : le signe indien va être vaincu... de justesse puisque la pluie qui a commencé à tomber en fin de set s'est faite plus intense à la fin du rappel.

Mais n'allons pas trop vite. Retour à la case départ. Impossible de passer sous silence le lieu de résidence et de concert, ce mas vinicole dans les coteaux de Gigondas mis à disposition par la famille Perrin. L'endroit est magnifique et je comprends mieux les déclarations du groupe expliquant qu'il avait fallu lutter contre le faste de leur traitement pendant ces 10 jours et leur obligation de création musicale ! Ici tout n'est que luxe, calme et volupté. Il est d'ailleurs étrange de se retrouver en concert dans un lieu où le traditionnel sandwich merguez est remplacé par un menu traiteur, la pression tiède par une carte des vins et de champagne à en perdre la tête. Etrange aussi ce mélange entre les fans encartés (plusieurs T-shirt Liminanas de rigueur sont aperçus dans la foule), prêts à en découdre pour défendre leur place sur le devant de la scène, et les spectateurs venus en voisins, reconnaissables au petit pull jeté sur les épaules (moi qui croyait cette mode dépassée depuis la fin des années 80's ou réservée à la bourgeoisie bordelaise) ou au festival de marques vestimentaires (dont le moindre accessoire coûte plus cher que tout mon matériel photo !). Mais l'ambiance est bon enfant et l'on ne va pas se plaindre de sortir, pour une fois, de l'habituelle imagerie du concert rock.



L'ambiance musicale d'avant-concert est assurée avec brio par Pasteur Guy, un DJ/prêtre étonnant (à qui l'on conseille d'ailleurs d'aller mixer avant un concert des Devils), qui balance avec classe une première partie à tendance très soul, mais saura faire monter la sauce au fur et à mesure de la soirée, programmant avec goût Jacqueline Taieb, les Sonics ou les Sex Pistols, entre-autres souvenirs marquants.

Les premiers à entrer en scène sont Social Dance, un trio de musiciens marseillais vus pour la première fois il y a quelques semaines à peine au festival La Guinguette Sonore à Istres. Le groupe clôturait la première soirée et m'avait déjà fait bonne impression. Un curieux mélange de sons à la fois actuels et ancrés dans une culture 80's, de paroles en anglais et en français dans un même morceau, un je-ne- sais-quoi de sérieux et de je-m'en-foutisme.



Une claviériste aux mimiques improbables, accompagnée par un chanteur aux faux air nonchalant et d'un guitariste qu'on sent prêt à tout sauf à rigoler. Il y a un peu de Naive New Beaters dans tout ça. Les poses sont drôles les morceaux font indéniablement bouger, comme si Alex de Flashdance avait croisé Véronique et Davina.



Le public ne s'y trompe pas qui, d'abord timide, finit par répondre à l'appel du chanteur pour s'approcher de la scène et danser jusqu'à plus soif.

Enfin, jusqu'à ce que les Liminanasarrivent en tout cas. Le pari est osé parce que le plateau est quand même très différent quand les rockers tout de leur habituel noir vêtus débarquent. Tous sauf un, l'invité Keith Streng, qui s'autorise de la couleur dans un ensemble très classe et déjanté, Wayfarers et pompes en croco vertes assorties à sa ceinture.



La formation prend place comme à son habitude, Lionel côté cour, Keith côté jardin, Marie en presque milieu de scène, Eduardo Henriquez à ses côtés et Alban derrière elle.

Le set est court mais intense, misant comme à son habitude sur des riffs répétitifs qui instituent une forme de transe. On y retrouve de nombreux classiques du groupe, parmi lesquels celui qui fait office de tube, un Que Calor repris en chœur par tout le public et qui achève de mettre le feu à la soirée.



On découvre donc aussi la création issue de leur résidence, soit deux longues pièces de 10 minutes autour de textes du poète français Bernard Heidsieck. L'occasion une fois de plus d'un déluge de guitares, de paroles répétées comme un mantra qui collent parfaitement à l'univers du groupe et au set de ce soir.



Keith Streng n'est pas en reste, sautant et bondissant sur place comme à son habitude avec les Fleshtones, et acclamé par un public de connaisseurs.

L'auditoire, au rang desquels Laurent Garnier, juste à côté de moi, est conquis. Un habitué me confie qu'il n'est pas impossible que, comme il est de coutume, ce dernier s'empare des platines pour achever la soirée, au-delà des autorisations et du programme prévu ! Je n'en serai malheureusement pas le témoin, le set s'achevant en même temps que la pluie commence à s'abattre plus fortement, obligeant Pasteur Guy à prendre le relais sous un abri de fortune, et moi à plier bagage, route oblige.



Ce soir, je crois en tout cas avoir compris le sens de ce Yeah are Family !

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