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Strings of Consciousness - Interview pour la sortie de Our Moon Is Full

Marseille Octobre 2007

Interview réalisée le 29 octobre 2007 par Cathimin

Pour qui n'est pas habitué des musiques improvisées et ne vit pas dans le sud est de la France, Strings of Consciousness est certainement complètement inconnu. Mais apposez lui les noms de Fœtus, Girls vs Boys, Oxbow, My Brightest Diamond... et peut être que la curiosité jouera son rôle.

C'est en tout cas ce qui m'a poussée à écouter "Our moon is full", le premier album du collectif emmené par le multi instrumentiste Hervé Vincenti et Philippe Petit, également patron du label Bip Hop. Et depuis quelques semaines, je dois dire que je ne me lasse pas de ces ambiances nocturnes et étranges où la clarinette croise le fer avec des sons électroniques, où des percussions industrielles malmènent une contrebasse aux formes généreuses, où les guitares montrent les dents tandis que le vibraphone enveloppe le tout d'un voile apaisant... sans oublier bien sûr ces histoires chantées, murmurées, déformées, psalmodiées par des interprètes à la voix et au charisme immense comme Eugene Robinson, Barry Adamson ou l'incontournable Black Sifichi.
Pour que vous aussi entendiez ces "Cordes de la Conscience" résonner en vous, voici une longue interview qui a emprunté la même méthode de composition et de construction que "Our moon is full", soit l'échange de fichiers par internet.



J'ai écouté sur le net un morceau qui s'appelle "One lost night on a lonely country road, looking for a short-cut that he never found, David Vincent has seen The Residents" Est ce votre premier morceau "official"? Dans quel contexte l'avez-vous composé ? Pourquoi ce titre à rallonge?

Philippe Petit: Cette phrase est celle qui revient à chaque début des épisodes de la série "Les Envahisseurs" où David Vincent "conduisant en pleine nuit sur une route déserte, cherchant un raccourci qu'il ne trouvât jamais les vit". C'est une façon de rendre hommage au groupe Residents qui est un réel OVNI du Rock depuis 30 ans et que moi aussi j'ai rencontré par une nuit de pleine lune sans trop savoir comment et qui depuis m'a toujours accompagné.

Strings of Consciousness est présenté comme un collectif "à format variable". Pouvez-vous nous dire de quelle idée il est né, quand, avec qui ?

P.P.: Hervé Vincenti et moi travaillons sur les morceaux, sur leur composition. Nous les jouons, les éditons. Nous les pensons et les repensons chaque jour.
Hervé Vincenti : Il y a d'abord une période de préparation de nos petits plats sans enregistrer quoi que ce soit, ensuite il y a une période de digestion plus ou moins longue...



La moitié des instrumentistes du groupe est de la région sud, mais Andy Diagram (l'incroyable trompettiste des Two Pale Boys de David Thomas NDLA), Alison Chesley(qui a joué avec Bob Mould et The Sea and Cake), Hugh Hopper et Stefano Tedesco sont étrangers. Comment les avez-vous rencontrés et emmenés dans votre projet ?

P.P. : Andy Diagram est dans Spaceheads dont j'avais commencé à sortir les disques du temps de Pandemonium. Ils m'ont ensuite suivi dans l'aventure BiP_Hop. Nous sommes amis et il me semblait évident de faire appel à son talent. J'avais entendu parler de Stefano Tedesco qui est proche ou a joué avec David Toop, Otomo Yoshihide, Iris Garrelfs, Scanner, et ayant publié des disques avec eux la connexion m'était aisée. Il a aimé nos musiques et accepté de se joindre à nous. Alison vit à Chicago, je l'ai découverte grâce à My Space et adoré ses morceaux, et donc nous avons commencé à échanger. Hugh Hopper qui a joué de la basse est Londonien, il est membre fondateur de Soft Machine et nous avons été très touchés qu'il s'intéresse à nous.

Ont-ils juste participé à l'enregistrement de l'album ou jouent-ils régulièrement avec vous ? Comment des gens qui vivent aux quatre coins du globe peuvent-ils créer et jouer ensemble ainsi ?

P.P. : J'aime mélanger les cultures, les talents, confronter les expériences et depuis très longtemps je reste attiré par les musiques qui viennent d'ailleurs. Car la scène marseillaise, à part quelques exceptions, n'est vraiment pas tournée vers les cultures expérimentales. De fait, au fil des ans, j'ai tissé mes liens avec l'étranger et nos envies se sont tournées vers certains d'entre eux. Tous sont très pros, et musiciens depuis tellement longtemps, qu'ils ont bien compris l'intérêt d'éviter les coûts de studio et savent s'enregistrer. Aujourd'hui il est facile d'avoir un studio d'enregistrement dans son ordinateur, les outils techniques, la technologie , sont faciles à trouver pour qui veut s'en donner la peine. Hervé est très à l'aise avec Pro-Tools.
H. V. : De toutes façons, mis à part l'éloignement géographique et du coup le recours à Internet, cela reste une façon fort traditionnelle d'enregistrer depuis au moins trois décennies à présent. Enregistrer chacun dans une pièce différente d'un même studio, ou faire du ping-pong comme on l'a fait... quelle différence au bout du compte ?
P.P.: Ce qui importe, c'est que chacun soit bien dans l'esprit du projet et ne soit pas du genre démonstratif. Pourquoi faire trois notes là où une suffit ?

Comment est née l'idée d'enregistrer un album avec des voix puisque vous êtes un groupe "instrumental" ?

P.P.: Je ne nous vois pas comme un "groupe" au sens usuel du terme et pas non plus comme "instrumental", si par là tu entends que nous n'avons pas de vocaliste attitré. Je dirais qu'au contraire nous en avons beaucoup, puisque nous pouvons demander de chanter à tant d'amis qui aiment assez nos morceaux pour poser leurs textes et voix. Donc nous sommes très loin d'un groupe instrumental. Cela dit le prochain album pourrait bien être instrumental, ou peut-être pas, qui sait? Et cette incertitude est justement ce que nous voulons. Nos disques se suivent mais ne se ressemblent pas, ils présentent des points communs, des liens dans les structures ou la recherche de mélodies, l'envie de faire de la musique qui résiste aux écoutes multiples. L'envie de jouer sur les textures, les tessitures, varier les timbres, allier l'apport électronique, l'amour des sons travaillés à la beauté de ceux qui sont acoustiques. Nous avons eu une chronique dans un magazine italien qui disait que nous arrivions à "faire cohabiter des styles qui habituellement se disent à peine bonjour". Ca m'a vraiment fait plaisir.
H. V. : C'est tellement mieux d'avoir cette marge de liberté et cette part d'incertitude. Tout varie d'ailleurs selon les morceaux... On se fait plaisir et tentons des choses différentes à chaque morceau car on adore ces variations. Essayer de se répéter le moins possible et surtout ne pas se limiter, ne jamais se donner de frontières ...



Comment avez-vous choisi telle personne pour tel morceau ?

P.P.: : Le choix nous semblait évident, un peu comme si nous entendions leur voix en composant le morceau. Le plus important était, bien entendu, qu'ensuite, une fois que nous en avions rêvé, ils aiment et soient inspirés par nos musiques. Ce qui n'était pas évident, puisque tous sont très occupés, sollicités et difficiles. Donc lorsqu'ils acceptaient, nous étions flattés et cela nous motivait encore plus. Tous ont reçu le morceau presque terminé et ont enregistré chez eux. Nous les avons choisis également parce qu'en plus de chanter bien, d'avoir une voix caractéristique, ils sont capables d'écrire un texte. Avec un nom inspiré par l'un des plus novateurs courants littéraires du siècle dernier (Stream Of Consciousness = Courant de conscience, sorte d'écriture automatique dont les éléments sont censés représenter le déroulement des pensées du narrateur) il est évident que le côté narratif est très important pour nous.

"Crystallize it" est le plus "rock". Est-ce la personnalité de Scott McLoud (Girls vs Boys) qui imposait cela ?

P.P.: Je trouve que chacun ressemble à l'univers de son chanteur et cela parce que nous les avons choisis une fois que chaque titre était presque fini. Pour nous, leur voix enrichirait le tout. Bien entendu, la forte personnalité de chacun s'est imposée comme sa marque.
H. V. : En tout cas, il n'est pas rock parce que c'est Scott. Mais le contacter pour ce morceau paraissait si évident à Philippe, que je sentais que son intuition était la bonne. Et je dois dire qu'il avait raison...

Pourquoi avoir fait intervenir Black Sifichi 2 fois ?

P.P.: Tout simplement parce que l'on pensait que ses poèmes iraient bien avec ces musiques.

"Defrost-oven"ressemble à un interlude (1:23) à côté des autres morceaux qui racontent une histoire, sur parfois 9 minutes. La voix de Lisa Smith-Klossner semble plus un instrument qu'une vraie voix.

P.P.: Elle pose généralement sa voix sur les disques d'Hugh Hopper. C'est lui qui a apposé cette partie vocale sur "Defrost_Oven". En effet, ce titre est la transition vers l'autre face de notre lune, il est pur et facilite le passage.

"Our moon is full" est un thème à connotations assez mystiques. Était-ce le fil conducteur du disque ou est-ce apparu comme une évidence quand vous avez rassemblé tous les morceaux ?

P.P. : J'ai toujours été fasciné par la lune et ses cycles, l'effet de cet astre sur certaines personnes... plus jeune alors que j'étais fan de la série 60s Adams Family, il m'est même arrivé de prendre des bains de lune... Bon, en ce qui concerne l'album, tu auras remarqué qu'il se compose de 2 parties: Face A plus rythmée, sombre et Face B plus en ambiance, poétique. C'est un peu la retranscription du cycle lunaire. Il y a également un jeu de mot avec "Full mood" qui en anglais signifie de "bonne humeur" et traduit notre contentement d'avoir réussi cet album. D'autre part, lorsque je pense que notre "Lune est pleine" c'est que l'album termine un cycle de notre vie.
H. V. : C'est en effet un album qui clôt une partie de notre vie, autant qu'il ouvre un nouveau cycle. Et puis c'est un peu comme une marée, un courant qui monte pour nous. Personnellement, je trouve que la couleur d'un paysage sous la lune correspond bien à l'atmosphère générale de l'album... un voyage sous la lune par une nuit chaude et moite, avec un brin d'air à certains moments ...



Quand on fait un disque comme ça avec des artistes que l'on sait ne pas pouvoir jouer live avec, comment imagine-t-on de le supporter, le transposer sur scène ?

P.P. : Dans le passé, j'ai souvent été déçu par des groupes qui rejouaient littéralement leur disque sur scène. Comme nous le disions, un album doit être riche, varié et pouvoir révéler ses détails écoute après écoute alors que le concert se vit sur le moment. L'écoute d'un album se fait chez soi, dans un espace qui n'appartient qu'à soi, j'espère dans les meilleures conditions. Aller voir un concert est une expérience collective, physique. On se mêle aux autres, un courant doit passer dans la salle et nous avons envie de transporter les spectateurs dans notre monde. Donc nous sommes plus énergiques et privilégions le côté "rock" plutôt que les parties orchestrales à 10 musiciens, comme sur l'album. En public, Mark Beazley, le bassiste de Rothko, et Dave Smith, batteur de Guapo, qui ne sont pas sur l'album, se joignent à nous et apportent un côté rythmique en béton. Cela dit selon les moyens et les lieux nous pouvons avoir d'autres envies, comme pour le festival MIMI où nous jouions à la tombée de la nuit, sur une île. Ce cadre se prêtait à d'autres ambiances et donc nous avons rajouté harpe et trompette.
H. V. : On est très contents de pouvoir repenser les chansons, les jouer différemment selon les soirs, le contexte et l'humeur. On est adeptes de ce genre d'approche chez les autres, donc il est naturel qu'on aille vers ça aussi.

Comment avez-vous atterri sur le label de Barry Adamson ?

P.P. : Par une nuit sans lune, leur étoile filante a traversé mon ordinateur et je me suis empressé de sauter dessus.
H. V. : C'était sur une autoroute perdue au milieu de nulle part. Un motel pourri, une femme en robe de soirée, un gars vraiment bizarre avec une veste en croco et... Ah ! oui, un nain dans un coin bien sûr.

Quels sont vos projets maintenant ?

P.P. : Nous avons des morceaux sur des compilations à venir sur le label Variz (Portugual), Static Migration (Australie). Les trois compos parues sur le split vinyle avec Kammerflimmer Kollektief ressortiront, agrémentées de remixes, sur le label belge Off, dirigé par un ancien Tuxedomoon. En ce moment nous apportons la touche finale à une collaboration Angel & Strings Of Consciousness. Angel se compose de Ilpo Vaisänen (Pan Sonic), Schneider TM et Hildur Gudnadottir (Müm). Ce sera un album plus Noise, post-indus, développant un versant plus sombre et électro-acoustique que "Our Moon Is Full". Nous avons aussi mis en route une collaboration avec les Génois Port-Royal, ainsi qu'une avec Guapo, et avons écrit la base d'un autre vrai album, ce qui devrait nous tenir éveillés pour les mois à venir.




Propos recueillis par Cathimini pour Abus Dangereux Face 103
www.myspace.com/Cathimini
www.Abusdangereux.net

Contacts Strings of Consciousness

www.myspace.com/stringsofconsciousness
www.stringsofconsciousness.info
www.virb.com/stringsofconsciousness
www.last.fm/music/Strings+Of+Consciousness

Discographie Strings of Consciousness

Our Moon Is Full (CD/LP - Central Control International)
Strings Of Consciousness & Foetus : Asphodel (VA. "Wire Tapper 18" donné avec le # 284 du magazine The Wire)
Kammerflimmer Kollektiev / Strings Of Consciousness (25 cm - Karl Records)
Sonic Glimpses (instru) / Sirenade 'Round Midnite (pict. disc 45t.- CCI)
Strings Of Consciousness & My Brightest Diamond : "Gone away" (VA. Tear It Down. CD - Asthmatic Kitty)
2 songs on BiP_HOp Generation vol. 8 (BiP_HOp)

 Interview réalisée le 29 octobre 2007 par Cathimin


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