Accueil Chronique album : Prévert & Nevchehirlian - Le Soleil Brille Pour Tout Le Monde ?, par Philippe
Samedi 20 avril 2024 : 6240 concerts, 27081 chroniques de concert, 5410 critiques d'album.

Critique d'album

Prévert & Nevchehirlian : "Le Soleil Brille Pour Tout Le Monde ?"

Prévert & Nevchehirlian :

Pop - Rock

Critique écrite le 20 janvier 2012 par Philippe

Ou quand un musicien-poète bien vivant, ressuscite un musicien-poète jamais tout à fait disparu... Le grand Frédéric Nevchehirlian et son groupe éponyme s'emparent d'une douzaine de textes peu connus de Jacques Prévert, des textes à forte connotation revendicative, communistes au sens le plus noble, anarchistes au sens le plus joyeux et pacifiste !
L'occasion de découvrir que l'apparemment anodin "poète pour culottes courtes" avait aussi une plume rouge vif, assez acérée pour égorger proprement un industriel-flambeur de l'époque : il fait ainsi un enterrement de première classe à l'arrogant André Citroën, qui aujourd'hui ferait à n'en pas douter partie du club du Fouquet's, fameuse brasserie populaire des Champs-Elysées...
Après un salutaire vent de révolte où il liste - en forme d'"Inventaire à la Prévert" bien sûr ! - les classes opprimées ou oubliées (Le soleil Brille pour tout le monde ?), Prévert les appelle à la révolte, qui commence par un nécessaire réveil des consciences face à l'oppresseur patron-bourgeois-tyran ... Toujours un peu la même personne, celle qui vous endort par son air bonhomme à la télé (poignante Il ne faut pas rire avec ces gens-là), avant de vous envoyer crever à sa place... Il enfonce le clou avec Travailleurs, attention, un chant faussement doux qui est un appel vibrant à l'insurrection populaire, d'une portée presque égale au "Temps des Cerises"...
Et tout ça pour exiger quoi ? Eh bien peut-être simplement, ce que liste sa Confession Publique, (un autre) inventaire d'utopies joyeuses, libertaires et pacifistes - l'exact contraire de la terrifiante vie Familiale évoquée ensuite, a capella. Et pour ne pas tuer sa belle utopie dans l'oeuf, il n'oublie pas de s'adresser aux pauvres troufions qu'on enverra immanquablement la mater, avec Marche ou Crève, complainte bouleversante et rebelle qui rappelle l'époque pas si lointaine où l'on faisait donner la Troupe des appelés contre les ouvriers en grève... ou contre le petit Peuple de la Commune.
Le tout est animé par une musique discrète avec quelques passages fulgurants de mélancolie et/ou de rage contenue, qui portent admirablement les textes les plus enflammés, instrumentations "superbe comme d'habitude" sur les oeuvres nevchehirliantes... Et musiques parfois jouées par l'artiste seul, comme il aime à le faire dans ses toujours intenses concerts en solo.
Et puis, quand même, un passage par l'école primaire (où nous l'avons tous rencontré, Jacques Prévert) avec Le Cancre, sans doute l'un des poèmes les plus connus, ici interprété sur un riff de guitare et sifflements martial, lent et puissant, qui déclame un acte de rébellion enfantin, simple et grandiose à la fois. Un poème qui a fait rêver des millions d'enfants, l'auteur de cette chronique y compris, saisi d'une formidable émotion en réentendant ce texte, 25 ans après l'avoir appris et oublié... Prévert, lui aussi, échoue à règler son compte à son enfance avec Maintenant j'ai Grandi : on ne peut jamais repousser complètement une belle idée, même infantile, qui a décidé de vous revenir. Car comme disait un autre grand poète français, "il n'est rien au monde d'aussi puissant qu'une idée dont l'heure est venue"...
Hélas cet élan d'insurrection joyeuse se termine sur une version des Feuilles Mortes, splendide à vous en donner le frisson, mais d'une tristesse insondable (car dépourvue de la touche "jazzy" de la version d'Yves Montand)... Il faut donc remettre bien vite le disque au début, et savoir s'en échapper en cours de route, pour ne pas en ressortir avec un bourdon carabiné... Dommage, il se serait si bien conclu avec, par exemple, "Vous n'empêcherez pas le drapeau rouge de flotter" ou "La grève, la grève, Vive la grève !"
Il n'en reste pas moins que cet opus, réussite majeure et complète, est appelé à faire date, et d'abord à rejoindre sans délai la discothèque de tous ceux - et dieu merci nous sommes encore nombreux - qui continuent à garder une foi inébranlable dans le progrès social et l'utopie collective.

(L'Autre Distribution, 2012)
Vignette Philippe

 Critique écrite le 20 janvier 2012 par Philippe
 Envoyer un message à Philippe

Nevchehirlian : les chroniques d'albums

Fred Nevché & French 79 : The Unreal Story Of Lou Reed

Fred Nevché & French 79 : The Unreal Story Of Lou Reed par Philippe
07/05/2021
Il ne faut que quelques instants pour tomber sous le charme de ce nouveau projet de Fred Nevchehirlian, en collaboration avec French 79. Dans un premier texte, le chanteur a priori très éloigné de son univers disparu, explique en quoi Lou Reed le... La suite

Nevche     (Nevchehirlian) : Rétroviseur

Nevche (Nevchehirlian) : Rétroviseur par Philippe
14/04/2014
En intitulant son nouvel album Rétroviseur, Frédéric Nevchehirlian, a.k.a. Nevche, semble d'abord souligner malicieusement ce qu'il ne fait précisément pas : regarder dedans... Dieu sait qu'il pourrait s'y perdre, là-derrière, ou être tenté d'y... La suite

Nevchehirlian : Monde Ancien, Monde Nouveau

Nevchehirlian : Monde Ancien, Monde Nouveau par Chlorophil
30/03/2009
Sombre et lumineux, radieux et lucide. À l'image de son auteur, Frédéric Nevchehirlian (dont on apprendra bientôt à dire le nom correctement, j'en suis sûr !), cet album à dimension humaine contient toutes les contradictions, les ambiguïtés, les... La suite