Accueil Chronique album : La Femme - Paradigmes, par Philippe
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Critique d'album

La Femme : "Paradigmes"

La Femme :

Pop - Rock

Critique écrite le 05 avril 2021 par Philippe

C'est peu dire que la première écoute des Paradigmes de La Femme nous a perdu en route... Sans doute parce que notre oreille y cherchait en vain (et à tort), les guitares surf rassurantes et sexy de l'époque Sur la Planche, pratiquement absentes ici, sauf du potache et post-Ca-plane-pour-moi Foutre le Bordel... Un titre plus profond (et grossier) qu'il n'y paraît, et qui entre un peu par hasard (puisqu'il a été écrit bien avant) en vibration avec notre époque de déprimante colocation nationale avec Madame Covid-Dix-Neuf, en résumant ce que tout être humain de 18 à 35 ans (ce qu'on appelle les jeunes, donc) doit avoir sacrément envie de faire en ce début d'année 2021.
C'est donc seulement à la réécoute, casquée et plus attentive, qu'on a remarqué sous les trompettes trompeuses, l'élégance de la production de l'introductive Paradigmes - un mot que Marlon Magnée et Sacha Got, le duo derrière La Femme, confesse avoir choisi avant même de connaître son sens exact. Mais là-aussi avec une prescience étonnante, tant notre vision du monde (définition simplifiée du mot), telle que mise cul-par-dessus tête l'an dernier, correspond finalement bien avec cette pop faussement joyeuse, en fait plutôt en larmes et en fuite.
On continue certes à trouver que la cohérence n'est pas le point fort de cet album, ne serait-ce parce qu'il contient quelques chansons un peu foireuses (à notre humble avis !). Mais aussi quelques bizarreries qui ne résistent pourtant qu'un moment à l'écoute, comme Le Jardin, bonbon manifestement destiné à la bande-son d'un film érotique italien, dans lequel on finit par entendre une rythmique rappelant (agréablement) les chansons les plus cochonnes de Serge Gainsbourg. Ou encore Foreigner, interprétée dans un 'frènche axante' vraiment atroce, mais dont on arrive pas à détester complètement la rythmique disco-synthétique, putasse et imparable. Ou bien encore l'inattendue Lâcher de chevaux, une chouette cavalcade (forcément...) électro, mi-Morricone, mi-Moroder, avec hennissements et coups de fouets inclus, qui s'avère la bande-son idéale pour aiguillonner le cowboy des temps modernes, chevauchant la crête haute au milieu des bovidés (a.k.a. le cycliste fonçant au milieu des voitures coincées).
Mais au final le liant existe bien sur le disque, comme depuis toujours - et comme son nom l'indique : c'est la voix féminine, même toujours changeante (leur chanteuse de scène est partie). Certains duos se cachent derrière un casque, celui-ci derrière des voix de femmes sucrées - mais toujours caressantes et coquines - on les aime par exemple sur la jolie Le Sang de mon prochain, au clip vampiro-kitsch façon Anne Rice.
Disconnexion, qui semble enfin familière (la fameuse basse à l'octave, ancien péché mignon du groupe), enchaîne pourtant sur un propos philosophique qui part en sucette, dérape dans le kitsch contondant (mais avec un banjo !), et au final, son clip splendide s'avère un pur cauchemar Lynchien... Le voir suffit à se convaincre que les deux hommes de La Femme sont gentiment dingues, et que c'est bien ce qui fait tout leur intérêt. On peut alors bien pardonner au décidément fantasque Marlon, de couper même son fil conducteur en effaçant parfois la femme du micro, pour chanter lui-même (la balade Cool Colorado, pas notre préférée mais attachante au final).
C'est peu dire en tout cas que La Femme, faux groupe décidément trop hybride, n'entre pas (et encore moins aujourd'hui qu'hier) dans le format : ni celui de la major, ni celui de la radio, ni celui de ce qu'écoutent les jeunes (et même les vieilles) gens d'aujourd'hui... Pop et disco, flamboyante et graphique, partie sans laisser d'adresse du monde du rock, c'est vrai, mais bien arrivée ailleurs, La Femme continue son chemin, callipyge, téméraire et extravertie, et c'est bien ainsi ! Alors tant pis si on aime pas tout ses Paradigmes - cf un petit tiers des titres non cités ici.
Par simple parallélisme des formes, on aurait bien aimé que beaucoup de nos groupes phares actuels (Sleaford Mods, Limiñanas, Shame, Viagra Boys, Idles...), dont les redondances récentes nous ont beaucoup déçu, soient capables d'une telle évolution dans leur propos, et leur créativité ! Avoir découvert cet album de La Femme juste après le très différent (mais assez mortel) Memento Mori de Mustang (autres élégants marginaux français), suffira néanmoins largement à faire notre printemps sans concerts, merci !









(Disques pointus, Born Bad, 2021)
Vignette Philippe

 Critique écrite le 05 avril 2021 par Philippe
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