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Chronique de Concert

Benjamin Clementine

Benjamin Clementine en concert

Le Moulin, Marseille 10 mars 2015

Critique écrite le par

"En fait, c'est à partir de maintenant que tu vas enfin pouvoir écouter Benjamin Clementine !" C'est la réflexion que je me suis faite en sortant de son concert : c'est un exemple typique d'artiste qu'on ne peut pas comprendre et apprécier, avant de l'avoir vu sur scène (et non, pas à la télé ou sur internet !). D'ailleurs son album At Least for Now, avant, ne me faisait pas tant vibrer que ça, au point que je suis venu un peu à reculons à ce concert, armé juste de ma curiosité et d'un bon pressentiment. Mais sur la réserve quand même, face à un artiste si unanimement et "mainstreamement" vanté de toutes parts...

Bon, pour expédier les contingences matérielles : salle bien pleine, public trentenaire France Inter / Victoires de la Musique, curieux sans doute comme moi et, après quelques titres, gagné par une euphorie contagieuse. Côté gestion de la salle : bar toujours inaccessible (et ne servant rien d'intéressant de toutes façons), sécurité envahissante et idiote (des aller-retours incessants, inexplicables et ultra-chiants dans le public), pas de première partie contrairement à ce qui était marqué sur mon billet... Le Moulin n'a pas changé, ses démons demeurent. Heureusement, son acoustique (très bien) non plus n'a pas changé, y compris après travaux - on oubliera donc le reste...

Et puis, Benjamin Clementine est entré sur scène.

A son arrivée, je voyais encore un cliché : pieds nus, comme annoncé, engoncé dans une grande veste, comme annoncé, timide, comme annoncé. Globalement donc, suspecté d'être un produit bien marketé (et ce même s'il vient du métro - l'un n'empêche pas l'autre hélas), et donc de jouer un rôle, s'appuyant sur un physique atypique (noir, géant, mince, yeux en amande, joues pommelées - on ne peut pas le manquer !). Premier bon point quand même : il était venu tout seul avec son piano (et une jeune fille avec un cello tout de même, mais finalement peu sollicitée sur la durée du concert). Sans les violons, percussions et autres fioritures qui appuyent un peu fort et souvent inutilement ses intentions et émotions sur disque...



Et puis, Benjamin Clementine a joué du piano.

On voit qu'il n'a pas fait le Conservatoire - même 25 ans après ma dernière leçon de piano dans une école de quartier, je sais encore qu'on ne s'assied pas comme ça, plus haut que le clavier, et qu'on ne pose pas ses doigts verticalement et raides comme ça sur les touches. On imagine bien qu'il a du parfois fracasser le piano de rage, de ses immenses pattes en battoir. Qu'ils se sont apprivoisés, réciproquement, et aussi que sa découverte d'Erik Satie a forgé son identité pianistique, bien souvent "gymnopédique" en diable. Son jeu est tour à tour sauvage et brutal, ou d'une délicatesse infinie, ultra-technique et rapide, ou d'un minimalisme délicat. Ne serait-il que pianiste dans un orchestre, dans un groupe ou dans un bordel, qu'on le remarquerait déjà pour un talent hors du commun... Il joue comme un dieu.

Et puis, Benjamin Clementine a chanté.

Il n'a pas appris ça à l'école non plus ! Combien ai-je vu de concerts dans ma vie ? Combien de chanteurs ? Certainement des centaines, peut-être quelques milliers ? Il a une des 5 voix mâles les plus profondes, les plus virtuoses, les plus charismatiques, les plus belles que j'aie jamais entendues ! Et encore, il se retient la plupart du temps, il s'écarte même du micro quand il doit crier. C'est bien aimable parce que quand il lache les chevaux, au détour d'une phrase, on en a le poil qui se dresse. Ah oui, j'ai aussi eu ma meilleure chair de poule depuis des années, sur le dernier titre... Dans sa voix, dans le désordre et le chaos, on entend Franck Sinatra, on entend Antony Hegarty, on entend Nina Simone, on entend Micah P. Hinson, on entend même le bluesman-yaourt du Cours Julien et Klaus Nomi... C'est impossible, cette voix qui peut être aussi grave qu'aigue, aussi trémolliante et vibratoire, que cassante et nette comme du diamant, aussi trainante façon vieux bluesman blasé, qu'agile comme celle d'un rossignol. Cette voix ne peut pas exister. Il chante comme un dieu.



Et puis Benjamin Clementine a parlé.

Et l'on en a compris encore beaucoup sur lui. C'est un faux timide, mais un vrai râleur. Sans doute pas facile à vivre, sans doute un peu "touchy" même, voire complètement casse-couille... Quand il s'est levé pour aller parler du réglage du son à son technicien entre deux titres, et aussi après avoir râlé contre une lumière qu'il jugeait de trop, je l'ai clairement vu hésiter à se rasseoir, ou à sortir de scène... je crois que c'est le genre d'artistes qui peut faire ça, aussi. Mais il a blagué avec nous, essayé de baragouiner en français de façon charmante, interagi avec le public, gentiment envoyé chier une dame qui lui réclamait du Bob Dylan, remercié et félicité au contraire une petite voix féminine qui avait fini une phrase qu'il avait laissé en suspens... Il nous a chanté Emmenez-moi d'Aznavour au rappel : à lui les couplets horriblement difficiles - il s'y est joliment égaré d'ailleurs, à nous le refrain facile : un très beau moment !

Et puis Benjamin Clementine a donné un concert.

Il a déroulé sa set-list (enfin, sauf qu'il n'en avait pas), et encore maintenant je ne sais pas exactement quel style il pratique (c'est pour ça que ce n'est pas précisé au début). Une bonne petite moitié non identifiée (pas sur son album récent en tout cas). Un syndrôme du tube déjà identifiable : j'ai ressenti clairement qu'il n'habitait pas autant ses deux tubes London et Nemesis que le reste (ça restait encore très beau, bien sûr...). Déjà las qu'on les lui réclame, sans doute ? Ton année va être longue, Benji... Mais alors le reste ! ... Condolence, The People and I, Adios, Cornerstone..., toutes ces chansons heurtées, effleurées, chuchotées puis hululées, orageuses puis délicates, en chambre puis à l'opéra. 1 h 15 (eh oui, seulement, hélas), 1 h 15 de montagnes russes émotionnelles et vocales. Et I won't complain en dernier : jamais entendue, bouleversante, du mouillé dans l'oeil, belle à se rouler par terre.



Non, n'essayez pas de le réécouter tout de suite, même si je vous en ai donné envie. Pas avant de l'avoir vu sur scène (et en vrai !), ça ne marcherait pas. Benjamin Clementine est un putain d'artiste formidable. Sur scène.

> Réponse le 12 mars 2015, par Luce

vous avez oublié de dire qu'il a failli craquer et jouer du Stromae... ou alors c'était pour se moquer, mais j'y ai cru ;) en effet c'était vraiment spécial comme concert !! j'avais lu qu'un directeur de maison de disque pensait n'avoir rien vu d'aussi bien que Benjamin Clementine en 30 ans... eh bien moi non plus ! a ne pas rater !  Réagir

> Réponse le 07 novembre 2017, par EmilieC

[Bordeaux - Théatre Femin - 06 novembre 2017] Benjamin Clementine est certes un chanteur inégalable (sa voix est tout simplement transcendante) et un pianiste hors pair mais il a, à mon sens, manqué de professionalisme hier soir et heurté pas mal de gens qui étaient venus pour l'écouter. Le chanteur n'ayant pas apprécié que le public lui fasse remarquer que le son était beaucoup trop fort (on se serait crus au Zenith de Paris..mais dans un petit théatre de Bordeaux..c'était à se boucher les oreilles) et qu'on entendait plus sa magnifique voix. Alors, Monsieur a quitté la scène,a près deux ou trois chansons, vexé comme un poux. Il a fallu 10 minutes d'applaudissements intenses, de cris, de messages d'amour grandiloquants pour que Monsieur Clementine daigne revenir sur scène pour finir ce qu'il avait commencé, sans grand...  La suite | Réagir


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