Chronique de Concert
Nadine Khouri + Dominique A
Dominique A fait partie de mon panthéon personnel depuis fort longtemps, et ses passages fréquents en concert à Marseille permettent de se donner régulièrement rendez-vous. Le monsieur possède une discographie étoffée, avec des albums balayant un spectre assez large. Et même si le dernier opus "Le monde réel" n'est pas mon préféré, ses prestations scéniques envoûtantes font que je suis fidèlement présent ce soir. Et pourtant, les concerts assis ne sont pas ma came. J'arriverais toutefois à me caler dans les escaliers près de la console pour la première partie assurée par Nadine Khouri, déjà appréciée lors de son showcase au Lollipop, disquaire indé marseillais et lieu incontournable de la scène musicale marseillaise.
Une nouvelle fois sur scène avec sa guitare, elle assure par l'intensité de sa musique. un folk rock dépouillé servi par une magnifique voix éraillée. Son album a été produit par John Parish, c'est peut-être pur cela qu'elle m'évoque Cat Power pour le chant et Pj Harvey pour la musique (toutes deux dans mon "raaah lovely personnel").. Tempo lent, univers mélancolique, ses morceaux tutoient l'envoûtement. C'est très beau, épuré et intense à la fois.
Elle rendra hommage aux victimes de l'explosion de Beyrouth en 2020, à l'envoutante Lhasa qui vécu à Marseille et nous arracha des larmes lors de l'inauguration des Dos Hermanas et à Mahmoud Darwich tout aussi immense poète palestinien auquel Rodolhpe Burger rendit un bouleversant hommage musical sur le Frioul. Cela ne fait que renforcer l'admiration pour Nadine Khouri qui m'a titillé les émotions en ce début de soirée;
Avant que Dominique A et son groupe montent sur scène, un membre du staff m'explique que je ne peux rester debout dans un coin, ni assis dans les escaliers. Caramba, encore raté. Je chope une place dans les premiers ranges, mais bordel je sais pourquoi je préfère les petites salles undergroundeuh.
Chaque tournée, comme chaque album, voit Dominique A s'entourer d'une nouvelle orchestration, qu'elle soit rock sur Remué ou plutôt synthétique comme sur La Musique. Ce soir, à l'image de l'album, elle est plus jazzy et feutrée avec claviers, flûte, contrebasse, batterie et parfois le sieur A à la guitare. Seule chose qui ne change pas, sa voix au phrasé unique, entre chant et déclamation poétique.
Il nous explique que suite à un élément climatique inconnu à Marseille, le verglas, et sa passion du vélo, son genou est fracassé et il fera le plupart du concert assis, ce qui ne l'empêchera pas de danser de sa manière si caractéristique avec force mouvement de bras, à la violence contenue. Tout comme sur le disque, ils commencent par Dernier appel de la forêt, où il déroule son phrasé sur cette orchestration classieuse avec un beau final instrumental où claviers et flûte prennent toute leur place. A l'image de l'album et de ce que sera ce set, cette intro, moins intense que ses concerts habituels, est plus virtuose et dégage une forme de sérénité.
Impression confirmée par le second morceau Les Roches. Morceaux sophistiqués, ils sont parfaitement exécutés et marquent le début du concert d'une empreinte solennelle, qui tranche avec le côté affable de Dominique A. L'enchainement Désaccord des éléments et Ostinato ajoute du rythme à ce début de concert où j'aimerais toutefois être un peu plus bousculé, les titres étant trop proche du disque.
Avec les autres remplit ce rôle, avec ce refrain entêtant qu'il répète et cet instrumental qui devient nerveux au fil du morceau. Pour moi le concert décolle avec ce titre, impression confirmé avec Le sens, issu de l'intense album "La musique" très synthétique et dont la nouvelle orchestration donne une nouvelle approche hypnotique. Retour au nouvel album avec l'élégant et poétique triptyque Le Monde réel, les vagues et les regrets et Nouvelles du monde lointain.
Très beau morceau sur l'album, il est joué plus nerveux sur scène. Dominique A s'est levé, genou appuyé sur la chaise, son phrasé haché épouse parfaitement la musique, avec des passages de contrebasse à l'archet. Le tranchant Comment certains vivent inaugure une série d'anciens morceaux, guitare au poing. Vient ensuite Vers le bleu, magnifique morceau où l'instrumentation légère d'origine se pare de plus de gravité avec cette formation.
Texte des plus émouvant, chanteur habité et instrumental intense, mon plus beau moment de la soirée. L'horizon, poème épique et Immortels (écrite à l'origine pour Bashung) lumineuse déclaration, lentement déclamée, bénéficiera aussi de cette nouvelle orchestration. Je serais moins convaincu par celle de Hasta que el cuerpo aguante, terrible valse désespérée qui, à mon sens, en ressort plus lisse.
Retour à l'intensité avec Corps de ferme à l'abandon, toujours implacable, presque noise. Preuve de son œuvre éclectique, et de la grande richesse de son répertoire, on enchaîne avec les morceaux mélancolique Au revoir mon amour et Tout sera comme avant. Le groupe sort de scène sauf Dominique A qui explique cela par sa blessure et le fait que cela économise le temps et l'énergie d'un rappel. Il nous propose un morceau solo au vote et même si, comme à chaque fois, le 22 bar est réclamé, il jouera le prenant Manset. Le groupe revient sur scène et entame Eléore et l'incontournable Antonia.
Petit plaisir personnel avec Le bruit blanc de l'été qui m'a toujours touché, qui oscille entre ritournelle et lente transe induite par la répétition des paroles. Climax à venir avec Le courage des oiseaux, viscérale ode à une danse désespérée ? Non, en fait, ce fut la grosse déception du concert. ce morceau, qui m'arrache habituellement des larmes, apparaît bien fade dans cette version qui en gomme l'urgence. Le concert se terminera par le contemplatif Au bord de la mer sous la pluie, avec son instrumental hypnotique.
Chaque concert de Dominique A est différent. Celui-ci, à l'image de l'album, fut exigeant, virtuose et sobre. De très beaux moments, même si il m'a manqué une intensité vécue sur d'autres tournées. Dominique A demeure un très grand artiste, et je fais partie des amateur hardcore de son œuvre, ce qui suscite cette exigence, à la hauteur des claques musicales délivrées. Bien évidement, je serais fidèle au prochain rendez-vous.
Setlist :
Dernier appel de la forêt
Les roches
Désaccord des éléments
Ostinato
Avec les autres
Bowling
Le sen
Le monde réel
Les vague et les regrets
Nouvelles du monde lointain
Comme certains vivent
Vers le bleu
Chaque enfant dans son monde
L'horizon
Immortels
L'océan
Hasta que el cuerpo aguante
Corps de ferme à l'abandon
Au revoir mon amour
Tout sera comme avant
Manset
Eleor
Antonia
Le bruit blanc de l'été
e courage des oiseaux
A bord de la mer sous la pluie
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Critique écrite le 23 mars 2023 par Mystic Punk Pinguin
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