Accueil Chronique album : Catalogue - High Grey Effective, par Lev
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Critique d'album

Catalogue : "High Grey Effective"

Catalogue :

Pop - Rock / No

Critique écrite le 10 septembre 2019 par Lev

Il est aisé à la vérité de réaliser un premier disque lorsque l'on fait du R'n'R. L'enthousiasme qui prévaut lors de l'acte de naissance d'un nouveau groupe génère toujours une créativité débridée et après quelques mois, voilà qu'on a écrit la dizaine de titres nécessaires au remplissage du format Long-Playing. On tient enfin l'objet convoité, celui qui fait de nous l'égal des idoles tant vénérées. Nombre de formations ont dans un premier album érigé un totem, bâti un monument gigantesque, d'allure indépassable. Elles n'ont pas su s'en remettre, leur art s'effilochant à la recherche de l'inspiration primale désormais disparue. Catalogue n'est pas de ces groupes sans lendemain ainsi qu'en témoigne High Grey Effective, second jalon discographique dans lequel se déploie un art plus diversifié et plus accompli, révélant l'âge de la maturité sans doute.
Comme les lecteurs assidus de ce site le savent, Catalogue c'est un élégant quartet marseillais composé de deux guitares, d'une basse et d'une machine à rythmes. Les chroniqueurs ou les critiques, habituellement, définissent leur musique sous le terme de post-punk, expression passe partout dans laquelle on range quantité d'artistes sans véritable proximité, si ce n'est, vaguement, un goût commun pour des musiques très énergiques et assez saturées, comme en font tant de groupes en somme. Le punk, il en est toutefois question dans la musique de nos Catalogue. C'est sans doute le terme qui convient, faute de mieux, pour qualifier le style de leur premier album éponyme ; 40 minutes de musique précipitée sans fard et un peu tordue. Mais "HGE" enregistre une évolution sans remise en cause, ni trahison de cet esprit originel. Désormais, Catalogue, sans oublier 1977, est parvenu en 1979 et s'est imprégné de sonorités new-wave, ces teintes sombres et froides, échos juvéniles aux tourments romantiques, par lesquelles des groupes de curieux jeunes gens chics exprimaient leur mal de vivre. Il y a quelque chose à la façon de Joy Division (Eh oui, osons !) dans "HGE", non des citations, indignes, mais plutôt des manières, des gestes ou réflexes, dictés par l'inconscient on suppose.
"HGE" est fait d'un ensemble de titres, dont certains avaient déjà été dévoilés en 2014 dans un EP japonais, que viennent compléter d'excitantes nouveautés. C'est par La Disco, non le genre musical mais le lieu sordide, que démarre "HGE", donnant le ton général de l'album. Le titre déployé sur une puissante ossature de basse, charpentant la plupart des compositions d'ailleurs, suinte une banale tristesse en faisant partager à l'auditeur les déambulations d'une jeunesse sans perspectives, le samedi soir, à l'arrière des voitures, sur des parkings de nulle part, tuant l'ennui à coups de bières et de clopes. Catalogue sait accorder sa musique aux textes pour construire ce climat naturaliste. On en vient à sentir le parfum de l'after-shave ! Avec les ans, la voix d'Emma a évolué, s'est étoffée. Parlée ou chantée, en français comme en anglais, elle est devenue plus riche, chargée de nuances, avec tout autant d'énergie et de personnalité mais plus posée souvent.
The Brightness, qui s'ouvre sur une basse à décoller les papiers peints, est une composition au parfum étrange, de construction complexe dans laquelle les guitares s'angulent dans d'étranges sonorités. Puis vient Sleeping Revolution, titre déjà publié, dans lequel un espace immense est laissé à l'autre membre du groupe, cette machine qui fabrique les rythmes chez Catalogue et qui semble disposer là d'une respiration propre, de battements d'un cœur véritable, d'une vie et d'une volonté. Elle s'en saisit pour pilonner l'auditeur. Plus loin, c'est 100 times a day, simple et presque pop, amusant intermède. Succède Purgatoire, chanson mystérieuse, dont le texte farfelu évoque des tourments gothiques et qui nous rappelle que Catalogue, ce sont très souvent des tempos enlevés, rapides, secs, nerveux et furieusement dansants.
Acrobatic et Cœur de silex surtout, illustrent ensuite le goût prononcé de nos Catalogue pour l'art répété du motif, signe de reconnaissance de leur manière, presque une marque de fabrique. La répétition du motif est cette qualité de certains artistes, on pense ici notamment à Viallat, qui en le dupliquant à l'infini-ou ce qui parait l'être-parviennent à graver dans la mémoire rétinienne, auditive dans le cas présent, la permanence de l'objet représenté. La beauté est ainsi imprimée dans la conscience immédiate, comme marquée au fer rouge. Chez Catalogue, point de riff lourdingues ou d'arpèges convenues mais la cadence de brefs traits sonores, sortes de rafales, à satiété. On pourrait évoquer Terry Riley pour l'aspect répétitif et tout aussi minimaliste. Mais le lyrisme vient le balayer. Dans son refrain, Cœur de Silex est un appel à quitter l'asphalte : il faut aller plus haut !
Vient Lousy (titre étrange) démarrant sur des tremblements de guitares, comme produits par une platine déréglée. Le chant en recul tout d'abord s'enhardit mais pour mieux s'interrompre. Le morceau est un stop and go. N°5 lui succède. Déjà produit en 2014, ce titre constitué, et c'est une exception, d'un riff malin et inspiré a ici perdu son petit côté garage au profit d'une production dopée à la créatine. On s'éloigne des effluves new-wave. Shoes, le 9e titre, est une chanson minimiste interrompue par un bastringue synthétique, dérangeant et assez inattendu. Haw, enfin parachève. Habilement placé en fin d'album, c'est un beau morceau bien sale, un final échevelé, comme une bagnole poussée à 177 sur l'autoroute, que l'on conduirait les fenêtres ouvertes et les yeux mis clos, sans les phares, dans une nuit tapissée de brouillard, un truc qui met le feu dans un concert et impose un rappel immédiat sous peine d'incendie de la salle.
Platon écrit quelque part que l'homme dont les sens sont attachés à un bel objet, le vénère comme un dieu et s'il ne craignait de passer pour un frénétique, il lui offrirait des victimes, comme à une idole. "High Grey Effective" est un bel objet.

2019 ( Catalogue - Crapoulet Records - Hell Vice i Vicious Records)

 Critique écrite le 10 septembre 2019 par Lev
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