Chronique de Concert
Sparks
On ne peut que se réjouir de la venue des frères Mael ce soir dans la cité phocéenne à l'Espace Julien. En plus d'un demi siècle d'existence et au moins vingt-cinq albums, les Sparks, désormais septuagénaires, n'ont jamais vraiment arrêté de composer ou de se produire malgré quelques passages à vide. Ils ont connu récemment un regain de succès avec la B.O du film Annette de Leos Carax, dont ils ont aussi écrit le scénario.
C'est un public impatient et surexcité qui se regroupe devant la scène, d'autant plus qu'il y a eu de très bons échos du concert de la veille à Nîmes. Quand le groupe apparait, c'est l'ovation. Russel, le chanteur, semble en grande forme. Toujours élégant, il est vêtu d'une veste rouge et noire à la fois kitsch et chic. Visiblement heureux d'être là, il s'adresse au public dans un français presque parfait avec une pointe d'accent.
Il est souriant, affable et communicatif. Un vrai gentleman. Son exubérance naturelle contraste avec celle de son frère Ron, assis derrière son clavier l'air impassible et qui porte toujours sa fine moustache. Depuis le début de leur carrière, les Sparks ont toujours joué avec cette image, non sans humour et avec un sens certain du second degré.
Le concert débute par le premier titre de Annette, So May we start. Le backing band est constitué de deux guitaristes, un bassiste et un batteur tous vêtus sobrement d'un col roulé noir. Ils assureront aussi les choeurs sur quelques titres. Ils restent sagement retrait, alignés au fond de la scène, très professionnels, mais ils donneront malgré tout l'impression de bien s'amuser. Il faut dire qu'accompagner ce fameux duo et jouer une musique aussi bonne doit être sacrément stimulant.
Ce cocktail unique de glam rock et d'électro, avec quelques emprunts à la comédie musicale, séduit d'emblée et ne sonne jamais daté. En plus d'avoir un style bien identifiable, les Sparks ont toujours eu l'art d'écrire des chansons finement ouvragées et flamboyantes, à la tonalité pop, bien plus anglaises qu'américaines (on les a souvent décrits comme des sortes de Kinks d'outre-Atlantique). Et disons le sans hésiter : bon nombre de leurs chansons sont excellentes.
Ils passeront en revue non seulement les titres les plus marquants, ou moins connus, d'un répertoire bien étoffé mais aussi ceux de leur très recommandé dernier album, The Girl is crying in her latte, comme Nothing is as good as they say it is (qui renoue avec le glam rock fantasque des origines) ou It Doesn't Have To Be That Way. En plus d'être un showman aguerri, Russel n'a rien perdu de ses capacités vocales de contre-ténor et passe toujours aussi facilement en voix de tête.
Au fond de la scène, un mur de néons clignote en faisant apparaître le nom " Sparks " ou les paroles des chansons comme c'est le cas dès le début du set avec l'excellent Beaver O'Lindy un des plus vieux titres joué ce soir.
On exulte quand les premières notes de When i'm with you retentissent. Il faut dire que cette perle " synth pop " qui fut un tube énorme en France, a marqué les esprits.
Russel présente son frère Ron qui, au moment où l'on ne s'y attendait pas, se lève et vient chanter d'une voix monocorde et robotique The Shopping Mall of love, un titre électro et minimaliste à la rythmique presque industrielle.
Ils interprètent ensuite les chansons à tendance " eurodisco ", comme Number one song in heaven (un autre tube) qui fut produit par le maître du genre Giorgio Moroder, ou le plus obscur et tardif (de 1994) When do i get to sing " my way ", qui semble faire un clin d'oeil aux Pet Shop Boys (un duo qui doit d'ailleurs beaucoup aux Sparks). C'est à ce moment que Ron se lève à nouveau et vient danser comme un pitre avec le même sourire de maniaque qu'on lui voyait dans les clips des années 80.
Et dès l'introduction au piano de This Town ain't big enough for both of us, le public est en liesse. C'est assez jouissif d'entendre jouer en live par ses créateurs ce titre devenu un classique absolu. Le concert s'achève et Russel, toujours gentleman, remercie chaleureusement le public et présente chaque musicien de l' " incredible band " qui l'a accompagné avec son pianiste de frère.
Ron et Russel reviennent pour un rappel et jouent en duo le baroque et grandiose My Baby's taking me home all that.
Ce concert magistral a donc été une excellente occasion pour beaucoup de (re)découvrir l'immense répertoire des Sparks qui, on le réalise plus que jamais, fait véritablement partie des grands. Rares sont les groupes qui font preuve à la fois d'une telle longévité et d'une telle qualité en ayant toujours su se renouveler ou se remettre en question.
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Critique écrite le 17 juin 2023 par Phil2guy
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