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Chronique de concert Bertrand Belin, Uzi Freyja (Festival Au Large)
Samedi 27 avril 2024 : 6166 concerts, 27085 chroniques de concert, 5412 critiques d'album.
Chronique de Concert
Bertrand Belin, Uzi Freyja (Festival Au Large)
Pfff ... ce soir encore il n'y avait que l'embarras du choix ... Catalogue et No Jazz Quartet au Leda Atomica Musique (pour la clôture de la saison - voir la chronique de VV par ici), Clovis Nicolas Quartet au Club 27 (un concert JAM hors les murs), et cette affiche du festival Au Large panachée avec De la Crau (dont je suis fan), Bertrand Belin (que j'aime bien) et Uzi Freija (que je ne connaissais pas), sur laquelle je lorgnais depuis un moment avec Svet . Ayant à la base prévu de venir avec Svet histoire de nous baigner après le concert comme nous l'avions fait après Magma l'année dernière (voir par ici), c'est donc sur ce 3ème que c'était porté mon choix.
Entre temps Svet s'est cassé le pied et les choses ont singulièrement commencé à se gâter après l'évènement tragique de mardi à Nanterre. Évènement que j'ai suivi comme à mon habitude de très loin, d'autant que j'étais parti à Montpellier 3 jours pour un congrès. Aussi en prenant mon train suffisamment tôt pour ne pas rater De la Crau qui ouvrait au théâtre Silvain, j'ai été assez surpris d'apprendre que les transports en commun s'arrêteraient ce soir à 18h à Marseille (où j'ai appris que la façade de l'Alcazar a été endommagée - difficile de comprendre le message politique dans un tel acte) et à 20h à Montpellier (où la seule manifestation que j'ai pu voir en lien avec mardi était un tag sur un mur) ...
Les premières annoncent d'annulation de concert me sidèrent autant qu'elles m'inquiètent (celui de Hakim Hamadouche à la Vieille Charité notamment). Au Large maintenu. C'est finalement le retard d'arrivée du train et l'envie de passer un moment en famille (un peu délaissée ces 2 dernières semaines) qui auront raison du set de De la Crau. Lorsque j'arrive en vélo je retrouve Sam, Thomas et Manu près du stand merchandising à l'entrée devant la version vinyle de leur album (enfin !). Il y a aussi Hakim Hamadouche dont j'apprends qu'il est venu jouer avec eux sur la fin de leur set du coup !
Pendant que Amazonita DJette et fait patienter la foule, je retrouve pas mal de potes avec qui je papote ... de l'incertitude du maintien du lendemain notamment, plus largement de ce qui se passe et de la façon dont c'est traité, ... une collègue photographe pour un quotidien du coin me raconte que ce soir elle doit couvrir Belin puis les émeutes (je pense "s'il y en a" là encore stupéfait de constater à quel point le dialogue est rompu entre les politiques et la population, et avec l'impression que la presse met de l'huile sur le feu), jusqu'à ce que Bertrand Belin et les siens prennent place sur scène.
Le contraste entre ces pensées et l'entrée en scène de Bertrand Belin est immense. Alors que (de gauche à droite) Thibault Frisoni (machines, basse, claviers), Julien King Omé (guitare), Sylvain Joasson (batterie), Lara Oyedepo (percussions - marimba), et quelqu'un qui a remplacé Jean-Baptiste Julien mais dont je n'ai pas compris le nom (claviers) ont commencé à joué, il arrive, toujours aussi classe. Pantalon à pinces taille haute tel un toréador ou plutôt un danseur de flamenco, la mèche soigneusement rebelle, concentré mais souriant, là et ailleurs, charmeur ...
Et c'est parti pour un très beau Glisse redresse, à l'image de tout ce qu'on aime chez lui. Le côté Bashung de la voix (j'ai aussi pensé au regretté Murat sur ce morceau), ses chorégraphies habitées, à la fois amusantes et entrainantes ... Ces textes faits de mots lâchés ça et là qui ont un sens plus ou moins évident, ce rythme irrésistible ... Pendant ce premier morceau mon regard se porte aussi beaucoup sur Thibault dont le look semble évoluer à chaque fois que je le vois ...
Après nous avoir annoncé une "incendie de décibel" en réponse à ce qui se passe dans plusieurs quartiers des grosses villes, il entonnera Lavé de tes doutes accompagné par la batterie électronique de Sylvain. Entre les morceaux, Bertand nous donne du "Camarade". Puis il nous annonce une chanson sur les "plaisirs et déplaisirs de la campagne électorale" pour un Tambour toujours aussi efficace ...
Première présentation des musiciens à commencer par Thibault de "retour au bercail" (en effet, les lecteurs réguliers de Concertandco ne sont pas sans savoir que Thibault a fait ses armes au sein du David Lafore Cinq Têtes - voir par ici - et de Melc aux côtés notamment de Jeanne Added - par ici), avant de nous parler d'une chanson de fossoyeur, "entre
autopsie et profanation" en guise d'introduction pour le désormais tube Que Dalle Tout.
Pour la suivante, La Nouvelle, il citera le poète marseillais Christophe Tarkos qui disait quelque chose comme "l'acquisition d'une nouvelle nouvelle a la capacité de déformer toute la tête". Morceau funky, basse bien en avant, avec beaucoup de choses qui sortent du clavier aussi. Les femmes (on va dire "beaucoup de femmes" car je n'ai une vision que locale) le regarde se passer la main dans les cheveux, danser, ou faire son solo de guitare avec un sourire béat et des étincelles plein les yeux, regardées elle mêmes par les (des) hommes seuls amusés ou accompagnés et alors inquiets sinon un peu jaloux, réduits à aller chercher des bières pour leurs compagnes, histoire de rappeler qu'ils existent.
Sur National, la douce voix de Lara donne merveilleusement la réplique à la grosse voix de Bertrand. En écoutant les paroles je me demande si vu le contexte les paroles vont un peu changer. Ce n'est pas le cas mais ce qu'on y projette oui. Si le concert de ce soir est beaucoup moins théatralisé que ce concert sur lequel je l'avais découvert au Zef - voir par ici), comme à l'Espace Julien la dernière fois (voir par ici) il reste des petits moments où il regarde en l'air, ou pointe le ciel là où il n'y a rien (d'évident).
A 2 reprises au moins il montera sur l'enceinte juste devant la scène d'où on pourra admirer son jeu de jambes Elvisien ... Il présentera ses musiciens une nouvelle fois ... Lara Oyedepo dont il louera le chant, Sylvain Joasson "un amour" (que j'avais déjà croisé avec le même plaisir notamment aux côtés de Mendelson - voir par ici), Julien King Omé le "capitaine", Thibault Frisoni redescendu là où se promenait "quand il avait 19 ans, 20 ans, 21 ans, 22 ans, ...", et l'autre clavier dont j'ai raté le nom (j'ai noté "Suriman" en phonétique). Long instrumental bien trippant.
Suivra le troublant Peggy et son refrain "La dernière fois qu'on nage, on ne le sait pas" ... que j'écoute en pensant au fait qu'il y a beaucoup de répétitions dans les textes d'une même chanson chez lui, chose qui m'agaçait chez David Lafore quand Thibault l'accompagnait à la guitare, mais qui ne me dérange plus. Plus le morceau avance, plus il devient comme grandiose musicalement ... Betrand semble encourager Lara à taper plus fort sur son xylophone géant (marimba).
Pour le prochain "Mettez la gomme au son !" ce sera Grand duc, suivi du très enlevé De corps et d'esprit ... "un point rouge dans la nuit, c'est une clope ..." je pense aux migrants, jusqu'à ce qu'arrive le refrain "vivant de corps et d'esprit" ... qui me renvoie au décès soudain et récent de Eddy Vacarro (artiste que je connaissais et aimais pour sa gentillesse et cette double vie dans le monde de la musique - au sein de Les hommes de Rio ou Quaisoir - et BD - Championzé, Le Club du Suicide, Les gueules Rouges, ... - voir la chronique d'un concert dessiné où il alliait les deux par ici) à qui nous dirons un dernier au revoir demain à La Ciotat ...
Final (qui n'en sera finalement pas un) instrumental bruitiste parfait avec Romain qui comme dernière fois quittera les retours scène pour venir prêter main forte à Julien à la guitare. "Merci d'être là, on continue". Belle intro au piano de celui dont je n'ai pas le nom et on calme le jeu avec La comédie pendant laquelle il ira se renseigner sur le côté s'il a le temps pour une dernière. La réponse étant oui, ils finiront avec ... "vous aimez les volatiles, vous aimez Edith Piaf, Andrew Bird et Bec(k) ?" ... le très attendu Oiseau.
C'est le moment que je choisirai pour m'éloigner un peu du pied de la scène ... et prendre un peu de hauteur pour profiter de la vue de ce si beau cadre, où le public voit aussi bien le groupe que le groupe le public ... C'est dans ses marches que je rencontrerai d'autres personnes comme Bibi avec qui nous parlerons musique, accrédit, festivals mais pas que ... jusqu'à ce que le dernier groupe de la soirée attaque.
Changement radical de style et d'ambiance avec Uzi Freyja duo "né de la rencontre entre Kelly Rose et Stuntman5 lors d'un ‘open mic' dans les rues de Nantes" dont "Le flow et l'énergie de la Parisienne anglophone d'origine camerounaise met tout le monde d'accord" dixit le texte de présentation. J'aime bien les festivals qui osent les mélanges de styles comme le fait le festival Au Large ou le festival Yeah ! quitte à être un peu surpris.
C'est donc avec une oreille vierge et bienveillante que j'écoute et regarde Kelly Rose en essayant de ne pas m'arrêter aux nombreux "motherfucker" et "bitch" qui reviennent en boucle dans la plupart des chansons (sans oublier "pussy"). Chant en anglais donc, dont on chope çà et là des indices sur les thématiques des chansons ("nigger" "I'm black" "my pussy my choice") visiblement assez militantes sinon en tout cas revendicatives.
Ce qui m'impressionne le plus c'est la façon qu'elle a d'occuper une si grosse scène seule, avec comme seul accessoire une petite estrade sur laquelle elle monte et descend de temps en temps. Beau jeu de lumières qui habillent bien certains morceaux et sur le côté dans le fond, un Stuntman5 bien présent musicalement mais très statique derrière ses platines.
Entre les morceaux elle s'adresse beaucoup au public ; pour cela elle prend une petite voix douce (qui contraste pas mal avec celle avec laquelle elle chante) avec des "ouh la la" et "merci" un peu surjoués. Je ne sais pas comment elle se considère mais en tout cas elle nous appellera "les humains". Un peu de français dans certains textes aussi comme ce Fous moi l'camp qu'elle nous fera reprendre en chœur.
Les passages que je préfère sont ceux où elle rape vraiment, et ne se contente pas de répéter en boucle les mots cités ci-dessus. Dans le public notamment sur les gradins il y a quelques filles corporellement déchaînées sur qui la musique semble faire beaucoup d'effet.
Un peu plus tard elle accueillera sur scène une danseuse quasi-contorsionniste, qui commencera à ôter le peu qu'elle avait, déchainée, en phase avec la musique. Elle tombera / roulera de la petite estrade, après avoir pris de nombreuses poses suggestives, dos cambré, fesses vers le ciel ... ou plutôt vers notre chanteuse énervée. Embrassade et grand sourire à la fin du morceau. "Vous aimez le sadomaso, hein !"
Pour moi ça me suffit. J'aime bien le côté rap américain rentre-dedans à la Insane clow posse ou Cypress hill mais au 250ème "bitch" et poses aguicheuse je préfère trouver lentement le chemin du retour. A la sortie je salue rapidement Thibault qui s'échappe à ce moment-là, je passe devant l'indispensable stand de SOS Méditerranée et repars par la Corniche en écoutant au loin Uzi ....
Sur le chemin du retour, en dehors du bruit de quelques hélicos ("la France a peur, tous les soirs à 20 heures" chantait Mickey3D il y a 23 ans !) et une poubelle fumante pas loin de chez moi, tout à l'air calme. En tout cas du côté de la Corderie, Préfecture et de la Plaine. Je me dis que Gilles a tort de s'inquiéter pour le maintien des 2 autres soirs. Il s'avérera qu'il avait raison. Les choses ne se sont pas calmées, en tout cas la Préfecture, qui on l'a remarqué est plutôt du genre ceinture et bretelles, sortira un arrêté préfectoral empêchant la tenue des 2 autres soirées ...
Beaucoup plus de photos et quelques vidéos par Pirlouiiiit par ici
Critique écrite le 02 juillet 2023 par Pirlouiiiit
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> Réponse le 09 juillet 2023, par A
[Paris - 09/07/2023] "Un Stuntman5 bien présent musicalement mais très statique derrière ses platines"L'art est dans la discrétion. L'action dans la création" Ca fait du bien d'entendre du son plutôt que voir du bruit. Réagir
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