Chronique de Concert
Bertrand Belin
La Coopérative de Mai, Clermont-Ferrand 29 novembre 2022
Critique écrite le 07 décembre 2022 par Pierre Andrieu
Avant de jouer à la salle Pleyel en décembre puis à l'Olympia en mars, Bertrand Belin se produisait pour la première fois dans la grande salle de La Coopé fin novembre, après avoir enchanté moult fois le club avec ses prestations de haut vol. Force est de constater que le passage à des lieux plus vastes n'a en rien affecté la qualité du show de l'auteur de "Tambour Vision" : c'est toujours la grande classe !
A peine descendu du train, un peu fatigué par notre escapade "à la capitale" pour assister au show mémorable de The Cure à Bercy, on arrive rue Serge Gainsbourg en se disant que ça va être dur de se faire emporter après toutes les émotions vécues la veille. Et puis, dès le premier morceau, "Carnaval", Belin et sa troupe de musiciens (modifiée et étoffée) arrivent à nous saisir en un clin d'œil. Par quel miracle ? En bâtissant un univers "chanson électro pop" audacieux sur lequel la voix du maître de cérémonie fait merveille. Les cinq musiciens (deux claviers, dont Thibault Frisoni, parfois à la basse, une guitare, un marimba, une batterie, mais pas celle de Tatiana Mladenovitch) et leur chanteur (qui joue peu de sa "six cordes", mais toujours aussi bien) sont vraiment fortiches : ils arrivent à recréer les atmosphères synthétiques du dernier album, en les boostant pour le live avec une tonalité parfois plus rock.
En plus de chanter divinement dans un style original tout en étant dans la lignée d'Alain Bashung (à qui il rendra hommage au micro, ainsi qu'à Arno), Bertrand Belin gratifie l'assistance de mini sketches qui servent d'introduction ou de prolongement aux chansons : c'est joyeusement absurde, assez hilarant et ça tranche clairement avec les mauvaises habitudes de certaines têtes d'affiche qui enchaînent à la va-vite en disant à peine merci. L'homme est aussi acteur, et il se sert de ses talents dans ce registre pour agrémenter son show en prenant des mimiques drolatiques tout en dansant comme un automate déréglé (bientôt les ballets de l'opéra de Paris ?). Cette prestance facétieuse, assez rare en France, rend le truc irrésistible. D'autant plus que les titres forts ne manquent pas, c'est le moins qu'on puisse dire. Dans cette catégorie enviée, on pense au tube du nouvel opus, "Que dalle tout", qui claque presque d'entrée de jeu, à l'enlevé également "Pipe" (no comment), à "Sur le cul" (superbe et aventureux) ou encore à "Peggy" (l'une de ses plus belles chansons, écoutable en boucle depuis sa sortie, en 2013). Et puis il y a aussi "Au début c'était le début", une géniale autant que mémorable reprise des Limiñanas (dont il a écrit le texte et qu'il chante sur leur dernier album, "De Pelicula"), en guise de fin de set avant les rappels.
Le public, nombreux et conquis, ne manque pas alors de rappeler les six artistes, qui se fendent d'une version vertigineuse (et étirée façon transe) du titre "De corps et d'esprit", où le marimba démontre une fois de plus sa pertinence dans les arrangements. Ce vestige de la tournée avec les Percussions Claviers de Lyon est un gros plus sur ce concert. Qui prend fin avec une version bouleversante de "La comédie", un "piano voix" ultra intimiste qui pourrait éventuellement tirer des larmes à un fan du nouveau Chevalier des Arts et des Lettres, Franky Vincent (y a-t-il un ministère de la culture en France ?) et un ultime titre à tomber à la renverse, "Oiseau". Cette perle signée Laurent Bardainne & Tigre d'Eau Douce (featuring Bertrand Belin) est une ballade jazz propulsée dans la stratosphère par des synthés miraculeux et un texte complètement barré. Au début de ce vol plané d'anthologie, on a envie de chialer dans sa bière, et à la fin on pleure de rire. C'est ça l'effet craquant de Belin, qui conclut en citant et imitant ("cuicuicuicui...") toutes sortes de volatiles sous un déluge d'applaudissements mérités. Bref, ne manquez surtout pas ce final et... cette tournée !
A lire également, une interview de Bertrand Belin à propos de l'album "Persona" (2019).
Photos : Yann Cabello www.yanncabello.com, www.facebook.com/yann.cabello.7, twitter.com/YannCabello, instagram.com/yanncabello...
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Critique écrite le 07 décembre 2022 par Pierre Andrieu
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