Petit retour sur le J3 au Main Square. Main square, festival décrié et sujet à polémiques pour deux raisons principales : alors qu'il est produit et organisé par Live Nation, multinationale américaine, il touche quand même des subventions publiques, au grand dam des associations locales. D'autre part, les cachets astronomiques proposés aux artistes majeurs (on parle de 700 000 euros pour Lenny Kravitz) engendrent une inflation que les Vieilles Charrues ou les Eurockéennes ne peuvent suivre... D'ailleurs je remarque que la presse "engagée" ne parle que très peu de Main Square alors que l'affiche proposée cette année est certainement la plus excitante des festivals français, sinon l'une des plus belles d'Europe...

Bref entre les inoxydables Sisemilia, Keziah Jones, Les Wampas et j'en passe qui fréquentent pour la quarantième fois le gentil et éthique Solidays, et le gratin du rock européen qui se donne rendez-vous au méchant Main Square, j'ai choisi. Et bien m'en a pris.


Expatriate

La journée commence sous un soleil de plomb avec les dispensables Expatriate, Australiens qui balancent avec conviction (et très fort) une new wave maintes fois entendue... Pas désagréable comme mise en bouche mais sans grand intérêt...


Ghinzu

Puis arrivent vers 16 h mes Belges préférés, Ghinzu. Je suis presque venu uniquement pour eux, marqué par des albums lyriques et flamboyants et une prestation scénique récente démentielle (concert privé au Divan du monde à Paris le 19 mai). Écrasée par le soleil, la foule qui grossit au fur et à mesure que le set avance, semble d'abord assez molle sur les titres de la récente galette du groupe "Mirror, mirror". Mais charriée par l'arrogant et remuant John Stargasm et prise par la tension grandissante, elle se réveille sur les anciens morceaux du groupe (Blow, The Graster Wave)... Handicapé par un horaire difficile (et par une fête post Eurockéennes ?), Ghinzu livre malgré tout un set pro, efficace mais qui manque du grain de folie qui accompagne souvent les concerts des Belges rugissants. Et du light show impressionnant en version nocturne. Bien satisfaisant tout de même pour le fan que je suis.


Gossip

Arrivent ensuite les Gossip. Auréolé d'une réputation flatteuse sur scène, le trio emmené par Beth Diddo livre une prestation conforme aux attentes : générosité, énergie, qualités soniques indéniables, Gossip emporte l'adhésion en jouant sur ses atouts. Et prouve que l'icône Beth Diddo reste avant tout une show girl inimitable qui transforme chaque concert en moment unique, soutenue par des partenaires efficaces (le guitariste Nathan et le batteuse Hannah notamment). Ici, le set sera entrecoupé de bains de foule et de demandes insistantes pour qu'on lui livre des chaussettes, histoire de soulager ses pieds martyrisés. Ou encore d'une surprenante reprise a cappella de Whitney Houston pendant la mise des dites chaussettes. Plus que sur disque, Gossip est à découvrir sur scène, où le paroxysme du plaisir est atteint pendant l'hymne qu'est "Standing in the Way of Control"... Engagé et magique.


Bloc Party

Je reste dubitatif quant au groupe suivant, Bloc Party. Souvent décevant et statique sur scène, le groupe anglais semble s'être perdu après un premier album pourtant magnifique... Mais là, surprise ! Profitant d'un public chauffé à blanc par Gossip et porté par un son de très bonne facture, la bande du charismatique Kele Orekeke livre un show nerveux et empreint d'une belle intensité. Le tout avec un plaisir évident. La set list, bien équilibrée entre les trois albums, est cohérente. Les Anglais sont heureux d'être à Arras, le public suit, que demander de mieux... On oubliera juste les dispensables effets : "allez faites du bruit à ma gauche. Et à droite, allez-y. Ahhh, ils sont meilleurs à gauche...". Habitué des départs de scène un peu secs, il faut au contraire que l'organisation du Main Square somme le groupe de partir... Conscient d'avoir offert au public un concert efficace et sincère, le groupe londonien s'enlace en partant, sous les vivas d'une foule conquise. Bloc Party à Arras ou l'histoire d'une renaissance...


Kaiser Chiefs

Kaiser Chiefs pour suivre : je ne vais pas mentir, je suis assez insensible à ce rock que je qualifierais d'assez gras. Le son est massif, les disques sont bien produits mais je n'y trouve que peu d'émotions. Et pourtant sur scène, le groupe assure. Porté par un Ricky Wilson bondissant, la troupe de Leeds enchaîne ses tubes tout en énergie, haranguant la foule qui y trouve son compte. Qualité musicale discutable pour moi mais belle prestation scénique et verve communicative. Pas d'orgasme musical mais un vrai bon show suivi avec plaisir.





Placebo

Moi qui suis assez critique en général, je pensais que mon venin éclaterait au moment de parler de la prestation de Placebo, groupe froid et sur la pente descendante, marqué par une dernière tournée ratée et des tensions grandissantes au sein du trio. Mais Brian Molko a fait le ménage : exit le batteur historique et engagement de nouveaux musiciens qui accompagnent Brian Molko, Stefan Olsdal ("la reine de Suède") et le nouveau batteur, le blond, juvénile et ultra tatoué Californien Steve Forrest. Résultat : un dernier album, "Battle for the Sun", encensé par la presse et décrit comme celui de la rédemption. Bon, ok, et sur scène ? Ne l'ayant pas écouté, j'attendais de découvrir les morceaux en live... 22 h 05 : intro hypnotique, bande de lumière en fond de scène où est annoncé Placebo en lettres électriques rouge sur fond gris...

Le groupe débarque sous les acclamations d'une foule venue en grande partie pour lui. Rapidement, les morceaux du dernier album s'enchaînent et à ma grande surprise, c'est jouissif. Monté sur ressorts, le batteur est à l'origine d'une base ryhtmique à couper le souffle, la basse est claire, la voix de Brian Molko lumineuse. Les nouvelles chansons sont nerveuses portées par des riffs accrocheurs et la tonalité, à la limite de la rupture, de Brian Molko, plus qu'engageante. Review de "Battle for the sun" suivie des standarts du groupe, le show est magnifique... Souffle épique, déluge sonique, foule en transe : tout est réuni pour que ces 1 h 30 soient un grand moment. À 23 h 35, Placebo se réunit sur la scène, et les membres du groupe, à la façon d'une troupe théâtrale, saluent plusieurs fois un public gorgé de plaisir... Le message est clair : Placebo a failli disparaître mais Placebo, apaisé et à nouveau inspiré, n'a pas dit son dernier mot.

Voilà, c'est fini, c'était un 4 juillet à Arras et c'était inoubliable...